Notre maison brûle… et le RN allume la clim. L’intense vague de chaleur qui marque ce début d’été 2025 est le signe incontestable d’un climat qui se détraque. Mais pas de panique : Marine Le Pen, la cheffe de file des député·es Rassemblement national (RN), a une idée. «Il est grand temps que la France déploie un grand plan d’équipement pour la climatisation, a twitté la responsable d’extrême droite le 30 juin.
Je pense à tous les travailleurs qui suffoquent dans des bâtiments sans clim parce que des dirigeants ont décidé que les Français devaient souffrir de la chaleur pendant qu’eux-mêmes jouissent évidemment de véhicules et de bureaux climatisés.»
«Marine Le Pen a donné le tempo»
Depuis, une marée d’éditorialistes s’est engouffrée dans la brèche, forçant l’ensemble du champ politique à se positionner pour ou contre la clim. Résultat, après une semaine de débats, le constat est implacable : c’est le parti aux pires positions sur le climat qui ressort grandi.

«Marine Le Pen a donné le tempo du “débat” sur l’adaptation durant toute la crise, commente le journaliste spécialisé Victor Roux-Goeken sur LinkedIn. Du premier ministre, en passant par Gabriel Attal et Agnès Pannier-Runacher, à Marine Tondelier, tout le débat public a tourné autour de cette proposition.»
Une idée problématique
Une proposition pourtant problématique à bien des titres. D’abord, «c’est la partie facile du problème», a rappelé l’expert en énergie Jean-Marc Jancovici sur France 2, rappelant que la climatisation ne pourra rien face aux rendements agricoles qui s’effondrent et aux forêts qui s’embrasent. Ensuite, car la généralisation irréfléchie de climatisation constituerait un cas de mal-adaptation au changement climatique, au sens où elle aggraverait le problème plutôt que de le résoudre. Et ce pour au moins trois raisons, listées ci-dessous.
Aggraver l’effet îlot de chaleur : en rejetant l’air chaud (entre 45°C et 50°C) à l’extérieur des bâtiments, les systèmes de climatisation contribuent à augmenter la température localement, c’est ce qu’on appelle l’effet îlot de chaleur. Selon une étude de l’École nationale des ponts et chaussées, du CNRS, de Météo-France et du CSTB, repérée par Natura Science, climatiser tout Paris à 23 degrés (°C) augmenterait la température extérieure de 3,6°C. Aujourd’hui, la capitale surpeuplée et faiblement végétalisée affiche déjà régulièrement des températures jusqu’à 10°C supérieures à celles de sa grande couronne.
Avec quelle énergie ? Aujourd’hui, la climatisation représente «une consommation annuelle faible (de l’ordre de six terrawattheures)», explique le gestionnaire de réseaux RTE dans son étude Futurs énergétiques 2050, mais celui-ci anticipe qu’elle devrait plus que doubler, et atteindre 14 terrawattheures en 2050. Rappelant que le nucléaire doit limiter sa production lors des fortes chaleurs (notre article), RTE compte surtout sur le solaire photovoltaïque pour répondre à la consommation des climatiseurs. Or, ce n’est pas ce que prévoit le Rassemblement national, qui veut arrêter les énergies renouvelables futures, voire démanteler les installations existantes (notre article). Se pose alors la question : avec quelle énergie pourront fonctionner les climatiseurs ?
À quel prix ? Selon EDF, l’usage de climatiseurs peut augmenter les factures d’électricité de 15% par mois pendant l’été. Mais ce chiffre cache des disparités, notamment sociales, car les plus aisés peuvent se permettre d’installer les systèmes les plus efficaces, tandis que les autres risquent d’acquérir des modèles bon marché – mais énergivores. Guillaume Perrin, expert en énergie et directeur du programme d’économie d’énergie Actee, va plus loin : «Mettre de la clim sur un bâtiment qui n’est pas isolé, c’est mettre de l’eau dans un arrosoir percé.» La première chose à faire, selon lui, est de rénover thermiquement les bâtiments. Pas vraiment une priorité du Rassemblement national, qui a voté contre l’accélération de la rénovation de l’habitat dégradé à l’Assemblée nationale (notre article).