Le préfet du Tarn a interdit mardi, par arrêté, tout rassemblement d’opposant·es à l’A69 entre le 3 et le 7 juillet dans 17 communes, alors qu’une mobilisation est prévue cette fin de semaine contre le chantier. Et ce, au motif que des «violences graves et répétées» ont eu lieu lors des précédentes manifestations contre ce projet d’autoroute entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn).
Cette mobilisation comporte «des risques manifestes de troubles graves à l’ordre public», précise encore la préfecture du Tarn. «Aucune organisation ni association n’a déclaré assumer la responsabilité juridique de cet événement» et des messages circulant sur les réseaux sociaux «appellent explicitement à des actes violents et à des actions de destruction», est-il indiqué.

À partir de vendredi après-midi et jusqu’à dimanche, plusieurs milliers de personnes sont appelées – par des collectifs écologistes, parmi lesquels les Soulèvements de la Terre –, à participer à une «Turboteuf» pour réaffirmer que «l’A69, c’est toujours non». Le lieu du rassemblement est encore inconnu, mais la mobilisation devrait se dérouler «aux abords du tracé de l’autoroute».
Contacté·es par Vert, les organisateur·ices ont confirmé la tenue de l’événement : «Ce serait mal nous connaître que de penser qu’une décision administrative va nous arrêter.» D’après une porte-parole, qui a préféré rester anonyme, plusieurs milliers de personnes sont attendues. L’enjeu est, avant tout, de «faire la fête, revendique la militante. Avec ce type d’arrêtés, les responsables politiques fabriquent des récits anxiogènes, selon lesquels il y aura des armes, des affrontements… Mais cela ne sert qu’à dissuader les gens de venir, et à justifier la limitation de nos libertés publiques.»
Manifestations et grèves de la faim
Depuis le printemps 2023 et les premiers coups de pioche de ce chantier visant à créer 53 kilomètres de voie rapide entre Castres et Toulouse, la contestation est montée en intensité, prenant différentes formes : manifestations, grèves de la faim, occupations d’arbres au cœur de zones à défendre, ou encore recours juridiques.
Fin février, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné une interruption des travaux de l’autoroute, estimant qu’il n’y avait pas de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour justifier les dégâts causés à l’environnement. Cette décision, saluée comme une victoire par les opposant·es, a donné lieu à plusieurs recours des pro-autoroute : d’un côté devant la justice administrative, de l’autre, par le biais d’une proposition de loi visant à valider rétroactivement les autorisations environnementales du chantier.
Cette dernière devrait faire l’objet d’une adoption par les parlementaires dans les prochains jours, après un ultime vote dans les deux chambres. «À notre connaissance, c’est la première fois que des élus essaient de contourner une décision de justice [en passant par la voie parlementaire, NDLR]. C’est quand même un tournant autoritaire sans précédent», a dénoncé Martin, l’un des organisateurs de l’événement.
Parallèlement, avant l’examen du fond du dossier prévu en novembre prochain, la cour administrative d’appel de Toulouse a autorisé fin mai une reprise du chantier, que l’Agence France-Presse qualifie de «timide», après des observations sur le terrain. Avec cette mobilisation, «nous voulons affirmer que nous ne les laisserons pas passer en force et recommencer. Nous ne les laisserons pas poursuivre jusqu’au bout leur politique de la destruction accomplie et arguer qu’un chantier ne peut plus être arrêté puisqu’il est déjà trop avancé», ont déclaré les anti-A69.
La quatrième mobilisation d’ampleur
Cette bataille juridico-politique entre pros et antis autoroute se traduit par de fortes tensions locales. Ces derniers jours, des enquêtes ont ainsi été ouvertes par le parquet de Castres, notamment pour «dégradations», alors que des propriétés d’opposant·es à l’A69 ont été ciblées par des tags, des pancartes nominatives ou des actes de malveillance.
La «Turboteuf» est la quatrième mobilisation d’ampleur, après des rassemblements en avril et octobre 2023, puis juin 2024 ; les deux derniers ayant été marqués par des affrontements avec la police. Avec sa voisine de Haute-Garonne, la préfecture du Tarn avait d’abord pris des mesures de police spécifiques sur 24 communes, interdisant par exemple le transport de carburant, de produits chimiques, de peinture en aérosol, de pneus usagés ou d’autres matériaux combustibles : des éléments susceptibles, selon elle, d’être utilisés par les manifestant·es.