Trafic ferroviaire interrompu, accès à Internet partiellement coupé, pannes d’ascenseur… Alors que le courant n’était pas encore revenu sur l’ensemble de la péninsule ibérique lundi soir, certains n’ont pas attendu de connaître les causes de la panne pour accuser les énergies renouvelables.
«On a été surpris par le traitement médiatique qui a, très rapidement, attribué la coupure aux énergies renouvelables (ER). Même le service audiovisuel public s’est permis d’inviter des opposants historiques aux ER», commente auprès de Vert Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat. Cette ONG, qui lutte contre la désinformation climatique, a interpellé la chaîne d’information France info sur une séquence diffusée lundi à 23 heures.
Dans celle-ci, François Bouglé, invité en tant qu’«essayiste, expert en politique énergétique», et par ailleurs auteur d’un livre anti-éoliennes, a attribué le black-out aux énergies renouvelables – «panneaux solaires, éoliennes» –, présentées comme «très dangereuses pour la sécurité électrique de la France».

En plateau, la journaliste ne l’a pas contredit et a relancé un autre invité : «Est-ce que là, ce qui s’est passé en Espagne, même si on n’est pas totalement certain des causes, est-ce que ça veut dire que l’énergie solaire, les éoliennes, c’est pas bon ?»
«D’une part, il n’y a pas de contradictoire. La journaliste semble même approuver que les renouvelables ne sont “pas bons”, ce qui ne correspond pas au réel, reprend Eva Morel. Et ce n’est pas neutre d’inviter des personnes historiquement opposées aux énergies renouvelables – comme Fabien Bouglé, qui multiplie les prises de parole sur ce sujet, notamment dans Le Point et Sud Radio – et de ne pas le préciser.»
«Il est urgent de former vos présentateurs»
Pourtant, à ce jour, la cause de l’incident reste inconnue. «Aucune hypothèse ne sera écartée» tant que le réseau électrique n’aura pas été dûment analysé, a déclaré mardi le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, cité par Le Monde. La justice a ouvert une enquête sur un éventuel sabotage informatique, alors que le gestionnaire du réseau électrique espagnol et le gouvernement portugais ont écarté la théorie d’une cyberattaque. Pour l’instant, pas de quoi désigner les énergies renouvelables comme coupables, donc.
«France Télévisions : il est urgent de faire valoir le pluralisme dans la composition de ce type de plateaux et de former vos présentateurs aux enjeux environnementaux et énergétiques. Le résultat est, sinon, une cacophonie, particulièrement en période de crise», a interpellé QuotaClimat sur Instagram.
France info n’est pas le seul média, en France ou à l’international, a avoir donné une tribune aux critiques des énergies renouvelables. Au Royaume-Uni, le quotidien conservateur The Daily Telegraph a titré en Une : «Net zero blamed for black out chaos» («Le zéro émission – les énergies qui n’émettent pas de CO2 – accusé d’être à l’origine du chaos des pannes d’électricité», en français).
«Une désinformation destinée à faire dérailler la transition mondiale»
«Je suis effaré de voir la multiplicité des réactions de spécialistes autoproclamés “experts” […] profiter de l’occasion pour prendre la lumière sur les plateaux télé, sans même savoir si les énergies renouvelables sont ou non à l’origine de la panne», a réagi Maxence Cordiez, ingénieur et expert associé énergie à l’Institut Montaigne, via Linkedin. Il a ajouté : «Il est de la responsabilité des médias de vérifier que les gens qu’ils invitent sur les plateaux pour donner une expertise technique ont l’expérience et les connaissances pour ce faire. Le fait d’avoir rédigé des livres militants ne constitue pas un gage d’expertise.»
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