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Le Premier ministre fait de grands discours qui ne seront pas d'un grand secours.


Sur l’écologie, Michel Barnier sort les grands mots mais pas les grands remèdes

Discours toujours. Le Premier ministre a présenté mardi sa feuille de route politique pour les mois à venir. Après quelques formules incantatoires sur la gravité de la crise écologique, il a enchaîné les contradictions et ouvert la voie à des reculs environnementaux.

Pour sa déclaration de politique générale, Michel Barnier avait promis de «dire la vérité» sur la dette écologique du pays. Il laisse finalement la désagréable sensation d’avoir trahi par omission. «On est plus inquiets maintenant qu’avant», résume ainsi Anne Bringault, porte parole du Réseau action climat, qui fédère plusieurs dizaines d’associations.

Mentionnée dès les premières minutes de son discours d’une heure trente, l’écologie a d’abord inspiré au Premier ministre des citations sages et profondes. Soit.
 

Faire plus avec moins

«La suite n’est que contradictions», désespère Anne Bringault. Tout en martelant que «nous pouvons et nous devons faire plus», le chef du gouvernement n’a pas levé les inquiétudes sur la baisse des moyens alloués à la transition écologique en 2025. 

Pire, en cinq minutes consacrées au climat, Michel Barnier a finalement instillé l’inquiétude chez les défenseur·ses de l’environnement. D’abord en stigmatisant les éoliennes, atout précieux de la transition énergétique mais bête noire de l’extrême droite, puis en poussant sans sourciller «la filière française des biocarburants pour l’aviation» malgré des impacts très controversés et un apport limité à la décarbonation de l’aérien.

© Assemblée nationale

Reculer pour mieux sauter ?

Au prétexte de «revitaliser la construction de logements», le Premier ministre promet de faire «évoluer» la réglementation Zéro artificialisation nette (ZAN), qui vise à limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers. Un nouveau gage à la droite et à l’extrême droite, vent debout contre cette mesure issue de la Convention citoyenne pour le climat.

Enfin sur la rénovation énergétique des bâtiments, il semble que l’interdiction (progressive) de louer des passoires thermiques soit dans son viseur. Les (riches) propriétaires-bailleurs apprécieront.

Au final, l’annonce de la reprise «immédiate» des travaux de planification écologique reste le rare motif de satisfaction. Pour rappel, alors que les pays de l’Union européenne se sont collectivement entendus dès avril 2021 pour rehausser leurs objectifs climatiques, la France est en rade et n’a toujours rien ancré dans sa loi. 

👉 Cliquez ici pour retrouver le décryptage d'Anne-Claire Poirier.

· Lundi, la Bolivie a déclaré «l’état de catastrophe nationale» après que des incendies ont ravagé l’équivalent de la superficie de l’Irlande, soit 7,2 millions d’hectares en une semaine. Ce statut doit permettre de faire parvenir de l’aide internationale et de débloquer des financements pour le département de Santa Cruz, particulièrement touché. Selon les autorités, la sécheresse actuelle facilite la propagation de ces feux de forêt. - Ouest-France

· Mardi, le Guardian a dévoilé l’empoisonnement de la rivière transfrontalière Desna en Ukraine. Le gouvernement suspecte la Russie d’y avoir rejeté des déchets chimiques, parmi lesquels de l’ammoniac et des nitrates toxiques. Des relevés scientifiques ont montré qu’il n’y avait plus d’oxygène dans le cours d’eau : tous les organismes qui y vivaient sur 650 km ont été tués et 44 tonnes de poissons morts ont été ramassées depuis début septembre. Les autorités dénoncent un écocide. - The Guardian

· Ce mercredi, la justice doit se prononcer sur le maintien, ou non, en prison du militant écologiste Paul Watson au Groenland. Une nouvelle audience pour le fondateur de Sea Sheperd, arrêté le 21 juillet à la suite d’un mandat d’arrêt international dans le cadre de sa lutte contre la chasse à la baleine. Le Japon réclame l’extradition du militant, mais la justice groenlandaise ne s’est pas encore prononcée à ce sujet. Pour comprendre le fond de l’affaire et les risques qu’il encourt, relisez notre article, et notre entretien avec la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali.

«Frontière»

Les glaciers en Berne. En fin de semaine dernière, la Suisse a approuvé son changement de frontière avec l’Italie à cause du dérèglement climatique. La fonte des glaciers dans les Alpes modifie depuis plusieurs années leur ligne de crête, utilisée pour marquer la séparation entre les deux pays. Si nous ne limitons pas le réchauffement climatique, de nombreux glaciers européens sont voués à disparaître d’ici la fin du siècle. Les glaciers suisses ont d’ailleurs subi une fonte massive cette année avec une perte de 2,5% de leur volume pendant l’été, a révélé le réseau de relevés glaciologiques Glamos, ce mardi. Et ce, alors que les glaciers ont connu un enneigement «exceptionnel» au cours de l’hiver passé. Liée aux fortes températures de juillet et août, la fonte demeure toutefois plus modérée que les années extrêmes de 2022 et 2023, où un volume record de 10% avait disparu.

Un sensible. Un contact direct et quotidien avec la nature pourrait être la clé pour intéresser le grand public aux politiques environnementales, démontre une étude du laboratoire d’idées La Fabrique écologique, publiée mardi. Cette hypothèse, que l’auteur et haut fonctionnaire Paul Klotz qualifie d’«éco-sensibilité», serait une alternative au seul discours scientifique, jugé nécessaire, mais «froid» et peu accessible. «Il est difficile de produire du changement sans comprendre l’enjeu, en particulier dans une société où abondance et consommation sont synonymes de liberté», observe Paul Klotz auprès de Vert. Alors que nous nous sommes progressivement éloigné·es du monde vivant, il s’agit, selon lui, de rétablir «un lien spirituel». «Ça ne veut pas dire faire des câlins aux arbres, plaisante l’auteur, mais plutôt s’immerger dans la nature pour se forcer à comprendre la crise écologique.» Il propose de commencer par recenser les oiseaux autour de chez soi. Et de «réhabiliter des friches», «organiser des classes vertes» ou mettre en place «un pass Nature», sur le modèle du pass Culture.

Le dessous des «warming stripes»

En bande colorisée. L’émission Le dessous des images sur Arte revient sur le succès des «warming stripes», cette frise chronologique à l’allure d’un code barre qui représente le réchauffement climatique. Créées en 2018 par le climatologue Ed Hawkins, ces bandes ont été arborées à de multiples occasions pour dénoncer la crise climatique, comme lors d’un défilé de la Fashion week à Londres en 2021 ou sur les tee-shirts de député·es écologistes à l’Assemblée nationale en septembre 2023.

© Arte

+ Mathilde Picard, Antoine Poncet, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.