COP départ. La 27ème conférence des Nations unies pour le climat, qui s’ouvrira dimanche à Charm-el-Cheikh, en Égypte, sera l’occasion pour les États présents de concrétiser les engagements pris l’année dernière à Glasgow (Écosse) et de sanctuariser le principe des « pertes et dommages ».
Guerre, crise énergétique… Une COP qui s’ouvre dans un contexte particulier
Cette COP (pour « Conférence des parties » — les sommets mondiaux des Nations unies), la 27ème dédiée au climat, est la première à se dérouler en Afrique depuis six ans. Ce qui lui donne une importance symbolique, puisque de nombreux pays africains sont déjà durement touchés par le dérèglement climatique et réclament l’aide financière des pays du Nord. Cette COP se déroule dans un contexte compliqué de crises énergétique et alimentaire dans de nombreux pays du Sud (Vert). La guerre en Ukraine génère d’importantes tensions géopolitiques et a bloqué plusieurs espaces de multilatéralisme essentiels dans les négociations climatiques ces derniers mois (The Conversation).
L’année 2022 aura aussi été marquée par de nombreuses démonstrations du dérèglement climatique partout dans le monde — des incendies et sécheresses en Europe aux vagues de chaleur en Chine, en passant par les méga-inondations au Pakistan ou au Nigeria. « Cette COP27 doit permettre de répondre aux impacts concrets du changement climatique, que l’on vit désormais tous les jours », estime Aurore Mathieu, responsable des politiques internationales au Réseau action climat (RAC), qui fédère 27 associations environnementales.
Les États priés d’améliorer leur copie
À la COP26 de Glasgow (Écosse), en 2021, les États s’étaient donnés un an pour accroître leurs efforts, en révisant leurs engagements individuels, appelés Contributions déterminées au niveau national (CDN). Objectif : respecter l’objectif de l’Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement « bien en dessous » de 2°C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Jeudi dernier, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) s’est inquiété de l’état des engagements actuels des pays du monde. S’ils étaient respectés, ceux-ci nous mèneraient vers un réchauffement « catastrophique » de +2,6 °C d’ici à la fin du siècle. Loin de décroître, les émissions de gaz à effet de serre (GES) pourraient augmenter de 10,6 % en 2030, par rapport à 2010. Seules 24 nouvelles feuilles de route, sur les 193 parties de l’Accord de Paris, ont été soumises cette année — un nombre « décevant », juge Simon Stiell, secrétaire exécutif de l’ONU-Climat.
L’accord signé à la COP26 (notre décryptage) soulignait la nécessité de diminuer l’usage du charbon et les subventions aux énergies fossiles. Un engagement bouleversé par la guerre en Ukraine et la crise énergétique, qui ont entraîné un recours accru aux fossiles, dont le charbon. Fin septembre, Wael Aboulmagd, le représentant spécial de la présidence égyptienne de la COP27, a enjoint les dirigeants mondiaux à « ne pas utiliser la situation géopolitique actuelle comme un prétexte pour revenir en arrière ».
Trouver les 100 milliards de dollars promis par les pays riches
En 2009, à la COP15 de Copenhague (Danemark), les pays développés s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an dès 2020 pour aider les pays du sud à se développer de manière plus verte et à s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique. Hélas. En 2022, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déterminé que ces financements avaient atteint 83,3 milliards de dollars en 2020. La présidence britannique de la COP26 estime que cet objectif pourrait être rempli dès 2023.
Un des enjeux de la COP27 sera donc de concrétiser les promesses de paiement pour atteindre les 100 milliards le plus rapidement possible et restaurer la confiance entre les pays du Nord et du Sud. D’autant que la qualité de ces financements reste en question, puisqu’une grande partie est versée sous forme de prêts et non d’aides. 20 % des financements publics déclarés sont des subventions, contre 80 % de prêts et autres instruments, a estimé l’ONG Oxfam dans un rapport en 2020. Un rééquilibrage du ratio entre la part de dons, subventions et aides directes, et la part de prêts, serait nécessaire pour ne plus maintenir les pays du Sud dans une situation d’endettement et de dépendance, souligne Guillaume Compain, chargé de campagne climat et énergie pour Oxfam. Il est essentiel que ces financements climat augmentent et qu’ils mettent davantage l’accent sur les politiques d’adaptation, qui permettent aux populations d’anticiper les dégâts des bouleversements du climat et de réduire leur vulnérabilité face à ces derniers.
Mettre la question des pertes et dommages en haut de la pile
Les pertes et dommages désignent les dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique. Ils sont causés par des événements extrêmes (cyclones, inondations, etc), ou des processus à long terme (montée du niveau de la mer, assèchement des ressources en eau, etc). Depuis 1991, les pays les plus vulnérables au changement climatique (les États insulaires du Pacifique en tête) réclament une aide de la communauté internationale pour faire face à ces événements. Un sujet qui a longtemps peiné à se hisser en haut des priorités des négociations; les pays développés refusant d’ouvrir la voie à la création d’un mécanisme de financement partagé des pertes et dommages — ce qui signifierait la reconnaissance de leur responsabilité dans la crise climatique.
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Cette digue a commencé à sauter l’année dernière avec l’annonce de contributions (dérisoires, mais existantes) de la part de l’Écosse et de la région wallonne (Belgique) lors de la COP26. Fin septembre 2022, le Danemark a annoncé une enveloppe de 13 millions de dollars consacrée à la réparation des pertes et dommages. Cette année, l’Union européenne et les États-Unis se sont déclarés favorables à la discussion au sujet de ces réparations. Reste à voir si les dirigeants mondiaux parviendront à un accord sur la manière d’opérationnaliser le paiement de ces pertes et dommages, et pas seulement sur leur nécessité.
Assurer le respect des droits humains
L’année dernière, les négociateur·rices se sont accordé·es sur la mise en place de marchés du carbone, permettant aux États ou à des acteurs privés de s’échanger des crédits carbone (des « droits à émettre du CO2 »). Un mécanisme qui entraînera la multiplication de projets de compensation carbone (plantation d’arbres, préservation de forêts, etc), en particulier dans les pays du Sud où ils coûtent moins cher. Cette situation ouvre la voie à des violations des droits humains liées à l’accaparement de terres de communautés locales (notre décryptage).
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Les ONG réclament la mise en place de garde-fous sous la forme d’un mécanisme de plainte pour permettre à ces communautés de mener des recours ou d’obtenir des réparations. D’aucuns veulent faire des droits humains une priorité dans les négociations autour des marchés carbone. « Nous demandons à ce qu’aucun projet de compensation carbone ne voit le jour avant la mise en place opérationnelle de ce mécanisme de plainte », réclame Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer pour l’ONG CCFD-Terre solidaire, au nom des associations du RAC.
Préparer le terrain à une COP15 sur la biodiversité réussie
Particularité de la COP27 : elle se déroule un mois seulement avant l’ouverture de la 15ème Conférence des Nations unies (COP15) sur la biodiversité à Montréal (Canada). Un rendez-vous majeur qui doit aboutir à la conclusion d’un accord ambitieux pour protéger et restaurer la biodiversité d’ici à 2030. Une attention particulière des dirigeants sur les questions de biodiversité et leur interdépendance avec les enjeux climatiques, notamment à travers le principe des « solutions fondées sur la nature » (comme la préservation des forêts pour qu’elles jouent leur rôle de puits de carbone), serait un fort signal symbolique en amont de la COP15 biodiversité.
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