La foule en liesse, drapeaux tricolores à la main, entonne un «On est chez nous !». Rien de surprenant, c’est un refrain habituel des raouts organisés par le Rassemblement national (RN). À la tribune, le président du parti, Jordan Bardella, promet la suppression de l’aide médicale d’État (AME), qui permet l’accès aux soins des étranger·es en situation irrégulière : «Les allocations familiales pour tout le monde, avec nous, c’est terminé.»
La scène se passe à Bordeaux (Gironde), dimanche 14 septembre. Jordan Bardella et la cheffe de file des député·es RN, Marine Le Pen, font leur rentrée politique et lancent la campagne de leur parti pour les prochaines élections municipales, les 15 et 22 mars 2026. Pour l’occasion, ils appellent à la dissolution, censée «sortir le pays de la crise politique».
«Dans quelques semaines, vous aurez le pouvoir, à travers nous, de participer au “Grand redressement”, a promis la cheffe des député·es frontistes aux 5 000 personnes massées dans le Palais 2 l’Atlantique, au nord de la cité girondine. Lorsque ce gouvernement [que Sébastien Lecornu doit encore nommer, NDLR] sera censuré, probablement dans quelques semaines ou quelques mois, vous serez à nouveau appelés aux urnes. Vous aurez le pouvoir de faire de Jordan [Bardella] votre premier ministre.»
Devant le slogan «Le changement n’attend plus !», affiché sur l’écran géant de la salle, Marine Le Pen dit vouloir «réconcilier les Français avec leur avenir et rebâtir la France». Un futur proche qui ne sera pas placé sous le signe de la lutte contre le réchauffement climatique. En deux heures de meeting, l’écologie n’est abordée que pour pourfendre les énergies renouvelables, les zones à faibles émissions (ZFE) ou l’objectif de zéro artificialisation nette des sols (ZAN). Des mesures que le parti à la flamme qualifie régulièrement d’écologie «punitive».
Ligne rouge sur l’énergie
En privé, Marine Le Pen explique faire de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – qui doit détailler les objectifs énergétiques pour les années à venir – une ligne rouge à ne pas franchir pour le prochain gouvernement, au même titre que le budget (qui a entraîné la chute du gouvernement Bayrou). «Un exercice dangereux» attend le nouveau premier ministre, Sébastien Lecornu. Le RN se dit vigilant dans sa lutte contre «l’affaiblissement de nos centrales nucléaires et le pourrissement du paysage» par les éoliennes ou les panneaux solaires.
Devant le Palais 2 l’Atlantique, un drapeau coincé dans la poche, Julien veut «qu’on arrête les éoliennes». Né en 1981, année de la mise en service de la centrale nucléaire du Blayais qui alimente la région, il voudrait «que l’on se concentre plutôt sur l’atome». Il a voté contre Jean-Marie Le Pen en 2002, pour Nicolas Sarkozy en 2007, puis pour François Hollande en 2012… et pour le Rassemblement national depuis 2017.
L’écologie du «bon sens»
Un peu plus loin, Eduarda, conseillère clientèle, est là «pour la sécurité et l’amour du pays» et souhaite aussi le «retour du nucléaire». Johanna, gendarme de 33 ans, «en a marre de se faire caillasser sans pouvoir rétorquer». Elle revendique ne pas être intéressée par l’écologie. À l’inverse, Louane, 20 ans, étudiante en sciences politiques, estime que le parti devrait «pousser un peu plus» sur le sujet. Tatiana, coiffeuse de 52 ans, pense la même chose. Elle aimerait «qu’ils en parlent un peu plus, même si ce n’est pas leur vision première».
Laure Lavalette, porte-parole du parti, assure à Vert que la question environnementale est une préoccupation majeure. «Vous parlez à une Varoise, où le feu est un cauchemar absolument terrible», assure la députée et probable candidate à la mairie de Toulon (Var). «Mais il faut prendre des mesures de bon sens, avance-t-elle. Toutes les normes écolo-dingos qui nous empêchent – parce qu’il y a un crapaud à un endroit, ou une coccinelle qui est protégée –, de faire des travaux qui nous permettraient de nous protéger, ça ne nous paraît pas du tout cohérent.»
Également interrogée par Vert, la vice-présidente du parti et députée de la Gironde Edwige Diaz assure que «la préservation de la biodiversité, les nichoirs à insectes, le recyclage, le choix des matériaux, notamment pour les cantines et la lutte contre le gaspillage alimentaire [sont] des thèmes auxquels nous sommes très sensibles». De simples éléments de langages : les eurodéputé·es RN ont voté contre le texte sur la protection de la biodiversité ou les restrictions sur les emballages en avril 2023 au Parlement européen.
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