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Près de Rouen, paysans et malades bloquent le site du géant de l’agrochimie BASF : «Ce lieu incarne l’impunité de l’industrie criminelle des pesticides»

Se prendre des BASF. 500 manifestant·es et une dizaine de tracteurs (selon les organisateur·ices) mettent à l'arrêt depuis ce lundi matin le site de production de pesticides BASF basé à Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Des militant·es sont entrés dans l'usine pour mener une «inspection des stocks» et prouver la fabrication de produits interdits en France.
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«BASF + cancer = ♥»«Halte au colonialisme chimique»… Dès 7h30 ce lundi 17 novembre, plusieurs centaines de manifestant·es muni·es de pancartes et de combinaisons blanches se sont rassemblé·es devant le site de production de pesticides BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, près de Rouen (Seine-Maritime).

500 manifestant·es mettent à l’arrêt l’usine BASF de Saint-Aubain-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), ce lundi 17 novembre au petit matin. © DR

Accompagné·es d’une dizaine de tracteurs – qui ont déversé de la terre devant l’entrée de l’usine – ils et elles bloquent depuis plusieurs heures l’usine du géant de l’agrochimie, dont la production est mise à l’arrêt, relate Paris Normandie. L’action est organisée par le syndicat agricole Confédération paysanne et par plusieurs organisations écologistes (Soulèvements de la Terre, Faucheurs volontaires) et de malades (Cancer colère, Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest).

Cocktail de pesticides et rejets de PFAS

«Ce lieu incarne les dérives et l’impunité persistantes de l’industrie criminelle des pesticides», dénoncent les associations dans un communiqué. Elles listent les griefs reprochés à BASF : «Fabrication de substances hautement toxiques interdites en Europe, rejets massifs de polluants éternels dans la Seine, augmentation des cas de cancers chez les riverain·es, et lobbying brutal pour imposer un modèle agricole qui empoisonne les sols et les travailleurs et travailleuses de la terre.»

Considéré comme l’un des plus gros groupes chimiques au monde, BASF possède plusieurs centaines de sites de production de pesticides, d’engrais ou encore de colorants à travers la planète. L’usine de Saint-Aubain-lès-Elbeuf est spécialisée dans la fabrication de substances actives d’insecticides et de fongicides – des pesticides contre les insectes et les champignons.

En plus de produire plus de 1 500 tonnes de pesticides par an, ce site est régulièrement épinglé pour ses rejets massifs de PFAS (ou «polluants éternels»), ces substances toxiques persistantes dans l’environnement. En mai 2024, il a rejeté dans la Seine – en une seule journée – un niveau record en France de 87 kilogrammes de TFA – une molécule moins toxique que les autres PFAS, mais suspectée de provoquer des effets délétères sur le foie et la reproduction.

«Les PFAS et les pesticides posent un problème majeur de santé publique», alertent les 500 manifestant·es (selon les organisateur·ices) présent·es sur place. En plus des «cancers pédiatriques»«maladies neurodégénratives» et «troubles hormonaux» dénoncés dans le communiqué, les collectifs rappellent que «l’intensification de l’utilisation des pesticides constitue la première cause du déclin massif des oiseaux et des pollinisateurs, compromettant la fertilité des sols et la régulation naturelle des écosystèmes».

«Colonialisme chimique»

Selon plusieurs médias, des manifestant·es ont réussi à s’introduire à l’intérieur de l’usine. «Nous avons fait une inspection des stocks afin de récupérer des preuves supplémentaires de la fabrication et du stockage de pesticides interdits», confirment les organisateur·ices. Les associations recherchent notamment du Fipronil, un insecticide interdit dans l’agriculture en France et dans le reste de l’Union européenne pour ses impacts sur les abeilles.

Thomas Gibert, porte-parole de la Confédération paysanne, lors du blocage de l’usine BASF près de Rouen. © DR

Sur son site Internet, BASF assume pourtant de continuer à produire cette substance nocive pour l’exporter dans des pays où elle reste autorisée : «principalement aux marchés brésiliens (canne à sucre, soja), nord-américain (termites), japonais (riz) et européens». Malgré une loi de 2022 interdisant cette pratique, les géants de l’agrochimie utilisent une faille dans le texte pour continuer à produire et à exporter depuis la France plusieurs milliers de tonnes de pesticides interdits dans l’Union européenne. En juin dernier, une action militante dans l’usine BASF de Genay (Rhône) avait déjà identifié du Fastac – un pesticide interdit dans l’Union européenne depuis 2021 –, conduisant à une inspection des services de l’État.

Les associations dénoncent un «scandale planétaire» et un «colonialisme chimique» : «Depuis le territoire français, BASF continue impunément de produire des substances interdites en Europe et de les exporter, notamment vers le Brésil où elles provoquent des dégâts humains et écologiques massifs.» Elles font notamment le lien avec les accords de libre-échange, comme celui entre les pays sud-américains du Mercosur et l’Union européenne (notre article), qui facilitent «l’importation de produits agricoles contenant des résidus de ces substances dans l’UE, créant un cercle vicieux de contamination globale».

Les collectifs présents sur place appellent à une «réorientation immédiate des politiques publiques agricoles», à une «reconnaissance élargie des maladies professionnelles et des réparations pour les victimes», ou encore à «un revenu digne et des prix minimums garantis pour les productions respectueuses de la santé et des sols».

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