Le vert du faux

Qui, des éoliennes ou des chats, sont les plus « nocifs » pour la biodiversité ?

Les éoliennes sont régulièrement décriées pour leur impact sur la biodiversité, en particulier sur les oiseaux. Pourtant, une autre menace représente un danger davantage méconnu pour nos amis à plumes : le chat.
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Com­mençons par pos­er les bases. Il y a env­i­ron 8000 éoli­ennes ter­restres dans le parc français en 2022. La Fédéra­tion des fab­ri­cants d’al­i­ments pour ani­maux (Fac­co) estime à 15,1 mil­lions le nom­bre de chats domes­tiques en France en 2020, selon une étude réal­isée par l’institut Kan­tar, qui ne compt­abilise pas les chats errants.

Les éoli­ennes sont un dan­ger pour cer­taines espèces, notam­ment pour les oiseaux et les chauves-souris. Ce dan­ger peut être direct (col­li­sion des ani­maux avec les pales) ou indi­rect, lorsque le défrichage d’espace au sol pour installer les éoli­ennes dégrade ou détru­it l’habitat d’espèces — même si cela est plus dif­fi­cile à mesur­er. De leur côté, les chats sont des pré­da­teurs naturels qui chas­sent de nom­breux petits mam­mifères, oiseaux ou rep­tiles. D’après une étude aus­trali­enne pub­liée dans la revue Nature, ils sont respon­s­ables, au moins en par­tie, de l’extinction de 63 espèces de vertébrés, et sont par­ti­c­ulière­ment dan­gereux au sein d’écosystèmes insu­laires.

Selon une étude de suivi menée par la Ligue de pro­tec­tion des oiseaux (LPO) entre 1997 et 2015, une éoli­enne serait respon­s­able de la mort de sept oiseaux en moyenne chaque année en France.  Cette étude n’est pas exhaus­tive, mais il s’agit de la plus aboutie à ce jour dans le pays — tout en gar­dant en mémoire que cer­tains cadavres ne sont pas retrou­vés et peu­vent être récupérés par des pré­da­teurs. D’autres études, notam­ment menées aux États-Unis et au Cana­da, cor­ro­borent cet ordre de grandeur, avec des esti­ma­tions allant de 1 à 10 oiseaux tués par an et par éoli­enne.

« Un chat bien nour­ri peut cap­tur­er en moyenne 27 proies par an, con­tre 273 pour un chat errant et 1 071 pour un chat haret [chat sauvage] », rap­porte la LPO à par­tir de plusieurs esti­ma­tions. 8 à 10% des ani­maux blessés qui sont recueil­lis dans les refuges et cen­tres de soins de la LPO sont vic­times de chats, et 84% d’entre eux sont des oiseaux. Au total, un chat tuerait entre 5 et 10 volatiles chaque année, tou­jours selon l’association (France info).

On estime qu’au moins 56 000 oiseaux sont tués chaque année par des éoli­ennes, tan­dis que les chats feraient env­i­ron 75 mil­lions de vic­times. © Vert

Si l’on se con­cen­tre sur la « capac­ité meur­trière » de ces deux entités vis-à-vis des oiseaux, elles sont rel­a­tive­ment sim­i­laires. Mais lorsqu’on la rap­porte à l’ensemble du parc éolien, ou du nom­bre de chats, on obtient donc au moins 56 000 oiseaux tués par les éoli­ennes chaque année en France ver­sus env­i­ron 75 mil­lions par les chats. Les ordres de grandeur sont sim­ple­ment incom­pa­ra­bles, mais les deux restent prob­lé­ma­tiques pour la faune et il existe plusieurs manières de réguler ces men­aces.

Pour lim­iter la pré­da­tion des chats sur les oiseaux et les petits mam­mifères, il est pos­si­ble de mieux maîtris­er la pop­u­la­tion des chats (notam­ment sauvages) via des cam­pagnes de stéril­i­sa­tion. La LPO con­seille aus­si de réguler l’accès des félins domes­tiques à l’extérieur et d’aménager les lieux pour lim­iter les risques pour la petite faune, ou encore leur faire porter un col­lier à clo­chettes pour sig­naler leur présence aux proies poten­tielles.

L’implantation d’éoliennes à bonne dis­tance d’espaces à fort enjeu pour la bio­di­ver­sité (cor­ri­dors de migra­tion, zones humides, sites de nid­i­fi­ca­tion ou d’hivernage) per­met de réduire leurs effets négat­ifs sur le vivant. C’est l’objectif des études d’impact, qui sont oblig­a­toires. Des expert·es tra­vail­lent aus­si sur des mécan­ismes de détec­tion des volatiles, qui per­me­t­trait d’arrêter les hélices tem­po­raire­ment lors du pas­sage d’oiseaux. Autre solu­tion envis­agée : pein­dre une des pales des éoli­ennes en noir dimin­uerait de 70% la mor­tal­ité des oiseaux sur un an, selon une étude menée par des chercheur·ses norvégien·nes.

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