Désordres de grandeur

Les techniques des climatosceptiques pour nier la réalité scientifique

Alors que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) a mis un point final à son sixième rapport, la poignée de climatosceptiques qui subsiste dans les médias s'agite (espérons-le) une dernière fois. Voici les arguments qu'elles et ils ne manqueront pas d'utiliser pour nier la gravité de la crise et l'urgence des actions à mener.
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Les “scientifiques du GIEC” n’en sont pas, mais seulement des représentants très politiques de chaque État auprès de l’ONU» ; voici l’une des mille inepties fièrement déblatérées par Gilles-William Goldnadel dans un billet paru cette semaine dans le club de Valeurs actuelles. Sous couvert de chroniquer Les douze mensonges du Giec, pamphlet de l’« expert » Christian Gerondeau – «premier délégué ministériel à la sécurité routière» tout de même –, l’avocat médiatique d’extrême droite se livre à une diatribe contre la science sur le climat. Ce texte – particulièrement pénible à lire à l’heure où le consensus est désormais absolu quant à la gravité de la crise et son origine humaine – est un cas d’école de falsification du réel.

Il se trouve que les types d’arguments fallacieux et/ou mensongers brandis par le chroniqueur ont été décortiqués de longue date par John Cook, scientifique australien spécialiste de la communication autour du climat. Fondateur de skepticalscience.com (« science sceptique »), voilà des années qu’il œuvre à « déconstruire le déni climatique ». De ses nombreux travaux sur le sujet, il a tiré une typologie des astuces utilisées par les négateurs du consensus scientifique, qu’il a articulée autour de cinq familles : le recours aux faux experts, à des logiques fallacieuses, à des attentes irréalistes, au picorage (ou « cherry picking ») et à la théorie du complot. Il existe de nombreuses variantes plus ou moins complexes de cette classification ; voici l’une d’entre elles, traduite par les soins de Vert pour vous permettre de repérer et de mettre au jour les grosses ficelles de celles et ceux qui veulent détricoter la science.

A partir de Cook, J. (2020). Deconstructing Climate Science Denial. In Holmes, D. & Richardson, L. M. (Eds.) Edward Elgar Research Handbook in Communicating Climate Change. / Design et traduction par Vert

C’est encore un peu obscur ? Voici qui devrait vous permettre d’y voir bien plus clair.

A partir de Cook, J. (2020). Deconstructing Climate Science Denial. In Holmes, D. & Richardson, L. M. (Eds.) Edward Elgar Research Handbook in Communicating Climate Change. / Design et traduction par Vert
A partir de Cook, J. (2020). Deconstructing Climate Science Denial. In Holmes, D. & Richardson, L. M. (Eds.) Edward Elgar Research Handbook in Communicating Climate Change. / Design et traduction par Vert
A partir de Cook, J. (2020). Deconstructing Climate Science Denial. In Holmes, D. & Richardson, L. M. (Eds.) Edward Elgar Research Handbook in Communicating Climate Change. / Design et traduction par Vert
A partir de Cook, J. (2020). Deconstructing Climate Science Denial. In Holmes, D. & Richardson, L. M. (Eds.) Edward Elgar Research Handbook in Communicating Climate Change. / Design et traduction par Vert

Vous pouvez télécharger le fichier en pdf en cliquant ici.

Voici le tableau en version texte, que vous pourrez réutiliser à votre guise.

Ad HominemAttaquer la personne/le groupe au lieu de contre-argumenter.« On ne peut pas faire confiance aux climatologues parce qu’ils sont partiaux. »
AmbiguïtéUtiliser un langage ambigu afin d’aboutir à une conclusion erronée.« Les relevés de thermomètre ont une part d’incertitude ; nous ne savons pas si le réchauffement de la planète a réellement lieu. »
AnecdoteUtilisation de l’expérience personnelle ou d’exemples isolés au lieu d’arguments solides ou de preuves convaincantes.« Le réchauffement climatique ? Alors qu’il fait -3 °C ce matin dans les Yvelines ? »
Faux experts en vracCiter un grand nombre de prétendus experts pour soutenir qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur un sujet donné.« 31 487 Américains diplômés en sciences ont signé une pétition affirmant que les humains ne perturbaient pas le climat. »
Cherry PickingSélectionner avec soin les données qui semblent confirmer un point de vue tout en ignorant d’autres données qui le contredisent.« Le réchauffement climatique s’est arrêté en 1998. »
Théorie du complotImaginer qu’il existe un plan secret pour mettre en œuvre un projet infâme tel que cacher une vérité ou propager de fausses informations.« Le Climategate prouve que les climatologues sont membres d’un complot visant à tromper le public. »
Faux débatPrésenter des arguments scientifiques et pseudo-scientifiques sous une forme contradictoire pour donner l’impression fallacieuse d’un véritable débat scientifique.Donner aux climatosceptiques le même poids qu’aux climatologues crée l’impression trompeuse qu’il existe un débat scientifique sur des faits élémentaires tels que le fait qu’un réchauffement climatique d’origine humaine est effectivement en cours.
Faux expertsPrésenter une personne ou une institution non qualifiée comme une source d’informations crédibles.« Un urologue spécialiste de l’intelligence artificielle s’élève contre le consensus, affirmant que les changements climatiques actuels ne sont qu’un phénomène parfaitement naturel. »
Fausse analogieSupposer que parce que deux choses se ressemblent à certains égards, elles se ressemblent aussi à d’autres égards.« Les climatosceptiques sont comme Galilée, qui a fait voler en éclats le consensus scientifique sur le géocentrisme. »
Faux choixPrésenter deux options comme les seules possibles, alors que d’autres possibilités existent.« Les émissions de CO2 arrivent après les variations de température dans les relevés de carottes de glaces, ce qui signifie que la température augmente les émissions de CO2 »
Attentes irréalistesExiger des niveaux irréalistes de certitudes avant d’agir au nom de la science.« Les scientifiques ne peuvent même pas prédire le temps qu’il fera la semaine prochaine. Comment peuvent-ils prédire à quoi ressemblera le climat dans 100 ans ? »
Logique fallacieuseArguments dont la conclusion ne découle pas logiquement des prémisses. Également connues sous le nom de non sequitur.« Autrefois, le climat changeait naturellement, donc ce qui se passe aujourd’hui est forcément naturel. »
DéformationDéformer une situation ou la position d’un adversaire de manière à fausser la compréhension.« Ils ont changé le nom de « réchauffement climatique » en « changement climatique » parce que le réchauffement mondial a cessé. »
Changer les règles du jeuExiger des preuves encore plus rigoureuses après avoir obtenu les preuves demandées.« Le niveau des mers monte, mais cette hausse ne s’accélère pas. »
Simplification à outranceSimplifier une situation de manière à fausser la compréhension, conduisant ainsi à des conclusions erronées.« Le CO2 nourrit les plantes, donc brûler des combustibles fossiles sera bon pour les plantes. »
DiversionDétourner délibérément l’attention sur un point non pertinent afin de faire oublier un point plus important.« Le CO2 est un gaz à l’état de traces, son effet de réchauffement est donc minime. »
Cause uniqueSupposer une seule cause ou raison alors qu’il peut y en avoir plusieurs.« Les populations d’ours polaires ont augmenté, donc il n’y a pas de problème de réchauffement. »
Pente glissanteSuggérer qu’une action mineure en faveur du climat peut avoir des conséquences majeures.« Limiter la vitesse à 30 km/h en ville, c’est la porte ouverte au totalitarisme vert ! »
Raisonnement paresseuxIgnorer les preuves pertinentes pour arriver à une conclusion.« Il n’y a pas de preuve empirique que les humains sont la cause du réchauffement climatique. »
Homme de pailleDéformer ou exagérer la position d’un adversaire pour le rendre plus facile à attaquer.« Dans les années 1970, les climatologues prédisaient une ère glaciaire. »

Un grand merci à Valérie Jardel pour son aimable contribution à la traduction.


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