Parlement Terre. Mercredi 13 novembre, dix député·es issu·es de huit groupes politiques ont déposé une proposition de loi commune à l’Assemblée nationale pour améliorer le traitement médiatique de l’urgence écologique. Qui sont-ils ? Que contient leur texte ? A-t-il une chance d’être voté ? On fait le tour de la question.
Alors que 2024 est sur le point de devenir l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle), les médias audiovisuels français n’ont consacré cette même année que 3,7% du temps d’antenne de leurs programmes d’information à l’écologie. Un chiffre en baisse de 30% sur un an, selon le nouvel Observatoire des médias sur l’écologie, lancé le 7 novembre dernier.
Dans ce contexte, sous la coordination de Stéphane Delautrette (Socialistes et apparentés), les député·es Erwan Balanant (Les Démocrates), Édouard Bénard (Gauche démocrate et républicaine), Fatiha Keloua-Hachi (Socialiste et apparentés), Maxime Laisney (La France insoumise), Sandrine Le Feur (Ensemble), Laurent Panifous (Liot), Sophie Taillé-Polian (Écologiste et social), David Taupiac (Liot) et Anne-Cécile Violland (Horizons) viennent de déposer une proposition de loi (PPL) «visant à garantir le droit d’accès du public aux informations relatives aux enjeux environnementaux et de durabilité».
Elles et ils se sont basé·es sur les travaux de l’association Quota Climat et du laboratoire d’idées Institut Rousseau, et ont créé leur groupe de travail transpartisan le 19 juillet 2023. Un an plus tard, après plusieurs cycles d’auditions de journalistes et de scientifiques, les parlementaires se sont mis d’accord sur un texte qui comprend sept articles.
«Il y a des médias qui s’affranchiront des règles»
Les député·es veulent s’appuyer sur ce qui existe déjà, en particulier sur le régulateur des médias audiovisuels et numériques (Arcom). Il est ainsi proposé de renforcer ses missions de protection de l’environnement, et d’inclure des volumes horaires dédiés aux enjeux climatiques dans les conventions que les médias signent avec l’Arcom.
«Il y aura toujours des médias qui s’affranchiront des règles, qui préféreront payer des amendes. Mais s’ils ne respectent pas les conventions passées avec l’Arcom, ils prennent le risque de ne pas voir leur autorisation de diffusion renouvelée», estime le député de la Haute-Vienne Stéphane Delautrette. Le 24 juillet dernier, les autorisations d’émettre des chaînes C8 (Groupe Canal+) et NRJ12 n’ont pas été prolongées par le régulateur, dans le cadre de la réattribution des fréquences pour 2025.
Les élu·es proposent aussi de créer un Observatoire de la couverture médiatique de la crise écologique, sous l’égide de l’Arcom. Cette structure serait chargée d’analyser et de quantifier la couverture médiatique des enjeux environnementaux. Rappelons qu’un outil semblable, l’Observatoire des médias sur l’écologie, a été lancé jeudi 7 novembre par quatre associations, dont Quota Climat.
Selon la PPL, le régulateur devrait aussi pouvoir fixer des règles temporaires, en période électorale, sur la programmation de sujets liés au climat. Il lui faudrait également plus de moyens pour surveiller les contenus liés à l’écologie sur les plateformes numériques, en s’appuyant sur l’acte européen sur les services numériques (ou Digital services act – DSA, entré en vigueur en février 2024).
Lutter contre les publicités en contradiction avec l’urgence climatique
Il est aussi question de rendre obligatoires pour les médias les «contrats climat» – instaurés par l’article 7 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Ceux-ci impliquent notamment pour les signataires de ne pas diffuser de publicités en contradiction avec les informations sur l’urgence climatique – celles pour des produits polluants par exemple.
«Il faut aussi insister sur les missions de service public sur ces questions […], conforter les médias publics dans leurs ambitions, et cela nécessite des moyens», plaide la députée Sophie Taillé-Polian. Elle soutient en particulier l’article 4 de la PPL, qui propose de renouer avec un financement pérenne de ces médias, pour en faire des modèles du traitement de l’information environnementale. Depuis la suppression de la redevance en 2022, les chaînes et stations publiques sont soutenues provisoirement par une fraction du produit de la taxe sur la vleur ajoutée (TVA).
Enfin, les député·es misent sur la formation des journalistes aux questions environnementales et demandent l’ajout d’un volet dédié à la couverture équilibrée et homogène des enjeux écologiques dans les chartes déontologiques.
Le texte pourrait être examiné au premier semestre 2025
«Il ne s’agit pas de remettre en cause l’indépendance de la presse, je ne crois pas que l’on puisse parler d’ingérence, défend la députée de Haute-Savoie Anne-Cécile Violland. On dit seulement qu’il doit y avoir une contradiction face à des propos climatosceptiques, une référence au consensus scientifique sur ces questions.»
Le dépôt de cette PPL n’est qu’une étape de démarrage du travail parlementaire, impliquant un nombre limité de député·es. Il reste maintenant à inscrire le texte pour examen, lequel sera ensuite transmis à la commission compétente sur le sujet – probablement la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, présidée par la députée socialiste Fatiha Keloua Hachi. Le travail des parlementaires ne débutera véritablement que lors de cet examen en commission, où le texte sera amendé : enrichi ou détricoté.
«Je rencontre la présidente de l’Assemblée nationale la semaine prochaine. Je lui parlerai de notre texte et la sensibiliserai pour son inscription pour examen le plus rapidement possible. J’espère que le texte pourra être examiné au premier semestre 2025», promet le coordinateur du groupe transpartisan Stéphane Delautrette. Des délais ambitieux, qui seront sans doute rallongés, puisque les textes s’empilent les uns sur les autres au Palais-Bourbon, depuis la dissolution de l’Assemblée en juin dernier.
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