Partout dans le monde, les forêts souffrent d’incendies à répétition ; dans les montagnes, les animaux et plantes remontent jusqu’où ils peuvent pour fuir les hausses de température ; dans l’océan, le blanchissement des coraux bat des records… Le changement climatique bouleverse plus que jamais la biodiversité. Et, en retour, cette dernière est de moins en moins efficace pour capter nos émissions de carbone, principales responsables de l’emballement du climat.

«Le cercle vicieux du changement climatique et de la perte de biodiversité est néfaste et dangereux», dénonce l’association environnementale Les Amis de la Terre International dans son rapport «Climat et biodiversité en chute libre». Selon elle, plusieurs mesures climatiques en vogue nuisent aux espèces animales et végétales, ainsi qu’à certaines communautés locales.
La géo-ingénierie : trafiquer le climat… et les écosystèmes
Contrôler et modifier le climat pour éviter son réchauffement : tel est le rêve porté par la géo-ingénierie. Capturer et enfouir le dioxyde de carbone (CO2, le principal gaz responsable du changement climatique), bombarder l’atmosphère de particules de soufre, réfléchir une partie des rayons du soleil… ces technologies encore peu développées laissent la communauté scientifique dubitative quant à leur réelle efficacité dans la lutte climatique.
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Mais elles pourraient aussi avoir un lourd impact sur la biodiversité : «Si la géo-ingénierie parvenait à refroidir la planète, elle pourrait le faire à un rythme plus rapide que le réchauffement actuel, ce qui obligerait les espèces à s’adapter rapidement à des températures plus froides», prévient le rapport des Amis de la Terre.
Certains projets pourraient impacter les écosystèmes, à l’image de la fertilisation des océans, une technologie encore méconnue qui consiste à déverser du fer dans certaines mers pour stimuler le développement du phytoplancton, des petits organismes qui absorbent du carbone. Selon Les Amis de la Terre, une telle pratique pourrait «modifier le cycle des nutriments dans l’océan et les écosystèmes des grands fonds».
Planter des arbres… sans se planter
Pour lutter contre le réchauffement climatique, quoi de mieux que des arbres ? Ces derniers absorbent du dioxyde de carbone grâce à la photosynthèse. Depuis quelques années, les initiatives de plantations d’arbres se multiplient : programme «Un milliard d’arbres» du Forum économique mondial, Grande muraille verte en Afrique (notre article), compensations carbone des entreprises… En France, Emmanuel Macron a également promis de planter un milliard d’arbres d’ici à 2032.

«Quand on parle de plantations à grande échelle, ce sont souvent des monocultures avec une seule essence d’arbre et aucune autre forme de vie autour», pointe Nele Marien, coordinatrice du réseau Forêt et biodiversité aux Amis de la Terre, que Vert a interrogée. Selon le rapport auquel elle a participé, 45% des promesses de plantations concernent des monocultures à croissance rapide, et les arbres sont coupés seulement quelques décennies après avoir été mis en terre.
En plus d’être moins efficaces pour capter du carbone que des forêts naturelles, ces monocultures sont aussi plus vulnérables aux feux de forêts et aux maladies. Leur développement peut aussi se faire au détriment d’autres écosystèmes (comme les savanes ou les prairies) et des populations locales : «Elles prennent la terre aux communautés locales, qui pratiquent l’agriculture à petite échelle», note Nele Marien.
Les bioénergies, pas si «bio» que ça
Pellets de bois pour produire de l’électricité, biodiesel ou bioéthanol en guise de nouveaux carburants… Ces bioénergies basées sur la transformation de végétaux (bois, maïs, soja…) ont la cote dans de nombreux pays, y compris dans ceux de l’Union européenne, qui s’est dotée d’objectifs en la matière.
Mais, là aussi, ces technologies nécessitent de grandes monocultures pauvres en biodiversité : «Ces énergies sont très inefficaces [elles nécessitent beaucoup de surfaces pour être déployées à grande échelle, NDLR], il faut donc faire pousser beaucoup de plantes, ce qui implique plus de déforestation, d’OGM, de pesticides, sans parler de l’impact sur les peuples indigènes qui vivent dans ces régions», liste Nele Marien.
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Le commerce de pellets de bois est par exemple à l’origine de coupes d’arbres massives en Roumanie ou en Hongrie, où le gouvernement a interdit en 2022 les exportations de bois de chauffage. Le rapport des Amis de la Terre note aussi que la «production de biomasse pour les biocarburants créée une concurrence avec les terres destinées à la production alimentaire».
Et qu’en est-il des renouvelables ?
Le rapport aborde aussi les impacts que peuvent avoir les énergies renouvelables sur le vivant. Les gros barrages hydroélectriques peuvent par exemple «bloquer les routes migratoires des poissons et modifier les habitats aquatiques en transformant les eaux courantes en réservoirs stagnants».
Sont aussi évoquées les extractions de minerais, vitales pour les batteries électriques (lithium, nickel, cobalt…) : «Elles sont à l’origine de déforestations, des pollutions et d’épuisement des sources d’eau.» Le rapport rappelle également l’impact que peuvent avoir certaines installations éoliennes ou solaires sur le partage des terres, la déforestation ou encore la survie de certaines populations d’oiseaux et de chauves-souris (notre article).
«Les énergies renouvelables sont capitales, mais les politiques publiques les développent à grande échelle en détruisant massivement la biodiversité, précise Nele Marien. Il faut avoir une vision plus large qui ne se limite pas qu’au climat, mais qui prenne en compte les impacts sur la biodiversité et les aspects sociaux.»
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