A Quota de la plaque. Mercredi, CNews a été sanctionnée par l’Arcom pour des propos climatosceptiques à la suite d’une saisine de QuotaClimat, une association qui se bat pour un meilleur traitement médiatique de l’écologie. Entretien avec Eva Morel, co-fondatrice et secrétaire générale de l’association.
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a sanctionné la chaîne Cnews à une amende de 20 000 euros pour climatoscepticisme. Est-ce une victoire ?
C’est une immense victoire. Nous saisissons l’Arcom depuis plus d’un an. La semaine dernière, l’institution de surveillance a déjà mis en garde Sud Radio pour contradiction et minimisation du consensus scientifique sur le réchauffement climatique. Mercredi, nous avons appris cette sanction à l’encontre de CNews. C’est la première fois que l’Arcom sanctionne pour climatoscepticisme. L’autorité de régulation reconnaît ainsi le réchauffement climatique comme un fait scientifique, et non pas une opinion.
La sanction de 20 000 euros peut sembler anecdotique mais on a lancé une dizaine d’autres saisines, notamment contre Cnews et Sud Radio. On pense que d’autres décisions de l’Arcom devraient suivre.
Cnews fait partie des chaînes souvent épinglées par QuotaClimat et d’autres observateurs. En quoi cette chaîne est-elle problématique, selon vous ?
Elle est l’emblème de la polarisation de l’opinion. Elle traite de sujets sérieux mais avec une manière de crisper l’audience et en mettant en avant un seul bord du spectre politique. Il est difficile de faire condamner une chaîne du fait de la liberté d’expression. Nous devons saisir l’autorité de régulation sur une séquence bien précise et les propos doivent être très tranchés. Or, beaucoup de leurs propos sont très limites, ce qui les rend difficiles à saisir. Cette position a tendance à altérer les débats politiques.
En ce moment, les différentes chaînes télévisées sont auditées dans le cadre de l’attribution des fréquences TNT. L’Arcom montre un engagement plus important qu’attendu ; je suis agréablement surprise. Finalement, ces unités de surveillance indépendantes sont un minimum garantes du débat démocratique. C’est une bonne nouvelle que le consensus scientifique soit reconnu comme un fait par l’Arcom, alors que cela n’apparaît pas dans les textes juridiques. Ils sont très prudents car l’objectif n’est pas que la décision soit déboutée par le Conseil d’État, ce qui poserait une mauvaise base de jurisprudence.
La campagne des législatives a été courte et intense médiatiquement. Est-ce que vous pensez qu’on a assez et assez bien parlé d’écologie ?
Pas du tout, ni l’un ni l’autre. La dérive politique a été accentuée par des dérives médiatiques avec une polarisation entre l’extrême droite et la gauche. Sur la question de l’écologie, seulement quelques sujets ont été traités et pas ceux dont les personnes voulaient entendre parler. Les médias ont réduit le champ de discussion, n’ont abordé que les sujets de l’extrême droite comme l’immigration. Les journalistes n’ont pas mis en difficulté les représentants de l’extrême droit et ne les ont pas contredits lorsque des fausses vérités ont été assénées. Cela donne l’impression que l’on peut désinformer en toute tranquillité.
De manière plus générale, on observe que le traitement des sujets écologiques a été divisé par deux depuis début janvier, alors qu’on devrait les voir progresser avec les actualités politiques. Les journalistes se sont soumis à la volonté des politiques, alors que leur indépendance devrait les motiver à les interpeler.
La désinformation sur les sujets écologiques est très répandue, sur CNews mais aussi ailleurs. Comment lutter contre cette désinformation plus largement ?
Il est clair que nous faisons face à une montée de la désinformation. Nous sommes dans une ère de post-vérité, qu’on pensait réservée aux États-Unis mais qui est de plus en plus palpable. Dans ce contexte, il est difficile de réconcilier les différents bords politiques. Nous plaidons pour la mise en place d’un cadre législatif pour lutter contre la désinformation à l’échelle de l’Union européenne, d’autant plus sur les questions liées l’écologie, qui ne sont pas encadrées. Il est temps d’agir.
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