Les sénateur·ices maintiennent leur passage en force. Ce jeudi, par 252 voix pour et 33 voix contre, la chambre haute a massivement adopté une proposition de loi (PPL) pour rendre à nouveau légaux les travaux de l’A69 – cette autoroute prévue pour relier Toulouse à Castres. Le texte avait été déposé par deux sénateur·ices centristes du Tarn : Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau, deux mois après la décision de l’annulation de l’autorisation environnementale du projet par le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne).
La loi doit encore poursuivre sa navette législative et être examinée par l’Assemblée nationale. Mais elle pourrait tout changer.

Composée d’un seul article, la PPL a pour objet de reconnaître la «raison impérative d’intérêt public majeur» de la liaison autoroutière. En d’autres termes, elle veut certifier que le projet présente suffisamment d’intérêt pour justifier l’atteinte à de nombreuses espèces protégées pendant les travaux.
Depuis plusieurs années, les porteurs de ce projet d’autoroute de 53 kilomètres de long, en cours de construction le long d’une nationale existante, promettent de désenclaver le bassin économique de Castres en raccourcissant le trajet jusqu’à Toulouse d’à peu près 15 minutes (il faut compter environ 1h10 actuellement pour relier les deux villes). Mais, dans sa décision de fin février, le tribunal administratif de Toulouse avait considéré que cet «enclavement» n’était pas suffisamment caractérisé.
Cette PPL, si elle était définitivement adoptée, pourrait court-circuiter la décision de justice de février, et faire redémarrer le chantier au plus vite. «C’est un coup de force grave et scandaleux, avait réagi la veille du vote Jean Olivier, docteur en écologie et porte-parole du collectif La Voie est libre, qui rassemble les anti-A69. Cette proposition de loi est à la fois antirépublicaine et antidémocratique.»
Atteinte à la séparation des pouvoirs
Ce texte, qui vise à neutraliser une décision de justice déjà intervenue, soulève également une question de constitutionnalité, avait souligné le 14 mai Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement : «On peut se demander si cette loi ne porte pas atteinte à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme, qui affirme que le principe fondamental de séparation des pouvoirs est à l’origine de l’État de droit.»
Le tribunal administratif de Toulouse doit statuer à nouveau sur la légalité du chantier le 21 mai, à l’occasion de l’évaluation de la demande de sursis à exécution – une procédure pour réclamer la suspension de la décision, soit l’arrêt des travaux, en attendant le jugement en appel. Et le vote du Sénat pourrait «influencer» la décision du juge et porter atteinte à la «sérénité des échanges», avait encore alerté Arnaud Gossement.
Le collectif La Voie est libre – qui rassemble notamment France Nature environnement, Attac, la Confédération paysanne ou Les Amis de la Terre – avait accueilli la décision du tribunal de Toulouse de fin février comme un soulagement, après plusieurs années de lutte pour stopper les travaux.
Maintenant que la loi a été votée par le Sénat, le collectif espère «que l’Assemblée nationale pourra l’arrêter, confie Jean Olivier. Sinon, nous nous adresserons au Conseil constitutionnel puis, en dernier recours, à la Cour européenne des Droits de l’Homme.»
De son côté, Arnaud Gossement avait évoqué la possibilité que les juges administratifs de Toulouse refusent d’appliquer la loi.
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