Reportage

«Une grande colonie de vacances pour militants» : à Nantes, 700 personnes se forment à la lutte pour le climat

Fiche-moi ce camp ! À l’est de Nantes, des citoyen·nes des quatre coins du pays participent à un «camp climat national». L’objectif : devenir les meilleur·es militant·es possibles. Et surtout profiter d’une ambiance à part, entre partage, bénévolat, anticapitalisme et bienveillance.
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Trois heures de plonge, c’est long. «Ah non, moi ça me va», lâche Paz, 43 ans, les mains fripées à force de récurer les assiettes dans une bassine d’eau. Près d’elle, il reste une montagne de couverts dépareillés et d’écocups à laver. À 14 heures, ce dimanche 27 juillet, le réfectoire en plein air est désert. Seule une petite dizaine de participant·es s’activent. Elles et ils prennent part au «camp climat national», organisé par le mouvement citoyen pour le climat Alternatiba à l’est de Nantes (Loire-Atlantique). Dans cet éphémère village aux allures de camp scout, l’objectif est de devenir les meilleur·es militant·es possibles. Les 700 inscrit·es – selon l’organisation – sont logé·es à la même enseigne : tout le monde met la main à la pâte, pour nettoyer ou cuisiner.

La camp climat national d’Alternatiba a lieu à Nantes jusqu’au 3 août. © Alternatiba

«Ah merde, il pleut.» Paz, chargée de relation dans le secteur de la finance en Loire-Atlantique, met les torchons à l’abri et reprend la vaisselle : «C’est cette ambiance bienveillante que j’aime. Je viens chercher de l’empathie ici.» À ses pieds, les restes d’un taboulé vegan et sans gluten – «Évidemment», rit-elle – et une salade de fruits finissent dans un petit composteur. «Dans mes cercles familiaux et au bureau, j’ai l’étiquette de l’écolo reloue, poursuit la Nantaise. Ici, pendant quelques jours, je suis avec des gens conscients [du dérèglement climatique], qui ont la volonté d’agir.» Concrètement : alerter sur les effets du réchauffement climatique et encourager à diminuer les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.

Ce camp climat national est installé depuis samedi 26 juillet et fermera dimanche 3 août. Il est basé à la Papotière, un domaine qui, en dehors de l’été, accueille des jeunes en difficulté d’intégration sociale. Et le camp n’avait pas eu lieu sous cette forme depuis 2019. Son objectif : «Apprendre [aux participant·es à concilier] mobilisation citoyenne, plaidoyer local, action non-violente de désobéissance civile et construction de listes citoyennes et participatives», à l’approche des élections municipales de 2026, indique un prospectus distribué à l’entrée. Une bénévole répète à chaque arrivant·e (et aux journalistes) les bons comportements à adopter et le numéro d’urgence en cas d’agissement problématique.

Dimanche 27 juillet, à Nantes. Après le déjeuner, c’est l’heure de la plonge. © Simon Cheneau/Vert

«J’aime ce concept, lance Charles pendant qu’il débarrasse. Je suis l’un des seuls vieux, il y a surtout une tranche militante autour de la trentaine. J’aime cette idée d’être ensemble, de discuter et de débattre.» Beaucoup de jeunes actifs donc, installés dans des transats, qui profitent d’une buvette avec des guirlandes lumineuses et qui viennent des quatre coins de la France : du Finistère au Nord, en passant par le Jura et l’Eure-et-Loir.

«Je fais partie de ceux qui dépriment»

À les écouter, les participant·es rencontré·es sont très instruit·es, et très impliqué·es dans la lutte écologiste. Bon nombre sont déjà membres d’associations locales et participent régulièrement aux camps climat régionaux organisés chaque année par Alternatiba. Y a-t-il de la place pour des novices ? «À la plénière d’ouverture, nous avons demandé : “Qui vient pour la première fois en camp climat ?Et les trois quarts ont levé la main», assure Juliette Caroulle, coordinatrice du camp et porte-parole d’Alternatiba. «Certains participants sont attirés par les concerts [dont celui du groupe punk breton Les Ramoneurs de menhirs], ils et elles viennent avec des amis. Il y a des niveaux de conscience différents. Ce sont aussi des gens qui ont du temps.» Plus loin, Antoine, dirigeant d’une entreprise dans les dispositifs médicaux dans le Var, explique avoir organisé ses vacances d’été en fonction du camp. «J’essaye de faire attention à mon impact carbone. L’étape suivante est d’apprendre à être militant», poursuit le trentenaire.

Des concerts sont donnés à l’occasion du camp climat national. © Alternatiba

Après le déjeuner, Oumeima, membre d’Alternatiba, se repose dans sa tente : «Au bout d’un moment, on parle tellement qu’il me faut un petit temps toute seule.» En reconversion professionnelle en CAP cuisine, la Rennaise s’apprête à participer à l’une des centaines de formations que propose le camp toute la semaine : «Comprendre la France qui vote extrême droite» ; «Réussir sa campagne de communication» ; «Coordonner une action de A à Z». La militante a présenté elle-même un atelier sur les «victoires de la lutte écologiste». «Ici, c’est une grande colonie de vacances pour militants», raconte-t-elle. L’un des dénominateurs communs des membres du camp est, disent-ils, l’inquiétude face à l’emballement du dérèglement climatique et face à l’inaction politique. «Je fais moi-même partie de ceux qui dépriment, ajoute Oumeima. Ce moment de joie militante est précieux. C’est important de construire un récit autour des petites victoires et de valoriser le savoir pendant ces ateliers.»

Oumeima se rend à la formation de 14h30 intitulée «Déplacements collectifs en action». Sur son chemin, une banderole jaune flotte, «Désobéir pour l’avenir». Dans un gymnase au sol vert et aux paniers de basket jaunes, un jeune homme à lunettes, keffieh sur les épaules, donne des conseils pour manifester à une dizaine de participant·es. Utiliser du sérum physiologique en cas d’exposition aux gaz lacrymogènes ; avoir un téléphone clean sur soi – sans rien «d’incriminant dedans» – ; et avoir un numéro d’avocat dans la poche en cas d’interpellation.

Plusieurs tables rondes sont organisées au cours de la semaine. © Alternatiba

La présidente de l’association de défense des animaux L214, Brigitte Gothière, a été invitée à une table ronde. Même chose pour Wolfgang Cramer, écologue et auteur principal du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Et pour William Aucant, conseiller régional (La France insoumise) de la région Pays de la Loire. Ce dernier se dit séduit par «une énergie [qu’il n’avait] pas ressentie depuis les marches pour le climat au début du quinquennat Macron». L’élu d’opposition réfute l’idée d’un entre-soi : «C’est un lieu de transmission.» William Aucant, qui a été l’un des 150 citoyens tirés au sort pour faire partie de la convention sur le climat en 2019, est intervenu sur le camp dans une conférence sur l’action des collectivités locales dans la transition écologique. «Il faut trouver une alliance entre la rue et les institutions. La rue pousse et les institutions portent, poursuit-il. On ne pourra pas avancer sur la question climatique tant qu’on n’aura pas réglé la question démocratique.»

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