En Afrique de l’ouest, le gigantesque projet Grand tortue Ahmeyim mené par le pétrolier BP menace le plus vaste récif corallien en eaux froides du monde et promet d’aggraver sérieusement la crise climatique.
A 2,7 kilomètres de profondeur, au large du Sénégal et de la Mauritanie, BP projette d’ouvrir un immense champ gazier qui permettra de faire de ces deux pays « des acteurs mondiaux du gaz naturel liquéfié ». Problème : cette zone abrite une immense biodiversité. A cinq kilomètres du futur site, les mangroves du parc national de Diawling, en Mauritanie et leurs dizaines d’espèces d’oiseaux de mer. Non loin de là, on trouve également l’aire marine protégée de Saint-Louis du Sénégal, où vivent notamment baleines et dauphins. Ainsi que l’immense récif corallien, long de 580 kilomètres, qui borde la Mauritanie.
Jamais un forage de ce type n’a été réalisé à une telle profondeur. Laissant craindre à Greenpeace, dont le projet journalistique Unearthed vient de publier une enquête sur le sujet, la survenue de fuites qui mettraient en péril ces fragiles écosystèmes.
Les chiffres dévoilés donnent le tournis. Au cours des 30 années pendant lesquelles BP entend exploiter ce gisement, 1 130 milliards de mètres cubes de gaz seront extraits, d’après une estimation « conservatrice » du cabinet spécialisé Rystad energy. Au total, leur utilisation émettra plus de 2 milliards de tonnes de CO2, plus de deux fois ce que l’Afrique émet en une année. Soit, également, environ 1% du budget carbone restant – autrement dit ce que l’humanité peut encore émettre – avant de dépasser 1,5°C de réchauffement.
Très portée sur le greenwashing (Vert), BP promet d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 : à cette date, l’ensemble du CO2 encore émis devra être compensé. Une plaisanterie, au vu de ce nouveau projet. En mai, l’Agence internationale de l’énergie recommandait de bannir tout projet fossile pour espérer contenir le réchauffement sous 1,5°C. Le site devrait entrer en action en 2023.