Encore récemment, Xavier Jamet était directeur des affaires publiques de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) – le syndicat agricole majoritaire, connu pour ses positions productivistes. Depuis le 22 juillet, il a quitté ce poste pour rejoindre l’équipe de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, en tant que directeur de son cabinet. Ce transfert a été révélé par le média La Lettre il y a quelques semaines, puis Mediapart s’est penché sur le sujet.
Un choix qui pose question quant à l’indépendance du gouvernement face à l’influence des lobbies. D’autant plus après la séquence qui a suivi l’adoption le 8 juillet de la très controversée loi Duplomb, ardemment défendue par la FNSEA et l’exécutif. Une pétition réclamant son abrogation, lancée sur le site de l’Assemblée nationale, a rassemblé plus de deux millions de signatures (un record sur la plateforme) et lancé un véritable élan citoyen contre le texte.
Un choix qui «renforce l’emprise politique de la FNSEA»
«Cette nomination est une atteinte à la démocratie […], une preuve de plus que la FNSEA veut créer un État dans l’État pour protéger ses intérêts envers et contre la santé publique et les enjeux réels du monde paysan, mais aussi que le gouvernement ne cherche à nouer aucun dialogue ni ouvrir de débat sur les pesticides, s’est indignée Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer colère, auprès de Mediapart. La FNSEA verrouille son agenda au sein même du gouvernement, pour favoriser uniquement l’agriculture intensive et l’agrochimie.» Pour Yoann Coulmont, chargé de plaidoyer pour l’association anti-pesticides Générations futures, ce choix «renforce l’emprise politique de la FNSEA sur les instances de pouvoir».
Le cabinet de Sophie Primas justifie cette nomination par les liens de longue date entretenus par la ministre avec Xavier Jamet, qui a été son collaborateur au Sénat pendant plusieurs années. La porte-parole du gouvernement a en effet été députée, puis sénatrice (entre 2011 et 2024).
Saisie le 1er juillet, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) n’a vu «aucun souci» à la nomination du lobbyiste auprès de Sophie Primas, à condition qu’il soit exclu de «tout sujet lié à l’agriculture», a indiqué le gouvernement à Mediapart.
Pour l’exécutif, il ne faut voir aucun lien entre cette désignation et l’actualité liée à la loi Duplomb, puisque le recrutement de Xavier Jamet aurait été décidé il y a plusieurs mois, avant l’emballement citoyen et médiatique autour de ce texte controversé.
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