Décryptage

A l’aube de son sixième rapport, à quoi sert le Giec ?

Science dure à cuire. Le premier volet du sixième rapport du Groupe d'expert·es intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) est attendu lundi prochain. Vert vous explique en détail les missions et le fonctionnement de cette structure unique.
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Il faut une sci­ence dure comme fer pour pouss­er à l’ac­tion cer­tains esprits retors qui ne voient tou­jours pas le change­ment cli­ma­tique à leur porte. C’est l’une des nom­breuses mis­sions con­fiées aux sci­en­tifiques du Groupe d’expert·es inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (Giec).

Créé en 1988 par l’Or­gan­i­sa­tion météorologique mon­di­ale et le Pro­gramme des Nations unies pour l’en­vi­ron­nement, cette instance est com­posée de sci­en­tifiques (cli­ma­to­logues, écon­o­mistes, démo­graphes, etc.) mandaté·e·s par les gou­verne­ments des 195 pays mem­bres de l’ONU. Les chercheur·se·s déposent leur can­di­da­ture, qui doit être validée par les États et des organ­i­sa­tions ayant le statut d’ob­ser­va­teur auprès du Giec.

Con­traire­ment à une idée reçue, ces expert·e·s ne pro­duisent pas de savoirs. Elles et ils réalisent bénév­ole­ment le tra­vail de syn­thèse, d’ex­a­m­en et d’é­val­u­a­tion des don­nées sci­en­tifiques, tech­niques et socio-économiques les plus récentes. En plus des copieux rap­ports d’évaluation, qui parais­sent tous les six ou sept ans depuis 1990, les sci­en­tifiques pro­duisent aus­si des rap­ports thé­ma­tiques spé­ci­aux, comme celui con­sacré aux océans et à la cryosphère (2019).

L’ingénieur indi­en Rajen­dra Kumar Pachau­ri, alors prési­dent du Giec, lors de la présen­ta­tion du précé­dent rap­port d’é­val­u­a­tion, en 2014. © Giec

Le Giec est con­sti­tué de trois groupes de chercheur·se·s. Le groupe 2 étudie les con­séquences, la vul­néra­bil­ité et l’adap­ta­tion au change­ment cli­ma­tique. Le troisième est con­sacré aux poli­tiques d’atténuation du dérè­gle­ment. Mais celui dont le tra­vail est le plus scruté et qui rend sa copie lun­di prochain, c’est le groupe 1, dédié aux don­nées sci­en­tifiques sur l’évolution du cli­mat.

Comme elles et ils l’avaient déjà fait lors de la pré­pa­ra­tion du cinquième rap­port, pub­lié en 2014, les expert·e·s du Giec ont passé en revue, digéré et syn­thétisé les pub­li­ca­tions parues au cours des dernières années. Leur objec­tif : par­venir à un nou­veau con­sen­sus sci­en­tifique inter­na­tion­al sur l’évo­lu­tion du cli­mat et ten­ter d’anticiper, entre autres, de com­bi­en de degrés le monde se réchauf­fera d’ici la fin du siè­cle. Ce tra­vail con­stituera le pre­mier volet du six­ième rap­port d’é­val­u­a­tion, atten­du en 2022, qui servi­ra de guide pour pren­dre les déci­sions les plus éclairées pos­si­bles afin de pré­par­er l’avenir de l’hu­man­ité.

Cette pre­mière par­tie sera soumise aux respon­s­ables gou­verne­men­taux dès la 26e Con­férence des par­ties (Con­fer­ence of the par­ties, COP, en anglais) des Nations Unies sur les change­ments cli­ma­tiques. La COP26 aura lieu à Glas­gow du 31 octo­bre au 12 novem­bre prochains. Les deux­ième et troisième volets du rap­port rédigés par les deux autres groupes paraîtront en 2022.

La pub­li­ca­tion de ce pre­mier tome du six­ième rap­port est égale­ment très atten­due par les ONG écol­o­gistes. « On est sur des don­nées physiques, sur une sci­ence dure qui devient incon­testable, car elle va être endossée par tous les États mem­bres, explique à Vert Clé­ment Sénéchal, chargé de com­mu­ni­ca­tion sur le cli­mat pour Green­peace France. Cela va fix­er un cadre matériel pour met­tre à jour les poli­tiques publiques. C’est aus­si une ressource pour per­me­t­tre à la société civile et aux citoyens de s’emparer de ces don­nées. » Ce pre­mier volet détaillera ain­si plus en pro­fondeur le rôle du méthane sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, les événe­ments cli­ma­tiques extrêmes et les impacts locaux du change­ment cli­ma­tique. « Toute une par­tie sera aus­si con­sacrée au moment où on va dépass­er le 1,5°C de réchauf­fe­ment, qui pour­rait arriv­er plus tôt que prévu ini­tiale­ment dans les autres rap­ports, c’est-à-dire au cours de la décen­nie 2030 », explique à Vert Aurore Math­ieu, respon­s­able des poli­tiques inter­na­tionales de Réseau Action Cli­mat.

Et on ne peut guère tax­er le Giec d’alarmiste ! La réal­ité a même dépassé ses pre­mières pré­dic­tions de 1990, qui prévoy­aient que la tem­péra­ture glob­ale s’élèverait de 1°C d’i­ci 2025. Or le monde s’est déjà réchauf­fé de 1,1°C par rap­port à l’ère préin­dus­trielle (milieu du 19è siè­cle), d’après les dernières don­nées partagées en 2019 par l’Or­gan­i­sa­tion météorologique mon­di­ale. Jusqu’i­ci, les respon­s­ables poli­tiques et dirigeant·es d’en­tre­pris­es ont fait la sourde oreille. Réa­giront-ils cette fois à la hau­teur de la sci­ence ?