Sale semaine pour les éoliennes : dans l’Hérault, deux exploitants ont été condamnés en l’espace de trois jours par le tribunal de Montpellier pour leur responsabilité dans la mort d’espèces protégées. Après la mise à l’arrêt pour quatre mois du parc d’Aumelas, ordonnée lundi (notre article), c’est au tour de celui de Bernagues de devoir fermer pour un an, après une collision avec un aigle royal en 2023.
Les gestionnaires de ces deux sites, respectivement EDF Renouvelables et Énergie renouvelable du Languedoc, ont été reconnus responsables de la mort de rapaces protégés et condamnés à de lourdes amendes. «Nous ne sommes pas opposés aux éoliennes, nous souhaitons simplement que leur développement se fasse dans le respect de la biodiversité», précise à Vert Geoffroy Marx, responsable du programme énergies renouvelables et biodiversité à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui s’est portée partie civile dans le procès du parc de Bernagues.

Si les éoliennes sont loin d’être la cause majeure de l’effondrement des populations d’oiseaux (contrairement aux pesticides, aux destructions d’habitats… ou même aux chats, comme nous vous l’expliquions dans cet article), elles peuvent tout de même tuer individuellement sept oiseaux par an en moyenne en France, et fragiliser certaines populations de rapaces. Des solutions existent pourtant pour limiter ces collisions fatales.
La plus utilisée : des systèmes de détection automatique
Depuis plusieurs années, les exploitants d’éoliennes utilisent des systèmes de détection automatique. «Ce sont des caméras installées au niveau des éoliennes, avec un logiciel qui identifie les oiseaux qui rentrent dans le champ et déclenche soit un signal acoustique, soit la mise à l’arrêt des machines», détaille Geoffroy Marx.
Mais ces dispositifs techniques ne détectent pas tous les oiseaux, en particulier les plus petits, et le font parfois trop tard, explique Aurélien Besnard, enseignant-chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) de Montpellier et spécialiste reconnu des problèmes de collision liés aux éoliennes. «Si l’on veut qu’un oiseau ait 95% de chances d’être détecté à temps, il faudrait qu’il le soit à au moins 600 mètres de l’éolienne, voire 1 000 mètres selon les espèces ; mais ces systèmes détectent rarement les oiseaux au-delà de 400 mètres», détaille-t-il.
«EDF a installé beaucoup de caméras et d’effaroucheurs sonores, mais il continue à y avoir de la mortalité», complète Geoffroy Marx. C’est notamment le cas au parc éolien d’Aumelas, condamné ce lundi pour la mort de 160 oiseaux protégés, dont des faucons crécerellettes (un petit rapace menacé), et ce malgré la mise en place de systèmes de détection automatique.
Une autre option similaire existe, plus radicale mais bien moins développée : le bridage statique. «On arrête totalement les éoliennes sur les périodes à risque, comme lors de la reproduction d’une espèce sensible, explique Aurélien Besnard. C’est plutôt efficace, mais ça fait perdre beaucoup de production d’énergie au parc». Le système est en revanche plus adapté aux chauves-souris, qui ne volent que quand le vent est faible, donc quand la production énergétique est moindre.
La plus étonnante : colorer les pales des éoliennes
Sur les parcs éoliens, les oiseaux meurent souvent par collision avec des pales qui peuvent atteindre les 300 kilomètres heure. Les plus petits passereaux, mais aussi les chauves-souris, peuvent même exploser en vol du fait des différences de pression créées par cette vitesse. Certains peuvent aussi percuter des mats, voire des pales à l’arrêt : «Les oiseaux ont du mal à voir les contrastes, et tout ça est amplifié par les conditions météorologiques qui entraînent une mauvaise visibilité», détaille Geoffroy Marx.
Pour les aider à mieux repérer ces obstacles aériens inhabituels, une étude norvégienne publiée en 2020 propose de peindre l’une des pales d’éolienne en noir. «C’est un article relativement controversé, qui ne montre pas de réduction de la mortalité des oiseaux sur les éoliennes peintes», nuance Aurélien Besnard. Un tel dispositif serait de toute façon interdit en France, où la législation aéronautique actuelle impose une couleur blanche aux éoliennes.
Quant à d’éventuels signaux lumineux pour avertir les voyageurs nocturnes, «rien ne dit que ça va les repousser, ça pourrait même plutôt les attirer», avertit Geoffroy Marx, qui rappelle que se posent aussi des questions d’impact sur les riverain·es.
La plus efficace : choisir judicieusement l’emplacement des sites éoliens
«La meilleure solution, ça reste d’installer les parcs éoliens là où il y a le moins de risque pour les espèces sensibles», insiste Aurélien Besnard. Un constat appuyé par Geoffroy Marx : «Si l’on se trompe au moment du choix du site, on aura du mal à réduire la mortalité, même en dépensant des milliers d’euros».
La LPO recommande de ne pas installer d’éoliennes dans ou à proximité des espaces protégés, comme les zones Natura 2000. «Il y a beaucoup de parcs qui ne sont pas problématiques, car implantés loin des forêts, des haies, des zones humides… Mais il y en a certains qui sont installés dans ou à proximité de zones sensibles, comme celui d’Aumelas, et où l’on observe en général plus de mortalité», illustre Geoffroy Marx, qui estime que moins de 3% des parcs actuels sont dans des zones Natura 2000.
Pour inciter les exploitants à éviter ces espaces riches en biodiversité, le militant appelle à «rendre systématique l’obtention d’une dérogation à la réglementation sur les espèces protégées», notamment pour «mieux mesurer et compenser les destructions de ces espèces». Mais de telles évolutions restent dépendantes du vent politique.
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