L'hebdo

Attrape-négo

Jeux de dupes, ou jeux de lois ? Les négociations sur le climat mettent à rude épreuve notre sang-froid.


Total connaissait son impact sur le climat dès les années 1970

La Total triche. Une étude révèle que Total a connaissance de son impact climatique depuis 50 ans, et a mis en place des stratégies pour nier, puis entretenir le doute scientifique à ce sujet.

Tout commence en 1971 lorsqu’un long article, publié dans le magazine de l’entreprise - Total Information - évoque les dangers de la quantité croissante de combustibles fossiles brûlés par les humains. L’auteur de l’article, un géographe expert en climatologie, envisage « une augmentation de la température moyenne de l’atmosphère » et l’élévation des niveaux marins. Avant de conclure : « Ses conséquences catastrophiques sont faciles à imaginer… ».

De la prise de conscience au déni, jusqu’à la décrédibilisation du consensus scientifique et, enfin, au greenwashing : les conclusions de l’étude publiée mercredi 20 octobre dans la revue scientifique Global Environmental Change, sont accablantes pour Total. 

« Si la consommation de charbon et de pétrole garde le même rythme dans les années à venir, la concentration de gaz carbonique pourrait atteindre 400 parties par million vers 2010 » : la prédiction confondante de l'article de 1971 de Total Information.

D’autres documents internes étudiés par les chercheurs attestent que le groupe avait connaissance du risque climatique dès les années 1980. En public, les dirigeant·e·s de Total nient pourtant son existence (France Info). 

À partir de 1988, Total change son fusil d’épaule face à l’abondance d’études scientifiques sur le climat. Le groupe adopte alors la « fabrique stratégique du doute », notent les scientifiques. Son objectif est simple : financer des recherches qui relativisent l’urgence du changement climatique dans le but de retarder la mise en place de mesures contraignantes. 

Au début des années 2000, Total finit par reconnaître les conclusions du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Selon l’étude, Total promeut alors une vision selon laquelle « la science décrit le changement climatique et les entreprises prétendent le résoudre », et revendique sa légitimité à jouer un rôle positif grâce à sa « transition énergétique ».

En 2021, Total devient officiellement TotalEnergies, symbole de son engagement environnemental. Malgré des investissements dans les énergies renouvelables, « ces dernières ne représentent aujourd’hui que 0,2 % de sa production, une part qui devrait grimper entre 1,1 % et 1,6 % en 2025 », comme l’indique Le Monde sur la base de calculs de l’ONG Reclaim Finance. Sans oublier que le groupe continue, en parallèle, de lancer de nouveaux projets pétroliers.

Dans un communiqué de presse, Total nie avoir dissimulé sa compréhension du risque climatique et affirme que « la connaissance qu’avait TotalEnergies du risque climatique n’était en rien différente de la connaissance émanant de publications scientifiques de l’époque ».

· Mardi, Santé publique France (SFP) et l'Anses, l'agence nationale de sécurité sanitaire, ont lancé une enquête pour comprendre comment l'utilisation de produits phytosanitaires dans les vignes affecte la population qui vit à proximité. Il s'agit de la « première étude de grande ampleur » menée en France, dont les résultats seront partagés d'ici 2024 (Anses). Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux craint déjà « des conclusions hâtives, faisant fi de toute rigueur scientifique », d'après une lettre adressée à la préfète de Nouvelle-Aquitaine consultée par Le Monde. - Le Monde (abonnés)

· Mardi encore, les aéroports français ont annoncé avoir déposé un recours auprès de la Commission européenne pour exiger l’annulation de la suppression de certaines liaisons aériennes intérieures. Cette mesure, votée dans la loi « climat et résilience » en août dernier, prévoit la disparition des liaisons aériennes intérieures lorsqu’il existe une alternative ferroviaire de moins de 2h30. Selon l’Union des aéroports français, à l’origine du recours, cette mesure est contraire au droit européen, qui n’autorise pas de telles restrictions. - Le Parisien (AFP)

· La Cour de justice de la république a déclaré irrecevable la plainte déposée en juin dernier à l'encontre de Jean Castex et quatre de ses ministres pour inaction climatique, a-t-on appris mardi. Une action engagée par l’eurodéputé Pierre Larrouturou et les militants Cyril Dion et Camille Étienne, destinée à « mettre le gouvernement face à ses responsabilités », dont Vert s’était fait l’écho. Elle et ils n'excluent pas le dépôt d'une nouvelle plainte, selon Ouest-France - (AFP)

· Jeudi, député·e·s et sénateur·rice·s ont trouvé un accord sur le contenu de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale. Parmi les mesures : le renforcement du contrôle de l’achat d’animaux domestiques, le durcissement des sanctions pour actes de cruauté ou encore la suppression des élevages de visons. Plusieurs ONG déplorent des délais trop progressifs dans l’application de certaines mesures, comme la fin des cétacés dans les delphinariums (5 ans) et des animaux sauvages dans les cirques itinérants (7 ans). - 30 millions d’amis

· À crier sur tous les toits. Selon une étude publiée dans Nature Communicationsil faudrait couvrir 50% des toits de panneaux solaires pour subvenir aux besoins annuels en électricité de la population mondiale. Alors que les coûts de la production d'électricité à partir de l'énergie solaire photovoltaïque ont chuté de 85% entre 2010 et 2020 (International renewable energy agency), les chercheur·se·s y voient un moyen efficace et économique de combler les besoins en énergie renouvelable. - Vert

· Argent sale. En 2019, les 1% les plus fortunés de la planète ont émis en moyenne 110 tonnes de CO2 chacun, contre 1,6 tonne pour la moitié la plus pauvre de l’humanitéselon une étude menée par l’économiste Lucas Chancel. Par ailleurs, les 10 % les plus riches sont responsables de la moitié des émissions planétaires.  - Libération (AFP)

· Chaud devant. D'ici à 2030, les gouvernements prévoient de produire une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle compatible avec la limitation du réchauffement de la planète à 1,5°C, révèle un nouveau rapport du Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE). Ainsi, la plupart des pays continuent d’apporter un soutien politique important à la production de combustibles fossiles alors que celle-ci devrait diminuer immédiatement. - Info Durable (AFP)

· Billets verts. L'UEFA a lancé une campagne de communication pour sensibiliser les fans de football à la crise climatique. Problème : l'organisation vient de signer un copieux contrat avec Gazprom, le quatrième plus gros émetteur de carbone de l'Histoire. Notre analyse de ce formidable greenwashing à lire sur vert.eco.

Cliquez sur l'image pour l'afficher en grand, et la partager autour de vous ! © Vert

Pas COP. Voilà presque 30 ans que les dirigeant·e·s du monde se réunissent lors de grandes conférences internationales. Hélas, les températures continuent d'atteindre des sommets. Notre infographie illustre la difficulté des États à s’accorder sur des mesures ambitieuses et contraignantes capables d'enrayer le réchauffement.

· COP-ératif. Le week-end dernier, des associations ont organisé une journée de formation pour familiariser les jeunes invité·e·s à la COP26 aux négociations climatiques. Accrédité·e·s par des associations étudiantes ou par leur établissement, une petite centaine de jeunes Français·es devraient partir à Glasgow pour observer les négociations et porter la voix de la société civile. - Vert

· À l'isolement. Depuis plusieurs semaines, les activistes d'« Insulate Britain » mènent une vaste campagne de désobéissance civile pour réclamer du gouvernement l'isolation des logements britanniques. Les militant·e·s bloquent les routes pour attirer l’attention de Boris Johnson mais leurs méthodes divisent largement, et ont entraîné plusieurs scènes de violences dans les rues. - Vert

· 100 transitions. L'association d'expert·e·s de l’énergie négaWatt vient de proposer sa nouvelle feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2050 en France. Un scénario de transition énergétique qui fait fi du nucléaire, tout en créant de nombreux emplois. - Vert

· Révolution'air. La semaine dernière, le conseil de l'Eurométropole de Strasbourg a entériné la création d'une zone à faibles émissions (ZFE) sur tout son territoire à compter du 1er janvier 2022. Les véhicules classés crit’air 5  (la classification est à retrouver ici) seront visés par des contrôles pédagogiques pendant un an avant d’être interdits dans l’ensemble de la métropole en 2023. Une interdiction étendue aux vignettes crit'air 4 en 2024, puis aux crit'air 3 en 2025. - Vert

·  Compliquée, la COP ? Nous vous avons préparé un petit abécédaire pour comprendre facilement tout ce qui se jouera pendant les deux semaines de la COP26.

C’est vache. Dans le roman graphique Jungle beef, l’ethnobotaniste Olivier Behra relate l’ampleur de la déforestation due à l’élevage, arrosé par l’argent de la drogue, qui ravage l’une des plus grandes réserves naturelles de biodiversité au monde : le Rio Platano au Honduras. Une chronique à lire sur le site de Vert.

Débat fumeux

Moins de nucléaire = plus de gaz ? C'est en tout cas ce que prétendent de nombreux supporters de l'atome, usant parfois de sources fiables, comme la Stratégie nationale bas carbone de la France, feuille de route nationale vers la neutralité carbone. Dans son émission Désintox, Arte montre pourtant que la baisse maîtrisée de la part du nucléaire dans le mix électrique français – de 67% en 2020 à 50% en 2035 – peut être compensée par la montée en puissance des énergies renouvelables sans nécessiter l’ouverture de nouvelles centrales à gaz. C’est ce que dit la Stratégie nationale bas carbone, à condition de ne pas sauter de lignes.

© Arte

+ Mathilde Doiezie, Loup Espargilière, Pierre Lalu, Anne-Claire Poirier et Juliette Quef ont contribué à ce numéro