Une proposition de loi (PPL) visant à rendre à nouveau légaux les travaux de l’A69 – cette autoroute prévue pour relier Toulouse à Castres – doit être examinée par le Sénat ce jeudi. Elle a été déposée par deux sénateur·ices centristes du Tarn : Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau, deux mois après la décision de l’annulation de l’autorisation environnementale du projet par le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne). La PPL n’est composée que d’un seul article et, pourtant, elle pourrait tout changer.

Son objectif : reconnaître la «raison impérative d’intérêt public majeur» de la liaison autoroutière. En d’autres termes, certifier que le projet présente suffisamment d’intérêt pour justifier l’atteinte à de nombreuses espèces protégées pendant les travaux.
Les porteurs de ce projet d’autoroute de 53 kilomètres de long, en cours de construction le long d’une nationale existante, promettent de désenclaver le bassin économique de Castres en raccourcissant le trajet jusqu’à Toulouse d’à peu près 15 minutes (il faut compter environ 1h10 actuellement pour relier les deux villes). Mais, dans sa décision de fin février, le tribunal administratif de Toulouse avait considéré que cet «enclavement» n’était pas suffisamment caractérisé.
Avec leur proposition de loi, les deux parlementaires centristes espèrent court-circuiter la décision de justice de février, et faire redémarrer le chantier au plus vite. «C’est un coup de force grave et scandaleux, a réagi auprès de Vert Jean Olivier, docteur en écologie et porte-parole du collectif La Voie est libre, qui rassemble les anti-A69. Cette proposition de loi est à la fois antirépublicaine et antidémocratique.»
Atteinte à la séparation des pouvoirs
Ce texte, qui vise à neutraliser une décision de justice déjà intervenue, soulève également une question de constitutionnalité, souligne Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement : «On peut se demander si cette loi ne porte pas atteinte à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme, qui affirme que le principe fondamental de séparation des pouvoirs est à l’origine de l’État de droit.»
Le tribunal administratif de Toulouse doit statuer à nouveau sur la légalité du chantier dans quelques jours, lors du procès en appel le 21 mai. Et les débats au Sénat pourraient «influencer» la décision du juge et porter atteinte à la «sérénité des échanges», alerte encore Arnaud Gossement.
Le collectif La Voie est libre – qui rassemble notamment France Nature environnement, Attac, la Confédération paysanne ou Les Amis de la Terre – avait accueilli la décision du tribunal de Toulouse de fin février comme un soulagement, après plusieurs années de lutte pour stopper les travaux.
Si la loi était votée ce jeudi au Sénat, le collectif aurait plusieurs possibilités. «Déjà, nous espérons que l’Assemblée nationale pourra arrêter le texte, confie Jean Olivier. Sinon, nous nous adresserons au Conseil constitutionnel puis, en dernier recours, à la Cour européenne des Droits de l’Homme.»
De son côté, Arnaud Gossement évoque la possibilité que les juges administratifs de Toulouse refusent d’appliquer la loi.
À lire aussi
-
«Sans l’occupation des arbres, l’autoroute aurait peut-être vu le jour» : Thomas Brail et les «écureuils», symboles de la lutte contre l’A69
Branche de salut. Depuis 2023, les «écureuils», ces activistes opposé·es à la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn), grimpent dans les arbres pour empêcher leur abattage. Un mode d’action qui a mis un coup de projecteur sur le projet et contribué à son annulation. -
Arnaud Gossement, docteur en droit : «L’arrêt de l’A69 est un coup de tonnerre juridique»
Mieux vaut Tarn que jamais. Ce jeudi, le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne) a annulé l’autorisation environnementale de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres (Tarn). Nous avons posé trois questions à Arnaud Gossement, spécialisé en droit de l’environnement, sur l’importance de cette décision qui met un coup d’arrêt au chantier controversé.