Incendies géants au Canada, pollution de l’air à New York, sécheresse historique en Espagne… confrontés directement à ses effets, les pays occidentaux vont-ils se mettre en mouvement pour répondre au défi climatique ?
Entre la prolifération de théories du complot face aux incendies-monstres qui ravagent le Canada (Vert) et les attaques contre les agences de l’eau en pleine sécheresse en Espagne, les réactions constatées dans certains pays confrontés à des situations extrêmes semblent parfois aller à l’inverse d’une prise de conscience. L’idée d’une «pédagogie par la catastrophe» peine pour le moment à prouver son efficacité.
Une situation en lien avec la réaction de notre cerveau, explique à Vert Annamaria Lammel professeure de psychologie et autrice principale du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : «On considère que l’évènement n’arrive qu’une fois et que l’année prochaine, tout ira bien. Même si un été, ça brûle, les gens oublient». Elle constate un biais qualifié d’«optimisme climatique».
En demandant à ses étudiant·es de définir ce qu’était le climat, la chercheuse s’est rendue compte qu’elles et ils avaient du mal à le conceptualiser, mais parvenaient à verbaliser les sentiments de peur, angoisses, honte et culpabilité face au dérèglement climatique. «On sait que la situation est due aux activités humaines, mais parce que ce sont d’abord les émotions qui parlent, on n’arrive pas à donner une réponse raisonnable», explique la chercheuse. Ces émotions poussent certain·es à chercher des coupables, parfois au prix de la vérité.
Tout n’est pas perdu pour autant. L’autre réponse psychologique face à une situation de crise, c’est l’action. «Il y a toujours un moyen d’accompagner la réaction spontanée par quelque chose de plus rationnel», rassure Oscar Navarro Carrascal, professeur en psychologie environnementale à l’Université de Nîmes. Il préconise notamment de sortir de l’analyse individuelle pour comprendre la réaction au changement d’un point de vue collectif. «L’écoanxiété ne s’explique pas seulement par le fait de voir la catastrophe, mais surtout de voir l’inaction des autres», affirme-t-il. Même après avoir vécu dans sa chair un évènement traumatisant, la réaction pourra dépendre des autres, des messages véhiculés par les médias et de la société en général.
Les réponses anti-écologiques prônées par les partis populistes et autoritaires risquent d’être les grandes gagnantes de cette situation, anticipe Joel Millward-Hopkins, chercheur à l’Université de Leeds au Royaume-Uni, dans une étude récente. Le changement climatique aggrave les inégalités, les migrations et les risques de conflit. Un cocktail explosif qui a le plus souvent profité aux extrêmes au cours de l’histoire, et pourrait expliquer les réactions de rejet aux États-Unis et au Canada, analyse le sociologue.
Pour autant, le fait de vivre directement un évènement inhabituel pourrait aussi conduire à privilégier des politiques pro-climat, nuance auprès de Vert Lucas Leemann, professeur de Sciences politiques à l’Université de Zurich. Il a démontré que le vote en faveur de partis écologistes en Suisse avait augmenté de 20% dans les communes directement touchées par des catastrophes naturelles.
En définitive, il semblerait que la multiplication des évènements météorologiques extrêmes suscite l’alerte, tout en attisant rejet et déni.
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