C’est une première en France : un exploitant d’éoliennes est condamné au pénal pour avoir causé la mort d’espèces protégées. En l’occurrence, le principal accusé se nomme EDF Renouvelables, une filiale du géant électrique français, et la scène macabre se déroule non loin de Montpellier (Hérault), sur les hauteurs du causse d’Aumelas.

Une soixantaine de faucons crécerellettes ont été retrouvés morts au pied des éoliennes du parc d’Aumelas depuis le début des années 2010. Mais le bilan réel pourrait être au moins trois fois plus élevé, selon l’association France nature environnement (FNE) Occitanie-Méditerranée, qui a introduit en 2022 une citation directe pour «destruction d’espèces protégées» contre les sociétés exploitantes du site. Malgré un retour en force, après avoir frôlé l’extinction en France dans les années 1980, ce petit rapace méditerranéen est classé «vulnérable» sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine.
500 000 euros d’amende
Ce 7 avril en début d’après-midi, le tribunal de Montpellier a jugé qu’EDF Renouvelables et neuf de ses filiales sont responsables de la mort de 160 oiseaux protégés. Le juge a également ordonné l’arrêt pendant quatre mois des 31 éoliennes du parc d’Aumelas, période correspondant à la présence du faucon crécerellette.
«Avec ces éoliennes à l’arrêt, il n’y aura pas de nouvelle mortalité cette année, puisque les faucons crécerellettes arrivent en avril d’Afrique pour la nidification et repartent à la fin de l’été», s’est réjoui juste après le jugement Simon Popy, président de FNE Occitanie-Méditerranée.

Le tribunal a également condamné chacune de ces sociétés à 500 000 euros d’amende (dont 250 000 euros avec sursis) et l’ancien patron d’EDF Renouvelables, Bruno Bensasson, à six mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende (dont 30 000 euros avec sursis).
Outre ces 2,5 millions d’euros d’amende ferme, les dix sociétés sont condamnées à verser, au titre du préjudice moral, un total de 114 000 euros à FNE Occitanie-Méditerranée, ainsi que la même somme de 114 000 euros à sa maison mère, France nature environnement. Elles devront également, au titre de réparation du préjudice écologique, verser à l’État 74 087 euros, qui devra les affecter au plan national de sauvegarde du faucon crécerellette.
«EDF est parfaitement informé des mortalités d’oiseaux»
«C’est la première fois qu’un exploitant éolien est traîné devant un tribunal pénal pour destruction d’espèces protégées», soulignait auprès de Vert Olivier Gourbinot, membre de FNE Occitanie-Méditerranée, le 17 décembre 2024, alors que son association réclamait plus de 110 000 euros de dommages et intérêts.
«Le groupe EDF est parfaitement informé des mortalités d’oiseaux et, s’il ne fait rien, c’est parce qu’elles sont tellement importantes qu’il faudrait arrêter le parc, ajoutait le militant. Il préfère continuer illégalement plutôt que d’arrêter, quitte à être condamné au pénal.» EDF Renouvelables, qui avait plaidé la relaxe, a mis en place des systèmes d’effarouchement au niveau de ses éoliennes. Contactée par Vert, l’entreprise n’a pour l’instant pas donné suite à nos questions.
Dans l’affaire des mortalités d’oiseaux sur le parc éolien d’Aumelas, France nature environnement avait déjà remporté un premier bras de fer au civil en 2021, quand la cour d’appel de Versailles avait condamné EDF et ses filiales pour la mort de 28 faucons crécerellettes entre 2011 et 2016. Une décision confirmée par la Cour de cassation en novembre 2022.
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