Entretien

Eva Morel, de QuotaClimat : «CNews est l’emblème de la polarisation de l’opinion»

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A Quo­ta de la plaque. Mer­cre­di, CNews a été sanc­tion­née par l’Arcom pour des pro­pos cli­matoscep­tiques à la suite d’une sai­sine de Quo­ta­Cli­mat, une asso­ci­a­tion qui se bat pour un meilleur traite­ment médi­a­tique de l’écologie. Entre­tien avec Eva Morel, co-fon­da­trice et secré­taire générale de l’association.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a sanctionné la chaîne Cnews à une amende de 20 000 euros pour climatoscepticisme. Est-ce une victoire ?

C’est une immense vic­toire. Nous sai­sis­sons l’Arcom depuis plus d’un an. La semaine dernière, l’institution de sur­veil­lance a déjà mis en garde Sud Radio pour con­tra­dic­tion et min­imi­sa­tion du con­sen­sus sci­en­tifique sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Mer­cre­di, nous avons appris cette sanc­tion à l’encontre de CNews. C’est la pre­mière fois que l’Arcom sanc­tionne pour cli­matoscep­ti­cisme. L’autorité de régu­la­tion recon­naît ain­si le réchauf­fe­ment cli­ma­tique comme un fait sci­en­tifique, et non pas une opin­ion.

La sanc­tion de 20 000 euros peut sem­bler anec­do­tique mais on a lancé une dizaine d’autres saisines, notam­ment con­tre Cnews et Sud Radio. On pense que d’autres déci­sions de l’Arcom devraient suiv­re.

Eva Morel, co-fon­da­trice de Quo­ta­Cli­mat. © Julia Couraudon

Cnews fait partie des chaînes souvent épinglées par QuotaClimat et d’autres observateurs. En quoi cette chaîne est-elle problématique, selon vous ?

Elle est l’emblème de la polar­i­sa­tion de l’opinion. Elle traite de sujets sérieux mais avec une manière de crisper l’audience et en met­tant en avant un seul bord du spec­tre poli­tique. Il est dif­fi­cile de faire con­damn­er une chaîne du fait de la lib­erté d’expression. Nous devons saisir l’autorité de régu­la­tion sur une séquence bien pré­cise et les pro­pos doivent être très tranchés. Or, beau­coup de leurs pro­pos sont très lim­ites, ce qui les rend dif­fi­ciles à saisir. Cette posi­tion a ten­dance à altér­er les débats poli­tiques.

En ce moment, les dif­férentes chaînes télévisées sont auditées dans le cadre de l’attribution des fréquences TNT. L’Arcom mon­tre un engage­ment plus impor­tant qu’attendu ; je suis agréable­ment sur­prise. Finale­ment, ces unités de sur­veil­lance indépen­dantes sont un min­i­mum garantes du débat démoc­ra­tique. C’est une bonne nou­velle que le con­sen­sus sci­en­tifique soit recon­nu comme un fait par l’Arcom, alors que cela n’apparaît pas dans les textes juridiques. Ils sont très pru­dents car l’objectif n’est pas que la déci­sion soit déboutée par le Con­seil d’État, ce qui poserait une mau­vaise base de jurispru­dence.

La campagne des législatives a été courte et intense médiatiquement. Est-ce que vous pensez qu’on a assez et assez bien parlé d’écologie ?

Pas du tout, ni l’un ni l’autre. La dérive poli­tique a été accen­tuée par des dérives médi­a­tiques avec une polar­i­sa­tion entre l’extrême droite et la gauche. Sur la ques­tion de l’écologie, seule­ment quelques sujets ont été traités et pas ceux dont les per­son­nes voulaient enten­dre par­ler. Les médias ont réduit le champ de dis­cus­sion, n’ont abor­dé que les sujets de l’extrême droite comme l’immigration. Les jour­nal­istes n’ont pas mis en dif­fi­culté les représen­tants de l’extrême droit et ne les ont pas con­tred­its lorsque des fauss­es vérités ont été assénées. Cela donne l’impression que l’on peut dés­in­former en toute tran­quil­lité.

De manière plus générale, on observe que le traite­ment des sujets écologiques a été divisé par deux depuis début jan­vi­er, alors qu’on devrait les voir pro­gress­er avec les actu­al­ités poli­tiques. Les jour­nal­istes se sont soumis à la volon­té des poli­tiques, alors que leur indépen­dance devrait les motiv­er à les inter­pel­er.

La désinformation sur les sujets écologiques est très répandue, sur CNews mais aussi ailleurs. Comment lutter contre cette désinformation plus largement ?

Il est clair que nous faisons face à une mon­tée de la dés­in­for­ma­tion. Nous sommes dans une ère de post-vérité, qu’on pen­sait réservée aux États-Unis mais qui est de plus en plus pal­pa­ble. Dans ce con­texte, il est dif­fi­cile de réc­on­cili­er les dif­férents bor­ds poli­tiques. Nous plaidons pour la mise en place d’un cadre lég­is­latif pour lut­ter con­tre la dés­in­for­ma­tion à l’échelle de l’Union européenne, d’autant plus sur les ques­tions liées l’écologie, qui ne sont pas encadrées. Il est temps d’agir.