Le grand entretien

François Gemenne : « Les inégalités démultiplient les effets du changement climatique »

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Spé­cial­iste de la gou­ver­nance du cli­mat et des migra­tions, directeur de l’Observatoire Hugo à l’université de Liège, enseignant à Sci­ences-Po, François Gemenne est mem­bre du groupe 2 du Giec, qui étudie la vul­néra­bil­ité et l’adaptation de nos sociétés aux effets du change­ment cli­ma­tique. A Vert, il livre sa vision des points sail­lants du rap­port pub­lié ce lun­di et sa per­cep­tion de l’engagement des sci­en­tifiques dans le débat pub­lic et la poli­tique.

Le groupe 2 du Giec a pour vocation de réunir les dernières connaissances scientifiques en matière d’adaptation au changement climatique. Quels éclairages apporte cette nouvelle synthèse par rapport à l’édition précédente, parue en 2014 ?

Une atten­tion par­ti­c­ulière a été portée sur les iné­gal­ités et la jus­tice sociale. Ce nou­veau rap­port insiste sur la manière dont les iné­gal­ités démul­ti­plient les effets du change­ment cli­ma­tique. C’est un vrai cer­cle vicieux : une société plus iné­gal­i­taire, par les répons­es qu’elle apporte aux effets du change­ment cli­ma­tique – sou­vent plus adap­tées aux plus rich­es –, peut accroître les iné­gal­ités et ain­si être plus vul­nérable aux effets du change­ment cli­ma­tique.

La notion de « social tip­ping point », ou seuil de rup­ture sociale, est égale­ment un mécan­isme mis en avant dans cette syn­thèse. Il mon­tre à quel point les phénomènes cli­ma­tiques ont des effets soci­aux qui vari­ent de manière non pro­por­tion­nelle à l’impact cli­ma­tique. Deux oura­gans de même ampleur vont engen­dr­er un nom­bre de morts et de dégâts matériels fort dif­férent selon qu’ils ont lieu au Bangladesh (oura­gan Sidr) ou au Myan­mar (oura­gan Nar­gis) où le régime autori­taire n’a pas prévenu les pop­u­la­tions ni organ­isé leur évac­u­a­tion. Idem pour les effets d’une hausse des tem­péra­tures sur le prix du pain et le ren­verse­ment de régime au Soudan, ou alors la famine actuelle à Mada­gas­car.

Dans cette nou­velle syn­thèse, on quan­ti­fie aus­si plus fine­ment les impacts : aupar­a­vant, les cor­réla­tions entre la hausse de la tem­péra­ture et les risques engen­drés étaient plus vagues. Cette fois, nous avons tra­vail­lé de manière plus sys­témique, avec des mod­èles qui éval­u­ent la manière dont les risques et les impacts se ren­for­cent mutuelle­ment, par des effets de force cumu­la­tive.

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Cela signifie que les connaissances scientifiques permettent aujourd’hui d’identifier plus finement le rôle des processus sociaux et politiques dans l’adaptation au changement climatique ?

Dans le chapitre 8, auquel j’ai con­tribué, on mon­tre en effet que les impacts du change­ment cli­ma­tique peu­vent stop­per le développe­ment de cer­tains pays — voire même leur faire per­dre cer­tains acquis. Les don­nées socio-économiques per­me­t­tent de mesur­er les impacts d’une hausse de tem­péra­ture sur le vol­ume des récoltes, puis sur la perte de PIB de cer­tains pays et le mil­lion de gens qui retombent alors dans la pau­vreté…

« L’ampleur de la famine dépend bien davan­tage de proces­sus poli­tiques d’adaptation et de résilience que de l’impact du change­ment cli­ma­tique lui-même »

C’est d’ailleurs la rai­son pour laque­lle on ne peut pas par­ler de « famine cli­ma­tique » ou de « con­flit cli­ma­tique » en tant que tels : ces proces­sus sont poli­tiques par nature, ils découlent d’un sys­tème d’attributions et d’allocation des ressources et des moyens. La faible capac­ité d’adaptation de cer­tains pays est telle que cer­tains impacts, même lim­ités, du change­ment cli­ma­tique vont provo­quer des change­ments impor­tants. Ain­si, l’ampleur de la famine dépend bien davan­tage de proces­sus poli­tiques d’adaptation et de résilience que de l’impact du change­ment cli­ma­tique lui-même.

Comment se fait-il que l’on soit désormais plus attentifs à ces dimensions ?

Parce que nous sommes face à un fait social qui se mesure mieux, mais aus­si parce que le Giec a renou­velé son équipe de chercheurs : un cer­tain nom­bre d’anciens sont par­tis, rem­placés par des chercheurs plus sen­si­bles à ces dimen­sions sociales. Ils sont plus jeunes, il y a plus de femmes et les chercheurs issus des sci­ences sociales ne mesurent pas les liens de cause à effet de manière mécanique comme le font les cli­ma­to­logues. Les approches de l’adaptation sont donc beau­coup plus var­iées. On ne se con­cen­tre plus seule­ment sur les infra­struc­tures de l’adaptation — il faut faire des digues, des bar­rages, etc. — pour abor­der des dimen­sions plus sociales : pré­par­er l’alerte pré­coce des pop­u­la­tions, avoir des plans d’évacuation clairs, etc.

Est-ce que cela permet de mieux chiffrer les efforts financiers à fournir, notamment pour le Fonds vert pour le climat, ces “100 milliards de dollars par an” promis par les pays riches aux pays en développement pour financer leur adaptation aux effets du réchauffement climatique ?

Le rap­port évoque cette ques­tion, mais sans la chiffr­er out­re mesure : il s’agit d’une ques­tion poli­tique, et le Giec a ten­dance à évac­uer les ques­tions de migra­tions, de paix et sécu­rité par crainte que cela bloque l’approbation. Les débats entre auteurs sont nom­breux en interne pour savoir si ces ques­tions doivent être plus vis­i­bles.

La question de l’adaptation des pays du Sud n’a pas fait partie des sujets prioritaires lors de la COP26 à Glasgow en décembre dernier…

Bien sou­vent, l’adaptation passe au sec­ond plan dans les négo­ci­a­tions inter­na­tionales : cela nour­rit forte­ment le ressen­ti­ment des pays du Sud qui voient bien que les pays du Nord ne tien­nent pas leurs engage­ments en matière de baisse des émis­sions et ne don­nent pas plus de moyens pour l’adaptation. L’argent du Fonds vert, de sur­croît, ne cor­re­spond pas à des finance­ments addi­tion­nels, mais à un réé­ti­que­tage de finance­ments déjà exis­tants, que les pays du Nord veu­lent, en plus, fournir sous forme de prêt plutôt que sous forme de don. Autant sur la ques­tion des investisse­ments pour réduire les émis­sions, les pays du Nord se dis­ent que cela peut être rentable, autant sur l’adaptation, c’est de l’investissement à fonds per­du !

Est ce que le droit international est adapté pour gérer la question des migrations et des déplacements internes de populations liés au climat ?

Je ne crois pas du tout, mal­heureuse­ment, que le droit inter­na­tion­al puisse arriv­er à un quel­conque résul­tat. Même la con­ven­tion de Genève [rel­a­tive aux droits des réfugié·es, Ndlr] n’est pas respec­tée, et je crois que c’est un fan­tasme occi­den­tal d’imaginer que le droit inter­na­tion­al peut être encore supérieur au droit nation­al. Dans la réal­ité des faits, ce n’est pas le cas.

Aujourd’hui par exem­ple, pour essay­er de pro­téger les droits des déplacés, il est plus effi­cace de tra­vailler directe­ment avec les gou­verne­ments pour voir ce qui peut être fait au niveau local ou région­al. Prenez les États d’Afrique de l’Est qui, il y a deux ans, ont mis en place un pro­to­cole de libre cir­cu­la­tion — notam­ment pour éviter les prob­lèmes entre berg­ers nomades et éleveurs séden­taires au Nige­ria, au bord du lac Tchad ou dans le nord du Burk­i­na Faso. Cela a per­mis des avancées réelles.

Ces dernières années pourtant, plusieurs États ont été attaqués pour leur inaction climatique…

En effet, il y a plein de lit­iges cli­ma­tiques et d’« affaires du siè­cle » dans plein d’États [aux Pays-Bas, en Alle­magne, en Bel­gique ou en France, Ndlr] mais ce sont à chaque fois des procès inten­tés par les citoyens d’un pays con­tre leur pro­pre gou­verne­ment. Aucun État n’a encore porté plainte con­tre un autre alors que la Cour de jus­tice inter­na­tionale pour­rait poten­tielle­ment accueil­lir ce type de procès. Il faut du courage pour cela ! Tuvalu a essayé, en 2002, con­tre les États-Unis et l’Australie qui n’avaient pas rat­i­fié le pro­to­cole de Kyoto : Tuvalu voulait les atta­quer en jus­tice pour vio­la­tion d’intégrité ter­ri­to­ri­ale, mais on l’a men­acé de faire cess­er les aides inter­na­tionales. Diplo­ma­tique­ment, l’outil du droit est com­pliqué à utilis­er et peut même nuire à l’aboutissement des négo­ci­a­tions inter­na­tionales.

On entend souvent dire que le coût de l’inaction sera supérieur à celui de l’action. Est-ce une bonne idée de raisonner en termes de coûts ? Ne faut-il pas changer de paradigme ?

Les ordres de grandeur n’ont pas changé depuis le rap­port Stern sur l’économie du change­ment cli­ma­tique [com­mandé par le gou­verne­ment du Roy­aume-Uni à l’é­con­o­miste Nicholas Stern en 2006, Nldr], qui était l’un des pre­miers à avoir une approche en ter­mes de coûts. Le souci est qu’il est com­pliqué d’avoir une approche rationnelle : com­ment com­par­er des coûts immé­di­ats à des coûts futurs ? N’est-on pas toutes et tous pareils, à atten­dre le dernier moment pour pay­er nos fac­tures ? N’est-il pas logique que les États fassent de même, surtout quand ils sont en dif­fi­culté budgé­taire, à court d’argent et de liq­uid­ité ?

« Je crois ain­si qu’on aurait intérêt à remet­tre en avant les ques­tions morales : les États peu­vent agir sur la base de fon­da­men­taux moraux, et pas unique­ment sur la base de cal­culs économiques. »

Sans par­ler des enjeux liés à cette approche par coûts et préju­dices : com­ment quan­ti­fi­er le coût d’une migra­tion ? Ou la perte d’une cul­ture tra­di­tion­nelle ? Le trau­ma­tisme d’un événe­ment cli­ma­tique ? Tout l’enjeu de la négo­ci­a­tion est aus­si d’arriver à quan­ti­fi­er les impacts non-matériels, ou en tout cas non-moné­taires, du change­ment cli­ma­tique. Je crois ain­si qu’on aurait intérêt à remet­tre en avant les ques­tions morales : les États peu­vent agir sur la base de fon­da­men­taux moraux, et pas unique­ment sur la base de cal­culs économiques. Ils le font déjà très bien d’ailleurs, quand il s’agit des fron­tières : économique­ment, une fron­tière coûte cher, cela entraîne des phénomènes de passeurs, etc. Mais les argu­ments économiques ne passent pas, il y a un mur idéologique sur le sujet.

En France, la candidate LR Valérie Pécresse s’est engouffrée dans le « grand remplacement ». Globalement, la droite et l’extrême droite font campagne contre l’immigration, sans avoir de programme ambitieux sur le climat, dont le réchauffement risque d’aggraver le phénomène. Ce camp ne scie-t-il pas la branche sur laquelle il est assis ?

Si l’extrême droite est à ce point hos­tile aux ques­tions d’immigration, il faudrait absol­u­ment qu’elle ait un pro­gramme béton sur le change­ment cli­ma­tique, mais ce n’est pas le cas !

Sur ce sujet, il y a un prob­lème de nar­ratif et d’imaginaire : on essaye d’utiliser cet argu­ment migra­toire et ce pré­texte d’invasion mas­sive pour essay­er de con­va­in­cre les États de chang­er leurs pra­tiques vis-à-vis du change­ment cli­ma­tique. Je pense que c’est une erreur : ce faisant, on accrédite l’idée que la migra­tion doit être perçue comme une men­ace, comme une crise à red­outer, mais cela peut ren­forcer des apri­oris et des poli­tiques très restric­tives en terme d’immigration aujourd’hui.

La réac­tion logique de nom­breux États en ter­mes d’immigration n’est pas de réduire les émis­sions, mais de con­stru­ire des murs aux fron­tières. Donc cet argu­ment, sou­vent util­isé par des mil­i­tants du cli­mat avec les meilleures inten­tions du monde peut aller con­tre l’action qu’on souhait­erait sus­citer. Qui plus est, l’immigration d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle que nous aurons dans 20 ou 30 ans…

Vous avez toujours été engagé en politique, et depuis quelques mois vous conseillez l’équipe de Yannick Jadot, candidat EELV à la présidentielle française. Pourquoi l’avez-vous rejoint ?

Deux raisons essen­tielles m’ont poussé à le faire : l’urgence de la sit­u­a­tion est telle qu’il est de mon devoir, en tant que sci­en­tifique, de pren­dre par­ti. Jadot m’a sol­lic­ité et j’ai accep­té. Peut-être que si Taubi­ra ou Hidal­go me l’avaient pro­posé, je l’aurais fait aus­si. Mais quand on regarde les pro­grammes, sur les ques­tions de cli­mat d’une part, et sur les ques­tions d’asile et d’immigration de l’autre, il me sem­ble que la ligne portée par les écol­o­gistes est la plus adap­tée. Cela ne veut pas dire que je suis une groupie de Yan­nick Jadot ni que les autres ne pro­posent pas des choses intéres­santes, mais les solu­tions qu’il affiche pour la France me sem­blent les plus souhaita­bles — à la dif­férence de Mélen­chon dont le pro­gramme, sur les ques­tions inter­na­tionales, l’asile et l’immigration, me pose prob­lème.

On reproche à Jadot de porter une écologie peu sexy, avec des mesures guère enthousiasmantes… que répondez-vous à ces remarques ?

Je ne suis pas sûr qu’on arrive à ren­dre ces propo­si­tions plus con­va­in­cantes : on a mis en avant des gens rad­i­caux, puis des gens plus liss­es, on a mis des gens cli­vants, d’autres plus ras­sur­ants ou plus excités… On a ten­té plein de choses et, à force, j’en con­clus qu’il n’est pas pos­si­ble d’atteindre une majorité démoc­ra­tique. Pour se don­ner une chance d’y arriv­er, il faut le faire via la mobil­i­sa­tion de quelques-uns, à l’image de la lutte pour l’égalité raciale aux États-Unis : les noirs ont su trou­ver des relais et des appuis chez les blancs, mais ce n’est pas parce qu’ils sont devenus majori­taires, qu’ils ont réus­si. C’est parce qu’ils ont réus­si à mobilis­er un noy­au dur très déter­miné qui a embar­qué ensuite le pays pour faire bas­culer les choses et obtenir la recon­nais­sance de cer­tains droits.

Donc il faut peut-être réfléchir à un change­ment de stratégie : nous ne man­quons pas de réflex­ion, nous essayons de les inté­gr­er pour cess­er de pass­er pour une gauche trop intel­lo, éloignée des class­es pop­u­laires… On a fait plein de choses pour expli­quer que les plus défa­vorisés allaient être les plus directe­ment touchés [par la crise cli­ma­tique, Nldr], mais si les class­es pop­u­laires esti­ment que l’extrême droite défendra mieux leurs intérêts que l’écologie poli­tique, à un moment on ne peut plus rien faire : c’est leur respon­s­abil­ité indi­vidu­elle.

« Je con­sid­ère aus­si que les chercheurs ont une grande respon­s­abil­ité : leur frilosité poli­tique me sur­prend tou­jours autant et leur refus de s’engager me met très en colère. »

Je con­sid­ère aus­si que les chercheurs ont une grande respon­s­abil­ité : leur frilosité poli­tique me sur­prend tou­jours autant, leur désir de rester au bal­con et leur refus de s’engager — comme si le débat pub­lic était sale ou comme si cela allait nuire à leur neu­tral­ité ou leur car­rière — me met très en colère. La tri­bune des 1 400 chercheurs qui en appel­lent à ce qu’on par­le plus de change­ment cli­ma­tique dans la cam­pagne m’a pro­fondé­ment énervé. Ce qui compte, ce sont les actions que les gou­verne­ments vont acter au final. À se com­porter comme si le cli­mat n’était ni de droite ni de gauche, ou que les can­di­dats étaient pareils tant qu’ils par­lent du cli­mat, on devient com­plice de l’immobilisme et de l’inaction. Je suis exas­péré de la pos­ture des chercheurs qui font « ouin ouin, on nous écoute pas », qui bran­dis­sent Don’t look up et ne font rien pour se faire écouter : quand on leur pro­pose de ren­con­tr­er un can­di­dat, de con­tribuer au pro­gramme et qu’ils ne veu­lent pas se mouiller, il ne faut pas se plain­dre de ne pas être écouté. C’est trop facile d’être dans la pos­ture de lanceurs d’alerte, de crier au feu plutôt que d’appeler le pom­pi­er. Et cette ques­tion, dans le fond, se pose aus­si pour le Giec : sa pos­ture est-elle encore ten­able aujourd’hui ? Que va-t-on faire après ce 6ème rap­port ? Un 7ème, un 8ème, un 9ème ?  Quand allons-nous inciter plus large­ment à l’action poli­tique ? Pourquoi ne pas ini­ti­er des rap­ports thé­ma­tiques sur des sujets con­tro­ver­sés dans le débat pub­lic, comme la géo-ingénierie par exem­ple ?

Demain, imaginons que vous soyez aux manettes, quelles mesures prioritaires lanceriez-vous ?

Petite pré­ci­sion à vos lecteurs : je ne serai jamais aux manettes en France, car je ne suis pas français, et donc je sou­tiens un can­di­dat pour lequel je ne peux pas vot­er. Comme je milite pour que le droit de vote soit effec­tué selon le lieu de rési­dence plutôt que la nation­al­ité, je me tir­erai une balle dans le pied de mon pro­pre argu­ment si je me fai­sais nat­u­ralis­er (rires) !

Ceci étant, ma pri­or­ité serait assuré­ment de sign­er la fin des sub­sides aux éner­gies fos­siles : on arrivera à rien tant qu’on aura une telle défor­ma­tion du marché en faveur des éner­gies fos­siles. On a beau accuser le cap­i­tal­isme, le marché pub­lic est biaisé par les sub­ven­tions aux éner­gies fos­siles, il faut chang­er la finance cli­mat, met­tre les ban­ques et la finance autour de la table pour chang­er la donne car ce levi­er n’a claire­ment pas été assez mobil­isé.

Ma sec­onde mesure, moins essen­tielle et pour­tant cru­ciale, serait d’assurer les trans­ferts de tech­nolo­gie : nous sommes telle­ment obnu­bilés par l’idée de réduire nos pro­pres émis­sions que nous ne réfléchissons pas assez à l’échelle glob­ale. Si on estime que les EPR [les réac­teurs nucléaires à eau pres­surisée, comme celui en con­struc­tion à Fla­manville, Ndlr] sont une solu­tion fiable et idéale – ce que je ne crois pas –, ce n’est pas en France qu’il faut les implanter, mais dans des pays qui sont en train de choisir s’ils vont dans une voie fos­sile ou s’ils vont vers autre chose. Sans aide de notre part, ils vont aller vers le plus sim­ple, le moins cher et ce qui pol­lue le plus. Der­rière cette idée, il s’agit de bien com­pren­dre l’enjeu : engager la baisse des émis­sions de gaz à effet de serre dans le monde entier, et pas seule­ment celles de son pays.

Faut-il saboter les pipelines, comme le suggère le chercheur activiste Andreas Malm, pour aller plus vite et plus loin ?

Ça peut être utile : les actions directes, portées par la société civile, peu­vent être une forme de réac­tion pour répon­dre à une impuis­sance et répar­er cer­taines formes d’injustice.

Cer­tains de mes étu­di­ants sont très engagés, mais ne voteront pas : ils ne veu­lent pas être com­plices de ce qu’ils perçoivent comme une mas­ca­rade inutile pour affron­ter défis du 21ème siè­cle. Hélas, il y a une vraie crise de la démoc­ra­tie par­tic­i­pa­tive qu’on ne résoudra pas sans se pos­er de ques­tions sur la crise de la démoc­ra­tie représen­ta­tive…