Cela faisait plusieurs mois que les écureuils (du nom que se donnent les activistes anti-A69 qui grimpent aux arbres pour les protéger) n’avaient pas eu à s’installer dans les cimes pour plaider leur cause. Mais ce lundi matin, très tôt, des membres du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA, une association particulièrement mobilisée sur le sujet de l’autoroute A69) ont tenté d’occuper des platanes à proximité de l’Assemblée nationale, en plein Paris.

Trois grandes banderoles ont été déployées pendant quelques heures, avant d’être retirées. Et une personne s’est hissée en haut d’un arbre, avant de redescendre en fin de matinée. «Nous souhaitions renouveler notre opposition à cette autoroute. Ça paraît incroyable qu’en 2025, en France, on puisse oser lancer ce genre de projet, et contourner la justice de cette façon», témoigne Vincent, du GNSA, qui accompagnait les écureuils ce lundi matin.
Le jour de cette mobilisation n’a pas été choisi au hasard : les député·es doivent débattre, en fin d’après-midi, de la proposition de loi de validation de ce tronçon autoroutier entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn). Un texte déposé par deux sénateur·ices centristes du Tarn : Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau.

Celui-ci comprend un seul article, visant à reconnaître la «raison impérative d’intérêt public majeur» (RIIPM). C’est sur cette notion juridique que repose l’autorisation environnementale du projet : ce dernier doit présenter un intérêt général suffisamment important pour justifier l’atteinte à de nombreuses espèces protégées pendant les travaux. La RIIPM faisant défaut, l’autorisation environnementale avait été jugée illégale par le tribunal administratif de Toulouse en février dernier, dans une décision qualifiée d’historique.
«Un combat pour la démocratie»
D’abord passée par le palais du Luxembourg, la proposition de loi de validation a déjà été massivement adoptée par les sénateur·ices le 15 mai dernier. Pour les opposant·es à l’A69, ce texte court-circuite la décision de justice et met à mal le principe de séparation des pouvoirs, pourtant consacré par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. «Nous assistons non plus au combat pour ou contre l’A69, mais à un combat pour la démocratie et le respect de la séparation des pouvoirs», a alerté Christine Arrighi, députée Les Écologistes de la Haute-Garonne, avant le début des débats. Ce texte est «un assaut terrible contre l’État de droit» et une «mascarade antidémocratique», a-t-elle asséné.
«L’idée, c’est de faire passer en force l’autoroute en déclarant légal ce qui a été déclaré illégal, a déploré à son tour Anne Stambach-Terrenoir, députée La France insoumise de la Haute-Garonne. Au-delà de ce que l’on peut penser de cette autoroute, voir des parlementaires s’associer avec le pouvoir exécutif pour passer au-dessus du pouvoir judiciaire semble être un précédent extrêmement grave et une situation totale de déni de droit.»
«Par cette loi, il y a une volonté manifeste de balayer la question des arguments juridiques et environnementaux qui sous-tendaient la première décision du tribunal administratif», a accusé de son côté Frédéric Amiel, coordinateur général des Amis de la Terre France – la branche Midi-Pyrénées de l’ONG est l’une des requérantes qui a obtenu l’invalidation de l’autoroute en février.
Plus de 700 amendements ont été déposés par les parlementaires – principalement issu·es des rangs de La France insoumise et des Écologistes. De quoi faire durer les débats avant un éventuel vote dans l’hémicycle. Mais, même si le texte était adopté, sa constitutionnalité et sa conventionnalité (c’est-à-dire sa conformité avec les conventions internationales, dont le droit européen) risqueraient d’être remises en question lors de nouveaux recours.