L'hebdo

Domino futur

Un numéro où l'on verra qu'à trop jouer à la roulette russe avec le climat, nous risquons de finir éparpillés façon puzzle.


Voici l'info qu'il ne fallait pas rater cette semaine. 

Les points de bascule climatiques pourraient être dépassés en cascade

C'est (très) chaud. Calottes glaciaires, courants marins, Amazonie... certaines parties du système climatique sont proches d'un « point de bascule » et pourraient rapidement entraîner des bouleversements dans un effet domino.

Le réchauffement ne sera pas un long fleuve tranquille vers quelques degrés de plus. Au-delà d'un certain point, plusieurs systèmes, trop altérés, risquent de se dérégler irrémédiablement et de basculer vers un état instable. Par exemple : passée une certaine température, la fonte du permafrost en Sibérie deviendra irréversible, libérant d'immenses quantités de CO2 et de méthane dans l'atmosphère. Ces gaz à effet de serre entraîneront à leur tour une élévation des températures.

Or, dans une étude publiée jeudi dans la revue Earth system dynamics, des scientifiques mettent en lumière un phénomène peu étudié jusqu'alors : puisqu'ils sont tous reliés, le basculement d'un système pourrait accélérer celui de nombreux autres. Pour s'en convaincre, les chercheur·euse·s ont testé quelque trois millions de scénarios à l'aide de puissants ordinateurs. Elles et ils ont limité leurs simulations aux interactions possibles de quatre systèmes : les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique ouest, la forêt amazonienne et la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC), l'un des moteurs du courant marin Gulf stream.

En raison de la déforestation et du bouleversement du climat, l'Amazonie brésilienne émet désormais plus de CO2 qu'elle n'en absorbe (Vert) © Nasa

Un enchaînement parmi d'autres : la fonte de la calotte du Groenland, faite d'eau douce, dessale l'eau de mer et affaiblit l'AMOC (lire notre article à ce sujet). Or celui-ci fait circuler la chaleur à travers l'océan Atlantique et régule les températures mondiales. L'affaiblissement de l'AMOC entraîne davantage d'eau chaude vers le pôle sud, et participe à la fonte de l'Antarctique. Le phénomène pourrait également modifier les précipitations au-dessus de l'Amazonie, accélérant sa transformation en savane.

L'état des connaissances et les capacités de calcul des ordinateurs sont encore trop limitées pour prédire avec certitude ce qu'il en sera réellement. Mais même en contenant le réchauffement à moins de 2°C d'ici 2100, soit l'un des objectifs de l'accord de Paris, l'emballement en cascade de ces systèmes pourrait se produire.

On se refait le fil de cette folle semaine :

• Lundi, Greenpeace a bloqué un entrepôt de soja dans le port de Saint-Nazaire (Loire Atlantique) pour dénoncer la déforestation importée et l'inaction coupable du gouvernement sur ce sujet. Il s'agit du premier port d'importation de soja en France, principalement originaire du Brésil. Or, l'Hexagone importe ces marchandises « sans aucune garantie ou traçabilité suffisante » alors que « la culture du soja est l’une des causes majeures de la déforestation et de la destruction d’écosystèmes précieux en Amérique latine », a expliqué l'ONG. - Vert

• Mardi, l'UFC Que Choisir a annoncé avoir lancé une action de groupe contre le distributeur d'eau Saur et sa filiale Cise Réunion, devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion. L'entreprise est accusée d'avoir délivré une eau insalubre à plus de 80 000 habitants de cinq communes, depuis cinq ans. « Les résultats des analyses réalisées par l'ARS [l'Agence régionale de santé] mettent en évidence de très nombreuses non-conformités et notamment la présence de bactéries fécales, rendant l'eau fréquemment impropre à sa consommation pour l'alimentation et l'hygiène des habitants », a indiqué l'association de consommateurs dans un communiqué.

• Mardi encore, au Sri-Lanka, le feu a été éteint à bord du MV X-Press Pearl après 13 jours d'un incendie-monstre. Comme Vert l'avait raconté, ce porte-conteneur avait déversé l'essentiel de sa cargaison, dont 25 tonnes d’acide nitrique, de la soude caustique, des lubrifiants, mais aussi des millions de granulés de polyéthylène destinés à l’industrie de l’emballage. Une enquête a été ouverte, dimanche, pour déterminer les causes de cette catastrophe, à l'origine de la « plus grave pollution qu'ait jamais connue le pays », selon les mots de sa présidente, Dharshani Lahandapura. - France Info (AFP)

• Mercredi, le fonds activiste Engine No.1 a réussi à faire entrer un troisième élu au conseil d'administration d'ExxonMobil (sur 12), contre l'avis de la direction. Comme Vert l'avait raconté, le fonds a reçu le soutien d'autres investisseurs, dont le géant BlackRock, pour faire élire ses membres afin d'orienter le groupe pétrolier vers les énergies renouvelables. ExxonMobil est l'une des dernières majors du pétrole à n'avoir pas entamé cette transition, ce que commencent à craindre ses actionnaires. - Reuters (anglais)

• Jeudi, au troisième jour du procès des opposants au projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse), le procureur a requis une peine de douze mois de prison ferme contre l’un d'entre eux, déjà condamné à plusieurs reprises par le passé. Dix à dix-huit mois avec sursis ont été requis pour les six autres prévenus. Le procureur a considéré « établis les faits de complicité de détention d’engins incendiaires en bande organisée et d’association de malfaiteurs », lors d’une manifestation non déclarée, le 15 août 2017. Le jugement sera rendu le 21 septembre. - Libération

6 mètres

Un barrage contre l'Atlantique. Arbres déracinés, inondations, bateaux jetés dans la ville... En 2017, après que l'ouragan Irma a mis Miami sens dessus dessous, les autorités ont commencé à songer sérieusement à la meilleure manière de protéger la ville et ses alentours des catastrophes liées au climat. Fin mai, le corps des ingénieurs de l'armée américaine a proposé une solution : construire une immense digue de six mètres de haut et de près de 10 kilomètres de long. Un projet pharaonique qui coûterait quelque 6 milliards de dollars (5 Mds€) dont les pouvoirs locaux vont débattre dans les mois à venir. Plus de détails sur le site de Vert.

Cette semaine encore, nous avons appris tout un tas de choses. Par exemple : 

• A table ! A six mois de la 26ème conférence des parties sur le climat (COP26), les Nations Unies ont relancé, lundi, les premières discussions depuis 2019. Les enjeux détaillés à retrouver sur le site de Vert.

• Les cigales fourmillent. Une gigantesque génération de Magicicada septendecim, ces cigales qui sortent de terre une fois tous les 17 ans, inonde l'est des Etats-Unis depuis plusieurs semaines. - Vert 

• Mince alors ! Par endroits, la banquise arctique fond jusqu'à deux fois plus vite que ce que l'on pensait jusqu'alors, vient de révéler une équipe de scientifiques dans une étude publiée le 4 juin dans The cryosphere. - Numerama

• Bas-de-France. A trois semaines du premier tour des élections régionales, des expert·e·s et responsables associatifs ont mis au point l' « enviroscore » : un classement des régions en fonction du bilan écologique de chaque majorité sortante. Globalement, le bilan de la mandature qui s'achève est jugé « affligeant ». - Vert

© Compte Instagram de la comédienne Lucie Lucas

Nue et culottée. Mercredi, quelques dizaines d'agriculteur·rice·s ont manifesté à Paris dans leur plus simple appareil pour dénoncer la suppression des aides au maintien de l'agriculture biologique que prévoit le gouvernement. Comme elles et eux, la comédienne Lucie Lucas s'est montrée nue sur son compte Instagram afin de dénoncer une réforme qui mettrait les paysan·ne·s « à poil », les privant en moyenne de 66% de leurs aides chaque année, selon les calculs de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB). Plus d'informations sur le site de Vert.

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

• Ces baux à voir. Aux Etats-Unis, le gouvernement de Joe Biden vient de suspendre les baux pétroliers et gaziers accordés par Donald Trump aux industriels dans la réserve naturelle arctique d’Alaska. Havre pour les caribous et les ours polaires, cette bande côtière de 70 000 km2 recèle également les plus grandes réserves pétrolières du pays, estimées à 11 milliards de barils. L'administration Biden tente désormais de trouver comment révoquer ces contrats. - Vert

• A en perdre le nord. Bio, équitable, biodynamique... Pour aider à s'y retrouver dans la jungle des labels privés, publics, marques et autres appellations, trois associations ont passé à la loupe les 18 logos les plus connus en France. - Vert

• Changement de tonte. Des chercheur·se·s proposent de laisser pousser la végétation au bord des routes pour permettre au vivant de s'y développer. Au Royaume-Uni, plusieurs centaines de kilomètres carrés pourraient ainsi être réensauvagés. Et en France ? - Vert

Cette semaine, on reprend les bases avec cette recette de lessive maison au savon de Marseille peu chère et simplissime à réaliser. A retrouver sur le site de Vert.

Cessez ce chalut ! Avec Petit pêcheur, grand appétit, métaphore-filet de la surpêche industrielle, Suzy Vergez offre un superbe conte sur la sobriété à destination des enfants. Une chronique à lire sur le site de Vert

Au Vert avec Eric Piolle, maire de Grenoble

En 2014, il fut le seul maire écologiste élu dans une grande ville de France - celle de Grenoble. Aujourd'hui, il est candidat pas encore déclaré à la présidentielle de 2022. Vert a rencontré celui qui prône l'alliance d'un « arc humaniste », qui irait des Insoumis·es aux déçu·e·s du macronisme en passant par la société civile, afin de défaire « les puissances de l'argent » qui nuisent au climat, et proposer un autre modèle de société que celui de la croissance « verte ».

Précisons que cet entretien a été tourné avant la récente convocation en garde à vue d'Eric Piolle, au sujet de laquelle nous n'avons donc pas pu l'interroger.

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© Vert