L'hebdo

Les gendarmes et les sécheresses

Chères toutes et chers tous,

🎥 Dans le cadre du festival Cinema for change du 11 au 16 avril, Vert vous convie à la projection du film Don’t look up mercredi 12 avril à 20h au Grand Rex (Paris). Celle-ci sera suivie d’un débat «Déni climatique et traitement médiatique ; quels liens de causalité?», animé par Vert, avec l’activiste Camille Etienne et l’essayiste Vincent Mignerot. Des places seront à gagner prochainement en nous suivant sur Instagram.


La sauvegarde de l’eau devient un véritable casse-tête et le plan du gouvernement a des trous dans la raquette.


Au menu du plan eau : petits gestes et technologies plutôt qu'un changement de mode de vie

Quoiqu'il en goutte. Alors que la sécheresse hivernale laisse déjà présager un nouvel été très sec, Emmanuel Macron a annoncé ce jeudi un «plan eau» censé réduire la pression sur cette ressource en raréfaction. Économies, agriculture et désaccords, voici un résumé des mesures dévoilées en trois points-clés.


Économies

La priorité avant l’été, c’est la so-bri-é-té pour préserver cette «ressource stratégique pour toute la nation». À moyen terme, les prélèvements d’eau doivent être réduits de 10% d’ici 2030 a annoncé le chef de l’Etat, alors qu’en 2019, un objectif de baisse de 25% en 15 ans avait déjà été acté lors des Assises de l’eau

Les citoyen·nes et les administrations sont incité·es à réduire leur consommation et à installer des récupérateurs d’eau. Autre objectif : réutiliser dix fois plus d’eaux de pluie et d’eaux usées en 2030.

Les moyens des agences de l’eau vont augmenter et la tarification progressive sera généralisée : si l’eau utilisée «pour boire, nous laver et pratiquer les usages domestiques» ne sera pas plus chère, on paiera davantage les mètres cubes supplémentaires.

À partir de 2024, 180 millions d'euros seront utilisés chaque année pour réduire les fuites d'eau du réseau, qui gaspillent 20% de l’eau potable en circulation.

Emmanuel Macron avant l'annonce du Plan eau, devant le lac de Serre-Ponçon, le 30 mars 2023. © Compte Twitter de l'Elysée

Agriculture

Alors que ce secteur représente 60% de la consommation d’eau en France, les agriculteur·ices qui s’installeront en bio ou dans une démarche agro-écologique «seront favorisé·es» promet le plan. Des aides subventionneront des diagnostics eau et sols, ou l’installation de systèmes d’irrigation plus économes, comme le goutte à goutte. Mais Emmanuel Macron n’a pas parlé de réduire les prélèvements d’eau : «on doit faire plus d’irrigation avec la même quantité d’eau, cela veut dire innovation, partage, meilleure organisation». Autrement dit, pas de sobriété pour l’agriculture ; les surfaces agricoles irriguées, qui représentent 7% du total aujourd’hui, devraient augmenter.

Côté énergie, industrie ou tourisme, peu de précisions. Un programme d’investissement pour adapter les centrales nucléaires au changement climatique et les faire fonctionner en circuit fermé a été évoqué. «Nous allons demander à chaque secteur un plan de sobriété d’ici à l’été», a balayé le chef de l’Etat. 


Désaccords

La Confédération paysanne (syndicat agricole minoritaire) n’a entendu dans le discours du président que des propositions qui «ne changeront pas grand-chose». Si France nature environnement salue «plusieurs bonnes nouvelles», la fédération remarque qu’il s’agit «pour l’essentiel des mesures déjà annoncées en 2019 à la suite des Assises de l’eau» et réclame que soit revu «en profondeur le modèle agricole»

«Aucune remise en cause des méga-bassines et de leur utilité!», a tancé l’ONG Oxfam alors que le président a évoqué de «nouvelles retenues qui devront être inscrites dans des projets de territoire concertés».

· Le week-end dernier, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans les Deux-Sèvres pour dénoncer la création d'immenses réserves d'eau, des méga-bassines, destinées à l'irrigation agricole. La mobilisation a donné lieu à des affrontements violents. Récit de ce week-end agité à lire sur vert.eco

· Les familles des deux manifestants anti-bassines dont le pronostic vital a été engagé à la suite de blessures infligées par un tir de LBD et une grenade à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), samedi dernier, ont porté plainte pour «tentative de meurtre» et «entrave aux secours». L’un des deux militants est sorti du coma jeudi. Des rassemblements en soutien aux blessés et contre les violences policières ont eu lieu devant les préfectures françaises ce même jour. - France bleu

· Lundi, les principaux opérateurs de transports (gares, métros et aéroports) et régies publicitaires ont signé une charte pour concrétiser leurs engagements en matière de sobriété énergétique. Ces exploitants promettent notamment d’éteindre les publicités lumineuses pendant la nuit à partir de 2024, un engagement jugé largement insuffisant pour plusieurs associations. - Vert

· Mercredi, l’ancien maire de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême, s’est présenté devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour dénoncer l’inaction climatique de l’État français. Selon lui, les manquements du gouvernement en la matière le touchent directement et représentent une «violation du droit à la vie» et du «droit à une vie privée et familiale normale». En 2021, l’élu écologiste avait fait condamner l’État français pour l’insuffisance de sa politique climatique. - Libération (abonné·es)

· Mercredi encore, les médias bretons Splann ! et Radio Kreiz Breizh (RKB), employeurs de la journaliste Morgan Large, ont annoncé que cette dernière venait de porter plainte pour le sabotage suspecté de sa voiture. Il y a deux ans, la journaliste d’investigation, connue pour ses enquêtes sur l’agro-industrie et les atteintes à l’environnement, avait déjà retrouvé une de ses roues de voiture déboulonnée. Elle s’était alors confiée à Vert dans un entretien.

Conteste à taire. Mardi, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé son intention de dissoudre Les Soulèvements de la Terre, la coalition écologiste qui a organisé la mobilisation de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) contre les méga-bassines. Dans une note transmise à la presse, le ministère décrypte le «rôle majeur» des Soulèvements de la Terre dans «le processus de radicalisation d’une partie de la mouvance écologiste». Le mouvement, qui regroupe près de 200 collectifs d’agriculteurs et associations, a dénoncé «une tentative crapuleuse […] de faire baisser l'attention sur les violences meurtrières qu'il a déchaînées contre les manifestant·es de Sainte-Soline». Notre article à lire ici.

· Le flouze du businessman. Figure de l’agro-industrie, Arnaud Rousseau va succéder à Christiane Lambert à la tête de la puissante Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Patron d’un géant de l’agroalimentaire, chef d’exploitation, maire, vice-président de la Chambre d’agriculture d’Île-de-France et président de lobby, cet homme aux multiples casquettes soutient le développement des OGM et l’exploitation des méga-bassines, ainsi que l’usage des pesticides. Notre portrait à lire sur vert.eco

· Fesneauménal. Jeudi, en visite au congrès du syndicat agricole de la FNSEA, le ministre de l’agriculture Marc Fesneau a annoncé sa volonté de revenir sur l’interdiction du S-métolachlore, un herbicide agricole très utilisé dans les cultures de maïs. Le 15 février, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avait engagé le processus d’interdiction à la vente ce pesticide suspecté d’être cancérigène. - Le Monde (AFP)

· Trotti niet ? Dimanche, les Parisien·nes se rendent aux urnes pour décider de l’avenir des trottinettes électriques en libre-service. À l’heure de l’urgence climatique et de l’effondrement de la biodiversité, il s’agit surtout de questionner la pertinence de ces engins dans un contexte où la mobilité urbaine doit être repensée. Un décryptage à lire sur vert.eco

© Giec / Traduction par Vert

On est tous futurs ? Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a mis en lumière l’évolution passée des températures d’année en année par rapport aux niveaux observés entre 1850 et 1900. Dans ce graphique tiré de son dernier rapport paru la semaine dernière (notre synthèse), les scientifiques explorent différents scénarios pour le futur basés sur des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre variés, allant de «très élevées» à «très basses». Ce graphique illustre aussi la façon dont les différentes générations pourraient être touchées par le dérèglement climatique. Dans tous les cas, les humains nés dans les années 2020 connaîtront des conditions climatiques bien plus difficiles que n’importe quelle autre génération avant eux.

· Ainsi fonds, fonds, fonds. Alors qu’en France, l’épargne salariale finance les énergies fossiles à hauteur de 26 milliards d’euros, des organisations professionnelles et environnementales appellent les salarié·es à demander la création de fonds «transparents, diversifiés et des gestionnaires d’actifs engagés». Un manifeste et une tribune signés l’ONG Reclaim Finance, le Mouvement impact France, les Collectifs, Pour un réveil écologique, le syndicat du Printemps écologique et le Centre des jeunes dirigeants. - Vert

· Crime de terre. Mercredi, les eurodéputé·es ont validé une position commune réclamant l’inscription de l’écocide – un crime délibéré contre la nature – dans le droit européen. Une avancée potentiellement inédite dans le droit de l’environnement. Des négociations vont désormais avoir lieu avec la Commission européenne et le Conseil (qui représente les gouvernements des États membres) en vue d’adopter un texte définitif. - Vert

· Un poster contre les imposteurs. Le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) présente les solutions les plus intéressantes pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et enrayer la crise climatique (notre décryptage). Nous avons résumé tout ça dans un poster en accès libre, relu et validé par des scientifiques. Cliquez ici pour le télécharger.

«Mon fantasme, c’est de faire ressentir des émotions liées à la nature et qu’à la fin de l’album, les gens se disent écolo»

Théo Le Vigoureux, dit Fakear, est un DJ électro à l’univers poétique qui prend sa source «dans la nature». Dans son dernier album, Talisman, il a invité la militante pour la climat Camille Etienne à poser sa voix sur le titre «Odyssea». À Vert, il raconte sa prise de conscience, son ancienne répugnance à être étiqueté «artiste engagé» et les racines de sa poésie qui plongent dans les films de Miyazaki. Un riche entretien sur vert.eco

Une saga pour raconter l’ère géologique des humain·es sur Terre

Mise en anthropocène. Dans cette nouvelle série de La série documentaire, France Culture reprend le fil de l’Histoire pour expliquer la place des hommes et des femmes dans le vivant. Avec beaucoup de pédagogie et de poésie, «Bienvenue dans l’anthropocène» part de la crise de la biodiversité pour nous amener à réfléchir à de nouvelles manières de vivre.

© France culture

+ Aurélie Delmas, Loup Espargilière, Anne-Claire Poirier, Lou-Eve Popper, Juliette Quef, Pierre Rouvière et Sanaga ont contribué à ce numéro