L'hebdo

Sans gaz, pas d’chaud

Chères toutes et chers tous,

A partir de la semaine prochaine, Vert passe à l'heure d'été.

En juillet et en août, votre hebdomadaire vous sera envoyé chaque mercredi dans un format légèrement remanié. Nous espérons que l'édition estivale vous plaira.


Quand nous en aurons soupé du réchauffement, peut-être pourrons nous commencer à réduire nos échappements.


C'est l'info qu'il ne fallait pas rater.

Les innombrables fuites de méthane de l'industrie fossile européenne

Les fuites ont fuité. Une enquête de l'ONG Clean air task force (CATF) révèle d'importantes fuites de méthane sur des dizaines de sites gaziers ou pétroliers en Europe.

Le méthane (CH4) est un puissant gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement 86 fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2) lors des 20 premières années passées dans l'atmosphère. On estime qu'il est responsable d'un quart de l'élévation actuelle des températures. Il est principalement émis par le secteur agricole (dont les fameux « pets de vaches »), par les décharges à ciel ouvert, mais aussi par l'industrie fossile : l'extraction de pétrole ou de gaz « naturel » (dont le principal composant est le CH4) libère de grandes quantités de méthane.

Les enquêteur·rice·s de la Clean air task force ont promené une caméra infrarouge dernier cri sur quelque 200 sites d'extraction à travers l'Europe, de l'Allemagne à la Hongrie, en passant par l'Italie ou la Pologne. Elles et ils ont détecté des fuites sur 123 installations, qui s'ajoutent au relargage habituel dû à l'extraction elle-même. La CATF a comptabilisé 271 incidents, certains sites comportant plusieurs fuites.

Une fuite de méthane observée en avril 2021, issue d'un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié (LNG) à Cinque Terre, en Italie © CATF

Problème : en Europe, l'industrie n'est pas tenue de s'occuper de ces fuites. Mais la Commission européenne prépare un projet de règlement sur ce sujet qui pourrait entrer en vigueur au dernier trimestre 2021 (Actu-environnement).

En raison de la courte durée de vie de ce gaz, la détection et la réparation des fuites de méthane de l'industrie serait l'une des manières les plus simples et rapides d'enrayer le réchauffement, comme l'avait souligné, en mai dernier, un rapport optimiste des Nations Unies (Vert).

On se refait le fil de cette folle semaine.

Dans un rapport publié lundi, l’Unesco a recommandé de rétrograder le statut de la Grande barrière de corail australienne, inscrite au Patrimoine mondial depuis 1981. Celle-ci aurait perdu une partie de sa « valeur universelle exceptionnelle » à cause de sa dégradation provoquée par les nombreux épisodes de blanchissement des coraux liés au bouleversement du climat. Le gouvernement australien prévoit de contester cette décision. Il s'agit d'un camouflet pour ce pays, qui fait figure de cancre mondial du climat, comme Vert l'avait raconté. - Le Monde (AFP)

• Lundi, au lendemain du premier tour des élections régionales, des listes d'union de la gauche et des écologistes se sont formées en Pays de la Loire, en Ile-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes. En revanche, pas de rassemblement en Occitanie ou en Nouvelle-Aquitaine, où le PS est arrivé en tête, ni dans le Grand Est. Le second tour des élections régionales, ainsi que des départementales, se tiendra ce dimanche 27 juin.- Reporterre

Les violents orages qui ont éclaté jusqu'en début de semaine à travers la France ont causé « de sacrés dégâts, dans certains secteurs c’est catastrophique », a indiqué à l'AFP Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, principal syndicat d'agriculture « conventionnelle ». Seules quelques régions - Bretagne, PACA et Corse - ont été épargnées. Après les sécheresses, le gel tardif, puis la grêle : « la répétition des événements est très préoccupante, ça prouve que le changement climatique est à l’œuvre dans toutes ses dimensions », a encore indiqué Christiane Lambert. - Libération (AFP)

• Mercredi, après que l'AFP a fait fuiter les conclusions alarmantes d'un document présenté comme le résumé du futur rapport du Giec, des scientifiques ont mis en garde : « il s'agit d'une version très préliminaire et partielle d'un volume du rapport, qui date de novembre 2020 », a indiqué François Gemenne, l'un des auteurs du sixième rapport, à paraître en 2022. Il ajoute : « Le texte sur lequel nous travaillons encore en ce moment même est très différent de cette version. […] On pourrait néanmoins se dire que ce n'est pas très grave, que ce qui compte ce sont les messages-clés. Ce serait commettre une grave erreur : la légitimité et l'autorité des rapports du GIEC vient de leur processus de relecture et de validation très sophistiqué » a encore expliqué ce spécialiste des migrations humaines. N'ayant pas eu accès au document, nous avons choisi de ne pas écrire d'article à son sujet, contrairement à une large part de la presse qui a repris sans distance les commentaires de l'AFP.

• Mercredi encore, le ministre brésilien de l'environnement, Ricardo Salles, a annoncé sa démission. Il est visé par deux enquêtes pour son implication présumée dans des affaires de contrebande de bois. Au cours de l'année de sa nomination, en 2019, la déforestation avait explosé : +34% par rapport à 2018. Ce pilier du gouvernement de Jair Bolsonaro était l'une des bêtes noires des associations écologistes. - Le Monde

• Jeudi, lors de l'examen de la loi « climat et résilience », le Sénat à majorité LR a acté le principe de la suppression de certaines lignes aériennes intérieures, en cas d’alternatives en train de moins de 2h30. Mais les sénateur·rice·s ont introduit des dérogations telles que seule la liaison Orly-Bordeaux devrait être concernée. - Le Parisien (AFP)

• Jeudi encore, le Guardian a révélé que le parti conservateur, au pouvoir au Royaume-Uni, avait reçu au moins 419 000£ (488 000€) de la part de l'industrie fossile entre juillet 2020 et mars 2021, alors que son gouvernement préparait l'attribution de nouveaux permis d'exploration visant à extraire du pétrole et du gaz en Mer du nord. Ces nouveaux permis avaient été vivement critiqués alors que le gouvernement de Boris Johnson a récemment annoncé son nouvel objectif climatique ultra-ambitieux (-78% de CO2 d'ici 2035) et doit accueillir la COP26 en novembre. - The Guardian (anglais)

1 milliard d'euros

Banco. 21 ans après sa création, la coopérative financière de la Nef gère désormais 1 milliard d'euros d'encours et compte près de 67 000 épargnant·e·s. Depuis 1988, cette banque qui se définit comme « éthique » a financé plus de 7 000 projets à forte utilité écologique, sociale et culturelle. Pour la seule année 2019, elle a accordé 74 millions d'euros de prêts à 445 projets, dont plus de la moitié à la filière bio. Les énergies renouvelables, l'habitat écologique, le logement social ou encore le commerce équitable figurent également dans son bilan annuel. Plus d'informations sur le site de Vert.

De la nourriture (bio) pour l'esprit.

• On touche le fond. En Afrique de l'ouest, le pétrolier BP prévoit de creuser à 2,7 kilomètres sous la mer à la recherche de gaz : le gigantesque projet Grand tortue Ahmeyim menace le plus vaste récif corallien en eaux froides du monde et promet d'aggraver sérieusement la crise climatique. - Vert

• Travail à la chêne. Au Royaume-Uni, des geais ont replanté la moitié des arbres de deux nouvelles forêts, en quelques années à peine, preuve de l'efficacité de la régénération naturelle de certains écosystèmes. - Vert

• C'est pas cool. 51°C à Palm springs (Californie), 42°C à Salt Lake City (Utah), ville située à 1288 mètres d'altitude, 53,2°C mesurés le 17 juin dans la vallée de la mort, à 1,2°C du record absolu... Avant même que l'été n'arrive, le Southwest des Etats-Unis est accablé par la chaleur et la sécheresse. - Vert

• Pas cap'. Les 100 milliards d'euros consacrés par la politique agricole commune (PAC) à la lutte contre la crise climatique n'ont eu aucun effet positif sur les émissions de ce secteur depuis 2010. C'est ce que révèle un audit, dont le bilan sévère a été publié lundi par la cour des comptes européenne. - Vert

• Un vague aperçu du futur. En une vingtaine d'années à peine, sous l'effet de la montée des mers et du déferlement des vagues - phénomènes intensifiés par la crise climatique, les risques de submersion marine des régions côtières ont augmenté de moitié. - Vert

La typologie des arguments employés par les tenants de l'inaction, traduite par Vert. Cliquez sur l'image pour l'afficher en grand.

« C'est vrai que le climat se réchauffe, mais »... Ces derniers temps, le bon vieux climatoscepticisme qui avait cours jusqu'aux années 2010 a laissé la place à un phénomène plus pernicieux. Désormais, décideurs politiques, industriels et citoyens ont adopté d'autres astuces pour ne rien changer sur le fond. Dans un article publié dans la revue Global Sustainability, une équipe pluridisciplinaire faite de climatologues, psychologues ou sociologues s'est attelée à décortiquer les discours de l'inaction climatique.

Comme le montre ce tableau traduit par nos soins, il ressort de leur analyse 12 arguments, rassemblés au sein de 4 grandes familles : la redirection de la responsabilité vers d'autres ; le plaidoyer pour des solutions au rabais ; l'accent mis sur les mauvais côtés de la transition ; la reddition pure et simple.

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• Ça en fourche un coin. Nourrir les Européen·ne·s en se passant d'engrais et de pesticides de synthèse, c'est possible, à condition de végétaliser notre alimentation, selon des chercheur·se·s français·es. Parmi leurs recommandations : réduire la consommation de viande et instaurer des rotations de cultures longues et diversifiées, à la place des mono-cultures qui épuisent les sols - Vert

• Une solution à développer dard-dard. Pour lutter contre la prolifération de moustiques-tigres, la municipalité de Saint-Louis (Haut-Rhin) a installé cinq « hôtels » qui accueillent des centaines d'hirondelles. - Vert

• Une école buissonnière ? Dans une tribune, 138 élèves de l'école nationale d'administration (ENA) réclament une refonte « en profondeur » de leur cursus pour que celui-ci intègre les enjeux climatiques. - Vert

• Finies, les voies sans issues. Pour atteindre ses objectifs climatiques, le gouvernement gallois veut limiter au maximum la création de nouvelles routes. Une commission sera bientôt chargée d'évaluer chaque projet de route impliquant des subventions publiques et devra trouver des solutions alternatives - si elles existent – aux problèmes de transport rencontrés. - Vert

Regonflé·e à bloc par cette bolée de bonnes nouvelles, remontez vos manche pour vous préparer de belles tablettes avant l'été avec cette recette de pastilles pour le lave-vaisselle. A retrouver sur le site de Vert.

On s'en friche (pas du tout). Dans Manifeste pour un urbanisme circulaire, l'urbaniste Sylvain Grisot sonde l'impasse dans laquelle la fabrique des villes s'est emmurée et propose un nouveau modèle pour continuer à bâtir la cité sans l'étaler. Une chronique à lire sur le site de Vert

La Beauce, le glyphosate et moi

Glypho les écouter. On entend beaucoup de choses sur le glyphosate, cet herbicide-phare de l'agriculture « conventionnelle », considéré comme un cancérogène probable par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais qu'en disent celles et ceux qui s’en servent tous les jours ?

« C’est pas le produit le plus dangereux », « c'est la dose qui fait le poison », « c'est l'arbre qui cache la forêt »... Habitante de la Beauce, la journaliste Isabelle Vayron a tendu son micro à de nombreux producteur·rice·s de cette région agricole de l'Île-de-France, à l'écoute de leurs arguments de plus ou moins bonne foi. Un documentaire sans préjugés qui ne s'empêche pas, toutefois, de songer à d'autres modèles.

La Beauce, le glyphosate et moi, Isabelle Vayron, 2021, disponible en replay sur la chaîne Youtube de Public Sénat

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