On fait le point

Filtres, charbon… Quelles sont les bonnes (et moins bonnes) solutions pour boire de l’eau sans PFAS ni pesticides ?

100 filtres. Les révélations sur les polluants présents dans notre eau du robinet s’accumulent. Si l’eau reste l’aliment le mieux contrôlé en France, divers filtres à installer chez soi sont proposés sur le marché pour limiter la concentration de pesticides et de PFAS, ces polluants très persistants. Vert a fait le tour des solutions, et de leurs limites, pour boire une eau plus saine.
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Les PFAS (ou substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées) entrent dans la composition de plusieurs pesticides et de nombreux objets du quotidien (poêles, tissus imperméables…), d’où leur présence dans l’eau, issue des nappes phréatiques, de sources ou de nappes souterraines.

Ces substances sont souvent qualifiées de «polluants éternels», parce qu’elles sont particulièrement persistantes, dans l’environnement et dans le corps humain. Elles favorisent l’augmentation du taux de cholestérol ou les cancers, et peuvent avoir des effets délétères sur la fertilité et le développement du fœtus, sur le foie ou sur les reins. 

Plusieurs enquêtes récentes ont montré que la contamination aux PFAS est massive dans le monde et en Europe, comme l’a cartographié le Forever pollution project, cette vaste enquête dont font partie les journalistes du Monde, et qui révèle les 23 0000 zones les plus polluées sur le vieux continent. La décontamination totale de l’eau et des terres européennes coûterait jusqu’à 2 000 milliards d’euros sur vingt ans, d’après une enquête du Monde. Et la présence de pesticides est également très répandue et dégrade la qualité de l’eau potable, comme l’indiquait un rapport gouvernemental en novembre dernier.

Pour l’instant, aucune grande mesure politique à l’échelle européenne ou française n’a été mise en place pour limiter la pollution aux PFAS, ni celle aux pesticides. Dans l’attente d’un suivi plus détaillé de notre eau potable, de mesures ambitieuses des pouvoirs publics pour limiter la production de PFAS ou de la prise en charge de la dépollution par les industriels, quelles sont les solutions individuelles à notre disposition pour boire une eau plus saine ? Vert a fait le tour de la question.

Parmi les solutions disponibles sur le marché : des filtres à installer directement sur son robinet. © Gaëtan Gabriele/Vert

Vérifiez si l’eau que vous buvez est polluée

Lorsque l’eau coule de notre robinet, elle a déjà subi de nombreux traitements et contrôles. Avant de se doter d’un système de filtration, Benoît Barbeau, professeur à Polytechnique Montréal et spécialiste du sujet, conseille de vérifier «si vous êtes dans un environnement avec de hautes concentrations de perfluorés», c’est-à-dire les PFAS.

Pour connaître le taux de polluants présents dans votre eau, vous pouvez consulter les données publiques de votre région. Un rapport général sur la contamination aux PFAS, daté de 2011, est accessible dans la catégorie «Les substances émergentes dans l’eau du robinet», puis «Les composés fluorés».

Pour autant, il n’est pas aisé d’obtenir une carte de France actualisée de la contamination des eaux aux PFAS. Ces derniers ne seront obligatoirement contrôlés par les Agences régionales de santé (ARS) qu’en janvier 2026. D’ici là, vous pouvez vous référer aux enquêtes des associations et journalistes : la carte de France Info ou encore celle de Générations futures. Certaines ARS ont pris les devants, et tiennent d’ores et déjà compte des PFAS dans leurs analyses. C’est le cas de l’agence de l’Île-de-France, de celle du Centre-Val de Loire ou encore des Hauts-de-France.

Il manque toutefois l’analyse de la présence de certains résidus de pesticides, dont le TFA, le plus petit des «polluants éternels» (notre article).

L’eau en bouteille

✅ L’eau minérale contient un peu moins de polluants parce qu’elle vient de réserves plus profondes que l’eau du robinet.

❌ Elle est moins contrôlée et il est plus difficile d’avoir accès aux analyses de sa qualité que pour l’eau du robinet.

On y retrouve parfois des résidus de pesticides. Et les bouteilles regorgent aussi de microplastiques : 240 000 particules pour un litre en moyenne (notre article). Ces molécules peuvent détériorer le système immunitaire et hormonal, et sont associées à des risques cardiovasculaires accrus, selon une étude du New england journal of medicine.

En plus d’aggraver la pollution au plastique, elle est chère : «en moyenne 150 à 200 fois plus que l’eau du robinet», comme le rappelait à Vert Camille Wolff, chargé de campagne réduction de plastique pour l’ONG No plastic in my sea.

Les bâtons de charbon végétal

Ces solutions végétales, appelées aussi binchotan, sont à déposer au fond d’une carafe classique pendant plusieurs heures. Il s’agit de charbon issu de la carbonisation d’une variété de chêne et traditionnellement employé au Japon pour filtrer l’eau.

✅ Les charbons retiennent une poignée de pesticides.

❌ Ils ne retiennent pas les PFAS.

Les perles de céramique

Ces petites billes à mettre au fond d’un pichet d’eau sont constituées d’argile.

✅ Les perles de céramique servent avant tout à lutter contre le calcaire et le chlore. Dans un article paru l’été dernier, la revue 60 millions de consommateurs mentionne également qu’elles sont présentées comme enrichies «de microorganismes qui purifieraient l’eau en décomposant les substances dangereuses»

❌ Sauf qu’«aucune étude ne vient confirmer ces allégations», indique le média.

Les carafes filtrantes

La carafe, en plastique ou en verre, contient un filtre plus ou moins sophistiqué selon les modèles. «L’essentiel de la filtration est assuré par du charbon actif et des résines échangeuses d’ions», explique 60 millions de consommateurs. Ces résines sont de petites billes qui permettent de capter des PFAS et autres atomes de manière très sélective.

✅ Quelques modèles particuliers de carafes éliminent certains PFAS, lorsqu’ils sont dotés de filtres adaptés. Une étude canadienne a comparé les différents systèmes de filtration domestiques, mais aucune analyse française n’existe à ce jour.

Professeur à Polytechnique Montréal et co-auteur de cette étude, Benoît Barbeau explique à Vert qu’«un pichet standard élimine environ 20% des PFAS, tandis que ceux certifiés par la norme internationale NSF [développée par l’American national standards institute et la National sanitation foundation (NSF), NDLR] sont plus performants. Parmi eux, le Zerowater filtre à 96% ces molécules».

Selon une étude américaine de 2020, malgré les grandes différences d’efficacité selon les modèles de carafe, celles qui ont un filtre au charbon actif permettent, en moyenne, d’éliminer 50% des PFAS.

❌ Outre les polluants, les filtres les plus efficaces retirent aussi les sels minéraux utiles à l’organisme.

Le coût est important : environ 60 euros pour une carafe en verre et un peu plus de 70 euros pour un pack de cartouches filtrantes à installer à l’intérieur, pour six mois d’utilisation (le prix varie selon les marques).

Il faut veiller à changer les filtres régulièrement, en respectant la durée d’utilisation prescrite par le fabricant. Si le filtre est saturé, il peut relarguer les contaminants piégés, selon un avis de 2017 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). L’institution précise que les données «ne permettent pas d’évaluer l’efficacité réelle de toutes les carafes filtrantes commercialisées».

L’eau filtrée doit être consommée dans les 24 heures pour ne pas être contaminée par des bactéries.

Les filtres pour robinets

Certains systèmes permettent de fixer directement des cartouches de filtres au charbon actif sur son robinet.

«Les filtres au charbon actif en système de cartouche retiennent certains PFAS à chaînes [d’atomes] longues, comme le PFOA, reconnu pour sa toxicité, mais pas les PFAS à chaînes courtes, comme le TFA», explique à Vert Julie Mendret, chercheuse en traitement de l’eau à l’université de Montpellier.

Ils filtrent aussi la plupart des pesticides.

Comme pour les carafes, l’efficacité varie selon les modèles.

❌ Ils coûtent entre 50 et plus de 150 euros.

Benoit Barbeau souligne qu’«il faut vérifier que les systèmes soient certifiés par la NSF pour éliminer les PFAS, or peu d’entre eux le sont».

Ils ne filtrent pas les plus petits PFAS, comme le TFA.

Il faut veiller à changer les filtres régulièrement.

Les filtres par osmose inverse

Ce système, aussi utilisé dans les stations de traitement de l’eau, peut s’installer sous son évier. Il fait passer l’eau dans une série de filtres, puis à haute pression à travers une membrane très fine.

«Il élimine plus de 90% des PFAS», indique Julie Mendret «et est aussi efficace contre les pesticides».

❌ L’eau est tellement filtrée qu’elle perd ses sels minéraux bons pour la santé, comme le magnésium. Il faut donc la reminéraliser pour éviter les troubles gastriques. Certains fabricants proposent des cartouches qui rajoutent a posteriori ces sels minéraux dans l’eau.

Ces filtres coûtent plusieurs centaines d’euros et le filtre doit être changé une à deux fois par an.

Une fois l’eau filtrée, il reste une partie très concentrée en liquide pollué, dont il faudra se débarrasser, quitte à déplacer la pollution plutôt que de la supprimer.

La vraie bonne solution est politique

S’il peut être rassurant de traiter l’eau de son robinet, «il faut éviter de penser en silo», conseille Benoit Barbeau. Il rappelle que «l’exposition aux PFAS ne provient pas seulement de l’eau, mais aussi de l’alimentation, surtout dans les produits transformés, les vêtements ou ustensiles…»

Pour décontaminer massivement les sources d’eau, les associations et scientifiques réclament des actions préventives. Elles peuvent passer par la réduction de l’usage de PFAS, comme le suggère une proposition de loi étudiée à l’Assemblée le 20 février prochain. Les spécialistes soulignent aussi le besoin de traiter l’eau à grande échelle, en station, afin que tout le monde bénéficie de la même ressource.

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