298 : c’est le nombre de candidatures reçues par l’université d’Aix-Marseille à la suite du lancement de son programme «Safe space for science» («un espace sûr pour la science»), début mars. À ce moment-là, de premières mobilisations de chercheur·ses se tenaient partout en France et ailleurs dans le monde, sous la bannière du mouvement Stand up for science («debout pour la science»). L’objectif : dénoncer les attaques de l’administration Trump contre la recherche aux États-Unis.

En parallèle, l’université d’Aix-Marseille a proposé d’accueillir une quinzaine de chercheur·ses victimes de coupes budgétaires, de censure et autres licenciements outre-Atlantique. Elle a indiqué dépenser environ dix millions d’euros pour faciliter l’intégration de ces scientifiques et l’aboutissement de leurs travaux. «Nous assistons à une nouvelle fuite des cerveaux. Nous ferons tout notre possible pour aider le maximum de scientifiques à poursuivre leurs recherches», a assuré Éric Berton, président d’Aix-Marseille Université (AMU).
Des profils variés et des facs prestigieuses
Parmi ces quelque 300 candidatures, 242 ont été considérées éligibles par l’université, dont 50% de femmes et 50% d’hommes, et une majorité de profils qualifiés d’«expérimentés». Ces scientifiques sont issu·es d’institutions diverses et reconnues, dont Yale, Columbia, Stanford ou encore la Nasa, indique AMU. Un tiers (32%) travaillent dans les sciences humaines et sociales, 28,5% dans les sciences de la vie, 16,5% dans les sciences de l’environnement et le reste dans d’autres disciplines (informatique, physique, mathématiques, etc.). Les candidatures sont examinées depuis mercredi 23 avril, avant des auditions dans le courant du mois de mai et l’arrivée des premiers profils retenus début juin.
Si l’université d’Aix-Marseille a été pionnière sur la question de l’accueil de scientifiques américain·es exilé·es, elle n’est pas la seule. L’université de Toulouse (Haute-Garonne), par exemple, a déjà annoncé l’arrivée d’une dizaine de chercheur·ses. Mais, alors que de nombreuses écoles et organismes de recherche sont dans une situation financière délicate, beaucoup attendent un accompagnement de la part de l’État pour concrétiser ces politiques d’accueil.
«Une volonté forte de les accueillir»
Pour renforcer cette dynamique, une proposition de loi a été déposée le 14 avril dernier par François Hollande, ancien président de la République redevenu député (socialiste). Elle vise à créer un statut de «réfugié scientifique» et à faciliter l’obtention d’un visa pour toute personne empêchée de poursuivre ses recherches à cause des décisions de l’administration Trump.
«Je veux que les scientifiques sachent qu’il y a en France une volonté forte de les accueillir», assure à Vert François Hollande, pour qui il s’agit aussi d’un enjeu national. «Si nous ne le faisons pas en France, d’autres pays le feront», prévient-il, soulignant l’importance stratégique de mener ces recherches en France ou en Europe.
«La science ne connaît pas de frontières. Elle est par nature un terrain d’échange et de collaboration. Chaque attaque contre un projet déclenche une onde de choc qui se propage à des milliers de kilomètres», a détaillé François Hollande dans une tribune dans Libération, co-signée avec Éric Berton, le président de l’université d’Aix-Marseille. «Protéger les scientifiques, c’est préserver les conditions de notre démocratie. La France doit se saisir de ce moment pour elle et pour le monde. Le rendez-vous est historique», peut-on également lire.
Un soutien financier nécessaire
Encore récente, cette proposition de loi n’a pas été inscrite à l’agenda de l’Assemblée nationale ou reprise par le gouvernement. Pour faire de la France une terre d’accueil pour ces scientifiques exilé·es, il faudra compter sur un soutien solide de l’État et accompagner les universités et les laboratoires. Le président de la République, Emmanuel Macron, a exprimé à plusieurs reprises son intention de favoriser l’arrivée de chercheur·ses américain·es. Des moyens suffisants seront-ils débloqués pour le faire dans de bonnes conditions ?
Alors que ce soutien financier peine à se concrétiser, le gouvernement a finalement lancé une plateforme intitulée Choose France for science («Choisis la France pour la science»), la semaine dernière. Son l’objectif est de permettre aux organismes de recherche et aux universités de demander un cofinancement de l’État pour accueillir des scientifiques exilé·es. En parallèle, Emmanuel Macron a promis de réunir la communauté scientifique française et européenne le 5 mai prochain lors d’un événement aux contours flous. L’enjeu : amorcer un élan collectif pour protéger la science face aux États-Unis.
Pour l’instant, cela n’a pas convaincu les membres du mouvement Stand up for science France, qui tancent des mesures largement insuffisantes. «Choose France for science, annoncé à grand bruit par le président de la République, est très loin d’être à la hauteur de ce que devrait être l’accueil des scientifiques menacés», lit-on dans un communiqué diffusé mercredi. Stand up for science attend des annonces fortes du gouvernement lors de l’événement du 5 mai pour «refonder un écosystème scientifique autonome, à l’abri des ingérences politiques et des dérives autoritaires». Le ton est donné.
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