Interdit en France depuis 2020, l’acétamipride, un puissant pesticide néonicotinoïde, a failli faire son retour dans nos champs avec la controversée loi Duplomb. Malgré le maintien in extremis de son interdiction pour les agriculteurs·ices français·es – après que le Conseil constitutionnel a partiellement censuré le texte contesté –, ce pesticide «tueurs d’abeilles» est encore présent dans de nombreux produits alimentaires importés, tels que les pêches et les noisettes. C’est loin d’être la seule substance potentiellement problématique pour la santé humaine qui finit dans nos assiettes.
Cet article est issu de la série Label Vert, une collaboration entre Vert et
Que Choisir.
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C’est quoi le problème ?
Selon des analyses réalisées par les autorités françaises en 2020 et 2021 sur plus de 5 000 aliments, la nourriture que nous consommons en France est contaminée par au moins 183 types de résidus de pesticides, rappelle l’association UFC-Que choisir. La présence de ces substances actives est globalement stable depuis une quinzaine d’années en France et en Europe, selon les données de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Dans son dernier rapport, en 2023, celle-ci révèle que 42% des denrées alimentaires vendues dans l’Union européenne contiennent au moins un résidu de pesticide.
Chaque année, l’Efsa analyse des milliers d’échantillons prélevés sur des produits de consommation courante. Ses chiffres servent aux associations et aux scientifiques pour leurs études. «Depuis les années 2000, nous avons à peu près toujours la même proportion de fruits et légumes dans lesquels on va trouver des résidus de pesticides, et ce, dans des quantités réglementaires, c’est-à-dire ne dépassant pas les valeurs toxicologiques de référence» (VTR), confirme Laurence Payrastre, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
Cette spécialiste des liens entre pesticides et santé redoute en revanche les dangers croissants et encore peu documentés de l’exposition à des cocktails de pesticides. Si la proportion globale d’aliments contaminés a peu évolué en 20 ans, le nombre d’échantillons contenant plusieurs substances actives a doublé. Aujourd’hui, un échantillon sur quatre est concerné, alerte l’association Générations futures.
«Dans un fruit ou un légume, il peut y avoir plusieurs pesticides. Par ailleurs, on consomme plusieurs fruits et légumes par jour, résume Laurence Payrastre. Est-on bien protégé avec les VTR actuelles, alors que ces valeurs sont établies substance par substance ? On essaie de répondre à cette question dans notre équipe, Toxalim.»
Que faire ?
Si les leviers d’action restent avant tout politiques (voir plus bas), certains réflexes alimentaires peuvent aider à limiter les risques à l’échelle individuelle. La consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique reste le moyen le plus efficace pour réduire l’exposition des consommatrices et consommateurs aux pesticides. «Si vous n’avez pas les moyens d’acheter du bio, préférez quand même manger des fruits et légumes à des aliments gras, salés ou sucrés, ou des produits ultra-transformés», insiste Laurence Payrastre. En effet, même si l’on retrouve surtout des pesticides dans les fruits et les légumes non transformés, «il ne faut pas éloigner les gens d’une alimentation riche en végétaux», plaide-t-elle. Dans ce cas, le lavage et l’épluchage permettent de réduire efficacement les niveaux des pesticides de contact.
Quels sont les aliments les plus exposés… et ceux qui en contiennent le moins ?
Autre solution : sélectionner les produits en fonction de leur risque d’être contaminés. Par exemple, tous les céleris non-bios testés contiennent au moins un résidu de pesticides. La fréquence de contamination du céleri est donc de 100%. C’est ce que propose l’UFC-Que Choisir avec son Observatoire des pesticides, conçu «pour aider les consommateurs à identifier les aliments pour lesquels le bénéfice individuel à passer en bio semble le plus important». 63 espèces végétales différentes, contaminées par au moins un résidu de pesticide, sont répertoriées. Parmi les plus exposées, on retrouve donc le céleri, mais aussi la cerise, le chou de Bruxelles, la pêche ou encore le pamplemousse. Pour ces produits, il vaut mieux privilégier le bio. À l’inverse, le topinambour, les graines de lin, le chou-fleur et la betterave sont rarement concernés par la présence de résidus de pesticides.
Il est aussi judicieux de se pencher sur la liste de produits non transformés et transformés avec plusieurs résidus différents, afin de se prémunir de l’effet cocktail. Selon le dernier rapport de l’Efsa, les produits non transformés avec le plus de résidus multiples sont les poivrons, les oranges, les fraises, les mandarines, les poires et les cerises. Pour les produits transformés, il s’agit des raisins secs, du vin rouge et de la farine de blé. Là encore, le bio est à privilégier.
L’urgence d’une action politique
«Si l’on mange moins de pesticides, on a moins de risques de développer des pathologies», souligne Laurence Payrastre. Pour éviter que les consommatrices et consommateurs portent seuls la charge mentale de leur alimentation, et parce que l’action individuelle n’a qu’une portée limitée, une action au niveau politique est nécessaire.
«Cela fait assez longtemps que les scientifiques s’accordent à montrer que les pesticides sont des produits délétères pour la santé, chez le professionnel ou chez le consommateur», appuie la spécialiste. Elle n’a pas été étonnée par la récente condamnation de l’État français par la cour administrative d’appel de Paris : début septembre, la justice a ordonné à la France de revoir ses procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides.
Une bonne nouvelle sur le front judiciaire qui doit être complétée par un travail sur le temps long avec les agricultrices et agriculteurs pour les accompagner vers une réduction des pesticides. C’est que font déjà des collectivités locales comme Eau du Grand Lyon (notre reportage).
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Ils sèment très fort. Depuis deux ans, la régie publique Eau du Grand Lyon, en charge de la production et de la distribution d’eau potable, propose à des agriculteur·ices volontaires d’essayer des alternatives aux intrants chimiques. Une démarche préventive pour tenter de réduire les pollutions à la source.