L'hebdo

Ma biodiversité va craquer

Pesticides, déforestation et réchauffement : le climat n’est pas gai pour le vivant.


Voici l'info qu'il ne fallait pas rater cette semaine. 

Préserver le vivant et le climat, et vice-versa

Vivant, climat, même combat. Membres du GIEC et de l'IPBES, 50 experts du climat et de la biodiversité appellent à mettre en œuvre des solutions communes pour traiter ces deux crises.

Le bouleversement du climat entraîne de profondes modifications dans les écosystèmes - changeant par exemple certaines forêts en savanes - qui nuisent gravement aux espèces animales et végétales. La déforestation qui s'accélère, notamment dans les forêts tropicales, diminue la capacité des arbres à stocker du CO2 et accélère le réchauffement.

Pour la première fois, des scientifiques du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et de l'IPBES - leurs homologues sur les sujets liés à la biodiversité, ont joint leurs efforts dans un rapport commun, paru jeudi. Leurs 50 auteur·rice·s appellent à sortir de l'approche « en silo » de ces deux sujets interdépendants.

En raison de la déforestation et du bouleversement du climat, l'Amazonie brésilienne émet désormais plus de CO2 qu'elle n'en absorbe (Vert) © Nasa

Un temps vantés comme une solution valable pour réduire les émissions des transports, les biocarburants font en réalité payer un lourd tribut au vivant. En effet, les surfaces où l'on cultive l'huile de palme destinée à alimenter les bioraffineries sont généralement prises à la nature ou à l'agriculture alimentaire, notent les auteur·rice·s. Autre exemple : au-delà d'une certaine quantité, les arbres plantés en masse par les entreprises pour améliorer leur bilan carbone posent problème. La reforestation au moyen de monocultures, parfois réalisée avec des espèces exotiques, nuit à la biodiversité, favorise les maladies et dérègle le cycle de l'eau

Parmi les remèdes les plus efficaces en faveur du vivant et du climat, les expert·e·s recommandent de sauvegarder les espaces naturels : forêts, tourbières, zones humides, eaux profondes, etc. Aujourd'hui, seuls 15% des terres et 7,5% des océans sont protégés. Autre solution facile et rapide à mettre en œuvre : restaurer les écosystèmes dégradés. Le rapport recommande aussi d'adopter de meilleures pratiques agricoles et forestières.

Pour contenir le réchauffement et préserver le vivant, préviennent les auteur·rice·s, des « efforts immédiats et durables » devront être accomplis, comprenant des politiques environnementales mais aussi « des transformations des structures économiques » et « des changements profonds dans nos sociétés ».

On refait le fil de cette folle semaine :

L'interdiction d'équiper les logements avec des nouvelles chaudières au fioul sera reportée à la mi-2022, a annoncé lundi la ministre de l'environnement Barbara Pompili. Initialement, l'installation de telles chaudières dans les logements neufs devait être bannie dès le 1er juillet 2021, avant d'être étendue à tous les logements au 1er janvier 2022. « Il y a une volonté, dans la période, d'y aller tranquillement », a indiqué la ministre, qui a répondu à la requête des entreprises de la filière. En France, plus de 3 millions de logements sont toujours chauffés au fioul, une énergie très émettrice de CO2. - Les Echos (abonnés)

• L'ancien patron de Volkswagen Martin Winterkorn va s'acquitter d'environ 11 millions d'euros de dommages et intérêts auprès de la firme, qui l'accuse de négligence dans le cadre du scandale « dieselgate ». L'entreprise et ses dirigeant·e·s sont impliqué·e·s dans une immense fraude aux contrôles révélée en 2015 et qui visait à faire apparaître leurs véhicules au diesel moins polluants qu'ils ne l'étaient en réalité. - Le Figaro (AFP)

Mardi, Renault a annoncé avoir été mis en examen pour « tromperie » dans l'affaire du « dieselgate ». Dans une note révélée par Libération en 2017, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) reprochait au constructeur français d'avoir « utilisé une stratégie ayant pour objectif de fausser les résultats des tests antipollution ». Renault conteste avoir commis « la moindre infraction ». - Libération

• Mardi, Yann Wehrling a été démis de ses fonctions d'ambassadeur chargé de l'environnement par Emmanuel Macron. L'ancien dirigeant du MoDem a dénoncé une sanction de la part de l'exécutif, qui lui reprocherait d'avoir soutenu Valérie Pécresse, candidate (LR) aux élections régionales. Yann Wehrling est le deuxième ambassadeur nommé puis écarté par Emmanuel Macron, après le limogeage de Ségolène Royal, alors ambassadrice des pôles, en janvier 2020. - Le Monde (abonnés)

« Nous allons chercher comment réduire encore davantage nos émissions d'une manière réfléchie et rentable », a déclaré Ben van Beurden, le patron de Shell, dans un communiqué publié mercredi. Cette déclaration fait suite à la condamnation de sa firme par un tribunal de la Haye (Pays-Bas) à la fin mai (Vert), qui lui a ordonné de réduire ses émissions de 45% d'ici 2030, y compris celles liées à l'utilisation du pétrole vendu. Si Ben van Beurden prévoit des « mesures audacieuses mais mesurées » pour les années à venir, Shell compte toujours faire appel de la décision de justice. - Les Echos (abonnés)

• Dans un rapport publié jeudi, les ONG Reclaim Finance et Les Amis de la Terre alertent sur le danger que représentent les nombreux actifs des banques européennes liés aux énergies fossiles. En moyenne, celles-ci détiennent l'équivalent de 95% de leurs fonds propres en actifs dans le charbon, le pétrole ou le gaz. Or, selon les associations, la crise climatique pourrait faire chuter brutalement leur valeur, mettant en danger le système financier européen. - Reclaim Finance

• Jeudi, les eurodéputé·e·s ont massivement voté en faveur d'une résolution qui prévoit l'interdiction progressive des cages dans les élevages européens, avant une suppression totale en 2027. Ce vote fait suite à l'initiative citoyenne européenne (ICE) lancée par l'ONG Compassion in World Farming (CIWF), qui avait recueilli près de 1,4 million de signatures. La Commission est donc invitée à se saisir de ce sujet et à proposer un texte de loi dans les mois à venir. - Ouest-France

419

C'est (de plus en plus) chaud. Avec 419 parties par million (PPM) en moyenne au mois de mai 2021, les êtres humains n'ont jamais connu un tel niveau de CO2 dans l'atmosphère. Même la diminution des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 6% en 2020, provoquée par la baisse de l'activité économique liée au Covid-19, n'aura pas permis d'enrayer le phénomène. Cette baisse temporaire a été gommée par la variabilité naturelle et saisonnière de la concentration en CO2 dans l'atmosphère. Dans le même temps, note la Scripps institution of oceanography, des quantités comparables de carbone étaient relâchées lors d'importants feux de forêts.

La teneur en CO2 dans l'atmosphère est désormais supérieure de 50% à celle de l'ère préindustrielle (milieu du 19è siècle). Elle atteint des niveaux jamais vus depuis 4,1 à 4,5 millions d'années. A l'époque, indique encore Scripps, la température était plus élevée de 7°C et les océans plus hauts de 23 mètres. Plus d'informations sur le site de Vert.

Cette semaine encore, nous avons appris tout un tas de choses. Par exemple : 

• Papiers s'il vous plaît. Réuni·e·s en sommet à Londres le week-end dernier, les dirigeant·e·s du G7 pourraient décider de contraindre les grandes entreprises à dévoiler leur impact carbone ainsi que leur exposition aux bouleversements climatiques. - Vert

• Damn pipi ! L'étude de 7 000 prélèvements urinaires réalisés par la Campagne Glyphosate révèle la présence systématique, et à des taux élevés, de ce puissant pesticide. Y compris chez des grand·e·s consommateur·rice·s de bio. - Vert

• Quels phytos planque-t-on ? Ces 15 dernières années, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a autorisé l'usage de 12 pesticides suspectés d'être cancérogènes, alerte le Pesticide action network. - Vert

• A bâbord les éléphants. Depuis six mois, une quinzaine d'éléphants traversent la province chinoise du Yunnan pour une raison qui échappe toujours aux observateurs. - Vert

© Compte Instagram du plasticien Joe Rush

G7 choses à vous dire. Ce vendredi, les dirigeant·e·s du G7 se sont retrouvé·e·s dans les Cornouailles, au Royaume-Uni. Elle et ils ont été reçu·e·s par cette parodie de Mont Rushmore, dans lequel le plasticien Joe Rush les a représenté·e·s au moyen de déchets. Baptisée « Mount Recylemore » (ou Mont recyclezplus), l'oeuvre a pour but d'interpeller les leaders au sujet du recyclage des composants électroniques. En 2019, seuls 17% des 53 millions de tonnes de rebuts issus des smartphones, ordinateurs et autres appareils ont été retraités (The Conversation). Hélas, au même moment, vendredi, la majorité LREM à l'Assemblée nationale votait la création d'une taxe sur les smartphones et tablettes reconditionnées (Numerama). Encore raté. 

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• Balaise Breizh. Le tribunal administratif de Rennes a donné quatre mois au préfet de Bretagne pour prendre de nouvelles mesures contre la pollution des eaux au nitrate, condamnant l'Etat à agir dans la lutte contre les algues vertes. - Vert

• Une nouvelle qui fera le bzzz ? L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a annoncé avoir trouvé 22 alternatives aux néonicotinoïdes, ces pesticides « tueurs d'abeilles ». - Vert

• Le bon tuyau. La compagnie TC Energy vient d'annoncer l'abandon du projet Keystone XL : un méga pipeline qui devait acheminer 800 000 barils de pétrole par jour du Canada au Golfe du Mexique. - Vert

• C'est frais. L'Agence de la transition écologie (Ademe) propose 19 solutions pour adapter les villes aux canicules qui se multiplient. - Vert

Cette semaine, alors que les chauds jours reviennent en même temps qu’une vie sociale presque normale, voici une recette de déodorant maison facile à faire et écologique. À retrouver sur le site de Vert.

David n’attend plus. Dans Une vie sur notre planète, le célèbre documentariste animalier de la BBC David Attenborough transmet son amour du vivant, qu’il a vu s’étioler en quelques décennies, pour nous appeler à chérir la biodiversité de toute urgence. Une chronique à lire sur le site de Vert

Algues vertes, le littoral empoisonné

C'est une pollution qui revient, année après année, salir le littoral breton et mettre en danger les promeneurs. Dopées par les rejets azotés de l'agriculture industrielle, les algues vertes prolifèrent comme jamais auparavant. Et l'État, comme les élus locaux, se refusent toujours à prendre les mesures nécessaires pour réduire à la source, comme vient de le rappeler la Cour des comptes dans un rapport très critique à paraître (Le Télégramme).

Des décennies de laissez-faire au mépris des populations et de la nature, c'est le scandale raconté par la bande-dessinée à succès Algues vertes. En 2019, Arte a suivi son autrice, la journaliste Inès Léraud, pour refaire le fil de son enquête dans ce court documentaire.

© Arte