À déambuler dans la prairie où se tient le festival Terres du son, à Monts (Indre-et-Loire), on tombe sur une exposition assez singulière, à quelques mètres des deux grandes scènes. Ce projet interactif invite les festivalier·es à réfléchir à l’avenir de l’humanité et à explorer les émotions que le futur évoque. Une introspection plutôt inhabituelle en plein festival de musique, mais qui prend tout son sens à Terres du son. Depuis 20 ans, ce festival engagé tente de mêler la fête et la musique à une sensibilisation sur l’avenir de la planète. Pendant trois jours, l’événement qui se tient cette année du 11 au 13 juillet accueille quotidiennement quelque 15 000 festivalier·es.

«Par définition, un festival n’est pas écologique et nous sommes une industrie impactante, reconnaît d’emblée Julien Macou, chef de projet partenariat et développement durable, l’un des quatre salarié·es du festival à l’année. Mais cela peut servir de caisse de résonance pour sensibiliser le public et pour qu’ils emportent ces bonnes pratiques en dehors.»
Élément central de l’empreinte carbone d’un festival, derrière les déplacements du public et des artistes : l’alimentation. Terres du son a fait le pari de repenser l’offre proposée aux festivalier·es pour végétaliser la consommation. Concrètement, les stands de nourriture sont majoritairement végétariens, avec une seule offre carnée possible, à payer en supplément «L’année dernière, nous sommes passés d’une consommation carnée à 70%, à 70% de nourriture végétarienne», se réjouit Julien Macou.
Pour l’approvisionnement énergétique, le festival a noué un partenariat avec Enercoop, fournisseur coopératif d’électricité renouvelable, depuis trois ans. Résultat : tout le festival est alimenté par la coopérative, et notamment par un parc solaire situé à une trentaine de kilomètres du domaine. «Ce partenariat avec Terres du son nous permet de mettre en musique tous les aspects de la transition énergétique», sourit Simon Destombes, directeur général d’Enercoop Centre-Val de Loire.
«En festival, on a un rapport au temps différent»
Au-delà des aspects logistiques, Terres du son préfère travailler sur la question des récits qui entourent la transition. «Beaucoup de gros festivals se concentrent sur comment baisser l’empreinte carbone de l’événement – à raison –, mais on souhaite plutôt se poser la question de comment accompagner les festivaliers dans une démarche écoresponsable», souligne Julien Macou. Le festival collabore depuis trois ans avec un cabinet de psychosociologie sur la manière dont les festivals peuvent faciliter la transition écologique des individus. Un travail en lien avec l’Ademe (Agence de la transition écologique), qui devrait aboutir à un rapport publié à l’automne.

À l’orée de la forêt, un grand écovillage fait office de porte d’entrée pour l’ensemble des festivalier·es. Il est accessible à tous les publics gratuitement. Ce grand espace ombragé mélange une scène musicale gratuite, de nombreux stands d’associations, d’artisan·es ou de paysan·nes du coin, et des activités ludiques pour petits et grands.
Un lieu incontournable, qui s’inscrit pleinement dans la démarche de l’événement : «En festival, les normes sociales changent. On a un rapport au temps qui est différent», analyse Julien Macou, de Terres du son. Une bulle hors des préoccupations quotidiennes, qui laisse la place à la découverte. «Une personne a bien plus de chances de prendre le temps de s’arrêter sur un stand Greenpeace en festival que sur le chemin du travail le matin», ajoute-t-il.
Pour l’association de protection des mers Wings of the ocean, présente depuis quatre ans à Terres du son, c’est une manière efficace de faire de la prévention auprès du public. Le matin, les bénévoles de l’association ramassent des mégots sur le site des concerts. L’après-midi, elles et ils sensibilisent les passant·es sur leur stand de l’écovillage, et se déplacent aux abords des concerts en fin de journée pour échanger avec la foule. Ce samedi matin, elles et ils ont ramassé 3 500 mégots : «C’est peu, on est contents !», se réjouit Arthur, l’un des bénévoles. Le triste record de mégots ramassés est de 17 000 – pour les bénévoles, cet écart est la preuve que la prévention fonctionne.
Des actions écolos contre un pass à vie
Terres du son se distingue des autres festivals par un grand challenge, appelé le «Golden DD» – «golden», pour le golden retriever qui en est l’effigie, et «DD» pour «développement durable». Depuis plusieurs années, ce grand jeu propose une série de défis à réaliser. En échange, les participant·es peuvent remporter des lots, allant de t-shirts offerts à des billets pour la prochaine édition du festival. Le prix ultime, appelé le «golden ticket», est un pass à vie pour Terres du son.

Du blind test de chansons engagées à des ateliers de confection de bombes de graines, en passant par des quiz «Question pour un DD», le Golden DD sensibilise le public aux enjeux environnementaux et sociaux avec des challenges ludiques. À la manœuvre de ce projet, plusieurs étudiant·es de l’école d’ingénieur Insa Centre-Val de Loire (CVL), qui animent le stand tout au long du week-end.
Cette démarche de «gamification» – une approche pédagogique basée sur le jeu – «fonctionne particulièrement bien dans le contexte d’un festival. Le jeu permet de faire passer des messages sans faire la morale ni gâcher l’ambiance», décrypte Damien Dumont, chargé de l’entrepreneuriat à l’Insa CVL, qui pilote le projet auprès des étudiant·es bénévoles.
Nouveauté de cette année : les organisateur·ices du Golden DD ont apporté une rosalie (sorte de vélo à quatre roues) pour poursuivre la sensibilisation au-delà de l’écovillage. «Ça nous permet de nous déplacer et d’aller directement à la rencontre des gens sur le lieu des concerts pour leur proposer des activités. On va les chercher là où ils sont», explique Antoine, l’un des bénévoles de l’Insa CVL.
Le projet rencontre un certain succès, puisque le stand ne désemplit pas. Certain·es sont occupé·es par une partie endiablée de beer pong (avec de l’eau) entrecoupée de questions sur l’écologie, tandis que d’autres tentent leur chance au tirage au sort pour gagner le fameux pass à vie. Un petit garçon laisse pousser un cri : il vient de gagner un ticket gratuit pour l’année prochaine. «Les gamins adorent le fait que ce soit aussi ludique», rigole Antoine. Damien Dumont abonde : «Et, en plus, ils s’y connaissent vachement bien sur ces sujets, plus que leurs aînés. Ça donne de l’espoir pour la suite !»
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