Décryptage

Détention, extradition et protection des lanceurs d’alerte : les éléments-clés de l’affaire Paul Watson

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Ce mer­cre­di 4 sep­tem­bre, la jus­tice groen­landaise doit stat­uer si le mil­i­tant écol­o­giste Paul Wat­son reste ou non en prison, en vue d’une pos­si­ble extra­di­tion vers le Japon. Ce pays, dont la dureté du sys­tème car­céral fait l’objet de nom­breuses dénon­ci­a­tions, lui reproche des inci­dents sur­venus en 2010 entre son ONG Sea Shep­herd et un navire baleinier nip­pon. Vert a fait le point sur les élé­ments-clés du dossier avec William Bour­don, l’un des avo­cats du col­lec­tif de défense de Paul Wat­son.

Dans les prisons du Groenland

Paul Wat­son est détenu dans le ter­ri­toire autonome danois du Groen­land depuis le 21 juil­let dernier. Une arresta­tion qui inter­vient dans le cadre des pour­suites engagées par le Japon con­tre le mil­i­tant suite aux inci­dents sur­venus en 2010 (notre arti­cle) entre Sea Shep­herd et le navire baleinier Shonan Maru. Dans un grand entre­tien accordé à Vert, Lamya Essem­lali, la prési­dente de Sea Shep­herd France, revient en détail sur cet épisode chao­tique et déter­mi­nant.

L’audience de ce mer­cre­di 4 sep­tem­bre n’est pas con­sacrée à cette pos­si­ble extra­di­tion, réclamée par le Japon, mais exclu­sive­ment à son main­tien ou non en déten­tion. La déci­sion sur le fond du dossier – le mil­i­tant doit-il être extradé suite à la plainte du Japon pour les inci­dents de 2010 ? – sera ren­due plus tard, à une date incon­nue à ce jour. Mar­di 3 sep­tem­bre, le mil­i­tant écol­o­giste a été enten­du, notam­ment au sujet de ces images filmées lors des inci­dents de 2010 entre Sea Sher­perd et le Shonan Maru.

«La prob­a­bil­ité que Paul reste en déten­tion est très élevée puisqu’il y a plus de 12 ans, alors qu’il fai­sait déjà l’ob­jet de ces procé­dures lancées par le Japon et qu’il avait été arrêté en Alle­magne, Paul avait quit­té le ter­ri­toire. Le fait qu’il ait déjà quit­té un pays alors qu’il avait l’in­ter­dic­tion de le faire ne joue pas vrai­ment en sa faveur», souligne William Bour­don.

Une immense affiche pour la libéra­tion de Paul Wat­son, à Paris en août 2024. © Pao­la Breizh/Flickr

Quels pourraient être les recours en cas d’extradition ?

Depuis 2012 et l’édition d’un avis de recherche (on par­le de «notice rouge») par Inter­pol sur la demande de Tokyo, le Japon cherche à juger le mil­i­tant écol­o­giste améri­cano-cana­di­en pour les inci­dents de 2010.

Pre­mier scé­nario : le Dane­mark refuse la demande d’extradition. «Paul Wat­son sera alors libéré sur le champ, sans pos­si­bil­ité pour le Japon de remet­tre en cause cette déci­sion», pré­cise son avo­cat.

Sec­ond scé­nario : la demande d’extradition est accep­tée. «Cela créerait un très mau­vais précé­dent, anticipe William Bour­don. Dans un tel cas, tous les recours seront ini­tiés par sa défense pour deman­der, devant la Cour suprême danoise et la Cour européenne des droits de l’Homme, une sus­pen­sion et une annu­la­tion de l’extradition. Rap­pelons qu’en droit européen, il y a inter­dic­tion d’ex­trad­er quelqu’un vers un pays où il est men­acé de faire l’ob­jet d’une procé­dure inéquitable et où il pour­ra faire l’ob­jet de mau­vais traite­ments.» Les con­di­tions par­ti­c­ulière­ment dif­fi­ciles dans lesquelles sont main­tenus les pris­on­niers au Japon ont été régulière­ment mis­es en avant par les sou­tiens de Paul Wat­son, aujour­d’hui âgé de 73 ans.

Une menace pour tous les lanceurs d’alerte

Si l’extradition de Paul Wat­son deve­nait réal­ité, ce serait un sig­nal funeste envoyé par l’Europe au reste du monde. Plus aucun mil­i­tant écol­o­giste ne serait à l’abri. «Il y aurait un para­doxe fou à accepter cette extra­di­tion au moment où le droit européen pro­tège de plus en plus les lanceurs d’alerte, y com­pris quand ils sont désobéis­sants, y com­pris quand ils vio­lent la loi», souligne William Bour­don.

Ces dernières années, plusieurs lanceurs d’alerte ayant enfreint des juri­dic­tions nationales ont obtenu gain de cause. Ce fut par exem­ple le cas d’Antoine Del­tour, le compt­able français à l’origine des «Lux­em­bourg Leaks», ces révéla­tions sur le scan­dale de l’op­ti­mi­sa­tion fis­cale pra­tiquée dans ce pays. Ce fut aus­si le cas de l’informaticien fran­co-ital­ien Hervé Fal­ciani, dans l’af­faire des «Swiss Leaks», qui mit à jour un sys­tème glob­al de fraude fis­cale et de blanchi­ment d’ar­gent, orchestré depuis la Suisse par la banque HSBC. Ou encore celui d’une mil­i­tante fémin­iste Femen, qui avait mimé un avorte­ment dans une église parisi­enne.

«Paul Wat­son a con­tribué à dessiller les yeux de l’hu­man­ité sur la manière dont le Japon fait un bras d’hon­neur à l’ensem­ble des alertes des sci­en­tifiques et des oblig­a­tions mora­toires con­cer­nant la chas­se à la baleine, souligne William Bour­don. On peut espér­er que la très forte con­sci­en­ti­sa­tion des enjeux écologiques au Dane­mark ira dans le sens des intérêts de Paul».