· 1971 : la fin des essais nucléaires sur l’île d’Amchitka et la naissance de Greenpeace
Natif d’un village de pêcheurs de homards dans le New Brunswick, une province de l’Est du Canada, Paul Watson, né en 1950, vit au début des années 1970 à Vancouver, le grand port de l’Ouest du pays. Son quotidien alterne entre la fac et les petits boulots. Après avoir travaillé plusieurs mois en mer sur un navire norvégien, il participe à l’automne 1969 aux manifestations contre les essais nucléaires conduits sur Amchitka, une île située au large de l’Alaska. À cette occasion, il fonde avec d’autres manifestant·es, le comité «Don’t make a wave» («Ne faites pas de vague») : le groupe a alors l’idée d’affréter un bateau pour se rapprocher d’Amchitka et perturber les essais. C’est aussi au cours de cette campagne qu’émergera l’idée d’une mobilisation pour une «paix verte» – l’ONG Greenpeace est née. Conduite en 1971, l’action obtient la fin des essais nucléaires sur l’île.
· 1975 : à la rescousse des baleines face aux pêcheurs russes
L’une des premières campagnes en mer de la jeune ONG Greenpeace vise à protéger les baleines. En 1975, Paul Watson et ses coéquipier·es identifient un baleinier russe à 100 kilomètres des côtes californiennes. À bord d’un zodiac, le groupe cherche à se rapprocher du navire pour le dissuader de tuer les cétacés. Dans les eaux, un baleineau mort flotte dans son sang : Watson saute sur le cétacé pour prendre ses mesures. Un geste intrépide qui sera sa marque de fabrique pour tout le reste de sa carrière. Alors que le harpon russe touche une femelle, un grand mâle émerge pour défendre son groupe, passant tout près du zodiac. «J’ai une dette personnelle envers cet animal qui a choisi de ne pas nous tuer, se souvient Watson dans le documentaire «Paul Watson, une vie pour les océans» que lui a consacré Lesley Chilcott (à découvrir sur Arte). Ça a été un moment décisif pour moi. J’ai décidé de consacrer ma vie à la faune marine.»
· 1976–1977 : le sauvetage des bébés phoques et la fin de l’aventure Greenpeace
Massacrés pour leur fourrure blanche, les bébés phoques du Nord-Est canadien font l’objet d’une nouvelle campagne de Greenpeace à la fin des années 1970. Si Watson préconise de mettre de la peinture verte sur les animaux pour dissuader les chasseurs, c’est la solution du blocage qui est retenue par l’ONG : les militant·es se placent sur la banquise pour empêcher les phoquiers d’avancer. Au printemps 1977, Watson décide de passer à la vitesse supérieure en s’accrochant aux câbles qui permettent de remonter à bord des bateaux les peaux ensanglantées des bébés phoques. Plongé dans l’eau glacée à plusieurs reprises, Watson passe la nuit en hypothermie. Cette action conduite au péril de sa vie marque le point de rupture avec Greenpeace, qui la considère comme trop radicale. Watson décide de créer sa propre structure : Sea Shepherd, conçue comme «une ONG anti-braconnage» pour cibler les opérations illégales des fossoyeurs de la mer.
· 2002 : à la poursuite des découpeurs de requins au Guatemala
Après les baleines, la défense des requins est l’autre grande affaire de Watson. En 2002, alors que l’Ocean Warrior, le navire de Sea Shepherd, évolue au large du Costa Rica, il croise la route du Varadero, un navire immatriculé dans ce pays d’Amérique centrale et qui se livre à la pêche illégale d’ailerons de requin dans les eaux du Guatemala. Poursuivi par Watson et son équipe, les pêcheurs accuseront Sea Shepherd d’avoir voulu les tuer. Le Costa Rica engagera des poursuites judiciaires contre le militant et l’ONG. Le pays émettra aussi un mandat d’arrêt qui donnera lieu à l’arrestation de Watson dix ans plus tard en Allemagne. Pour échapper à l’extradition, le Canadien prendra la fuite, naviguant incognito dans les eaux du Pacifique Sud une bonne partie de l’année 2013.
· 2010 : l’opération «Waltzing Matilda» contre le baleinier japonais Shonan Maru
Sous la pression des mouvements de protection de la nature, un moratoire sur la chasse à la baleine est mis en place à partir de 1986 : il vise à suspendre toute chasse commerciale des cétacés dans le monde. Prétextant des campagnes de recherche scientifique, le Japon continue néanmoins de chasser ces animaux. En 2010, à bord d’un nouveau navire – le Bob Barker – et aidé du trimaran ultrarapide Ady Gil, piloté par le Néo-Zélandais Pete Bethune, l’équipe du Sea Shepherd tente une action contre le baleinier japonais Shonan Maru. Un choc violent a lieu entre le navire et le trimaran. À la suite de l’accident et de l’intrusion de Pete Bethune sur le baleinier nippon, Tokyo lance des poursuites judiciaires contre Sea Shepherd et Watson. Ces poursuites sont à l’origine de son arrestation et son placement en détention il y a maintenant deux semaines.
Aujourd’hui, à plus de 70 ans, Paul Watson entend continuer à mener son combat pour la sauvegarde des océans. En 2022, il a créé la fondation Capitaine Paul Watson, pour poursuivre ses voyages en mer comme autant d’alertes sur l’état des écosystèmes marins. Un peu partout dans le monde, des militant·es assurent la relève de Sea Sheperd, comme c’est le cas en France où l’ONG dirigée par Lamya Essemlali existe depuis 2006.