L'étude

Sud Radio, CNews, mais aussi France Télévisions : 128 cas de désinformation climatique recensés depuis janvier

Mauvaise rumeur. Dans une étude inédite, QuotaClimat, Data for Good et Science Feedback dévoilent le rôle des médias audiovisuels dans la propagation de la désinformation climatique. Grâce à un nouvel outil basé sur l’intelligence artificielle, ces associations ont détecté en moyenne dix cas chaque semaine depuis le début de l'année.
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Les fausses informations et les discours qui nient le réchauffement climatique ou son origine humaine dépassent largement les réseaux sociaux. Chaque semaine, en moyenne, une dizaine de contrevérités sont proférées sur les plateaux télévisés ou dans les émissions radio des médias traditionnels français. «Une menace croissante», alertent trois associations, Quota Climat, Data for Good et Science Feedback, qui publient ce jeudi un rapport nourri grâce à leur nouvel outil de détection automatisée de la désinformation climatique.

Cyril Hanouna dans l’émission «On marche sur la tête» sur Europe 1, le 4 avril 2025. © Capture d’écran Youtube

Basé sur l’intelligence artificielle, celui-ci analyse les programmes d’information des 18 principales chaînes de télévision et stations de radio. Les extraits problématiques sont ensuite vérifiés par des fact-checkers. Résultat : l’étude donne pour la première fois une image «exhaustive» de la désinformation climatique dans le paysage audiovisuel français, révélant 128 cas avérés d’une telle manipulation sur les trois derniers mois. Soit dix cas par semaine en moyenne.

«On a souvent cette idée reçue que la désinformation climatique est un problème uniquement en ligne. On voit que les vecteurs les plus dignes de confiance, les médias traditionnels, propagent aussi de la désinformation et ça, c’est un problème», appuie Eva Morel, co-fondatrice et secrétaire générale de QuotaClimat.

Tout le spectre médiatique touché

«On a trouvé beaucoup plus de cas que l’on pensait et on voit que ça touche une grande partie des médias, plus ou moins poreux à la désinformation. Certains désinforment activement, d’autres pas», précise Lou Welgryn, secrétaire générale de Data for Good.

Dans la première catégorie, la palme d’or revient à… Sud Radio. Selon le rapport des trois ONG, cette station est responsable de 31% des cas de désinformation climatique détectés entre janvier et mars 2025.

Diffusée en juillet 2024, une enquête d’AFP Factuel et de «Complément d’enquête» montrait déjà que les climato-dénialistes (ceux qui nient l’existence du réchauffement) ont leurs habitudes dans l’émission «Bercoff dans tous ses états», d’André Bercoff. Une tendance que cette nouvelle étude confirme : le 31 janvier 2025, un intervenant de ce programme a déclaré que les émissions de CO2 dans l’atmosphère, causées par les humains, «représentent zéro quelque chose derrière la virgule [sic]». «Autrement dit, poursuit-il, on combat la capacité de réchauffer l’atmosphère de 0,004%, et on considère que les 99,997 autres% ne comptent pour rien dans le réchauffement climatique.» Réponse du journaliste à l’antenne : «Ouais». Dans les faits, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) rappelle, dans son ultime rapport, que le réchauffement de la planète est dû, «sans équivoque», aux émissions de gaz à effet de serre produites par les humains.

CNews (qui a écopé d’une amende de 20 000 euros pour climatoscepticisme, prononcée en juillet 2024 par l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, à la suite d’une saisine de QuotaClimat), RMC et Europe 1 sont également classés comme «à risque» dans l’étude. Les médias privés représentent plus de 85% des cas détectés. Autre exemple, sur le plateau de BFMTV, le 21 janvier dernier, un représentant de Donald Trump en France a déclaré : «En 2009, Al Gore (ancien vice-président démocrate américain, aujourd’hui militant sur les questions écologistes) nous disait qu’en 2015 il n’y aurait plus un gramme de glace sur les calottes glaciaires. On nous a baratinés pendant des années […] il est temps d’arrêter». Il n’a pas été repris par le présentateur.

«Ces propos doivent être contredits»

L’audiovisuel public (France 2, Franceinfo, France inter…) est aussi concerné par la propagation de fausses informations sur le climat, le plus souvent lors d’interviews politiques ou à cause de paroles rapportées d’acteurs publics, note le rapport. Sans surprise, les sujets les plus visés par les tentatives de manipulations sont les plus clivants : les énergies renouvelables et la mobilité, particulièrement sur les véhicules électriques. «Ce n’est pas étonnant d’avoir ce type de propos, mais ils doivent être contredits ou recontextualisés», reprend Eva Morel, la co-fondatrice de QuotaClimat.

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«On aimerait un sursaut de la part des journalistes et des médias, poursuit-elle. Il y a un faible volume d’informations de qualité sur le climat, ce qui ne permet pas de contrebalancer la désinformation et crée une perte de repères.» Seulement 2% du temps d’antenne a été consacré aux enjeux environnementaux pendant la période analysée, note l’étude.

Les trois ONG préparent un rapport final, prévu pour septembre 2025. D’ici là, elles travaillent sur une proposition de loi à l’adresse des législateurs pour mieux encadrer l’information environnementale et appellent l’Arcom à sanctionner davantage, «pour avoir un effet dissuasif». Elles invitent également le grand public à développer un regard critique sur l’information consommée.

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