Pas lavabo à voir. Cette semaine, le rédacteur en chef de Vert revient sur les récentes révélations à propos de la pollution de l’eau du robinet aux PFAS et aux pesticides. Il s’est penché sur les solutions qui existent dans le commerce pour la filtrer chez soi. Mais fonctionnent-elles vraiment ? Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 12 février 2025.
Mathieu Vidard : Loup, vous en faites une tête ?
C’est parce que j’ai super soif. Je n’arrête pas de lire des articles qui racontent comment toute notre eau est contaminée aux «polluants éternels» [on vous explique tout ce qu’il faut savoir sur ces derniers, juste ici, NDLR], alors j’ai adopté une solution qui vaut ce qu’elle vaut : je ne bois plus une goutte d’eau.
Je ne suis pas sûr que ce soit tenable sur la durée, Loup…
Vous croyez ? Bon, allez Cyril [Dion], passe-moi cette gourde pleine de PFAS [pour substances per- et polyfluoroalkylées, les fameux «polluants éternels», NDLR] qu’on en finisse. Plus sérieusement, dans un excellent article à lire sur Vert, ma collègue Mathilde Picard a fait le tour des solutions à notre portée.
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D’abord, vous pouvez vérifier si l’eau de votre commune est polluée aux pesticides et à d’autres polluants sur le site du ministère de la santé. Le problème, c’est il faut un bac +12 en chimie pour comprendre les résultats. Et on n’y trouve pas les PFAS, qui ne seront pas recherchés de manière systématique avant 2026…
D’autres s’y sont essayés, comme les journalistes de France info, de France 3, celles et ceux du Monde et d’autres médias, qui ont récupéré ce qu’ils pouvaient comme données pour faire des cartes – forcément incomplètes – de la pollution aux PFAS.
Que peut-on faire chez soi pour boire une eau moins polluée ?
Face à ça, nous pourrions être tentés de boire de l’eau en bouteille… sauf qu’elle est très peu contrôlée (coucou Nestlé waters). Elle est pleine de microplastiques ; on y trouve aussi des résidus de pesticides ; et elle coûte une maxi-blinde.
Il y a aussi d’autres solutions, qui n’en sont pas vraiment, comme les perles de céramique. D’après 60 millions de consommateurs, il n’y a aucune preuve qu’elles fonctionnent contre les PFAS et les pesticides. De même concernant les bâtons de charbons végétaux : ils retiennent certains pesticides, mais pas les PFAS.
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Et, dans la catégorie «un peu moins pire», on retrouve les carafes filtrantes. Elles peuvent retenir certains PFAS, surtout si elles sont certifiées avec la norme NSF, mais elles coûtent cher, et celles qui parviennent à filtrer les plus petites particules retirent aussi les sels minéraux utiles à l’organisme. Idem pour les filtres à mettre sur le robinet, ils sont bien, mais pas pour tout, et surtout très chers.
Enfin, il y a la grosse Bertha : les filtres par osmose inverse, que l’on installe sous l’évier. C’est ce qui fonctionne le mieux, puisqu’ils retirent la plupart des PFAS et des pesticides. Pour autant, ces filtres retirent aussi les sels minéraux de l’eau, donc il faut des cartouches pour la reminéraliser. C’est aussi la solution la plus chère – ça coûte plusieurs centaines d’euros – et il faut ensuite se débarrasser du «jus de PFAS et de pesticides» sans le remettre dans la nature.
Notons qu’aucune de ces solutions ne permet d’arrêter les PFAS les plus petits, comme l’acide trifluoroacétique, le TFA.
Alors, comment fait-on ?
Aujourd’hui, les industriels font à peu près ce qu’ils veulent, on compte cinq usines de fabrication de PFAS en activité en France et près de 1 000 sites sérieusement pollués dans le plus grand des calmes.
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Pour les PFAS comme pour le reste, la solution est forcément collective et politique. Or, ça tombe bien, une proposition de loi du député écologiste Nicolas Thierry veut interdire la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, fart ou textile d’habillement qui contiendrait ces «polluants éternels». Après avoir été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat avant la dissolution de juin, elle revient en commission à l’Assemblée ce mercredi – un vote est attendu le 20 février. Hélas, dans cette nouvelle composition politique, son adoption ne tient qu’à un fil.
Allez, je vous propose qu’on compte là-dessus… et qu’on boive de l’eau.
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