Les images du président britannique de la COP26, Alok Sharma, en larmes au moment de clore le sommet, ont déjà fait le tour du monde. « Profondément désolé » de la manière dont se sont achevées les négociations, celui-ci s’est justifié ainsi : « il était vital de protéger cet accord ». Cet accord, c’est le « Glasgow climate pact », signé, samedi soir, par l’ensemble des 196 membres de la 26ème conférence des parties (COP26) des Nations unies sur les changements climatiques.
La sortie des fossiles, tranquille
Pour la première fois dans une COP, le texte mentionne les énergies fossiles, principale cause du réchauffement. Une première version de l’accord promettait d’accroître les efforts vers la « sortie » du charbon et des subventions « inefficaces » aux énergies fossiles. Mais, en dernière minute, la Chine et l’Inde ont obtenu de remplacer « sortie » par « diminution », amoindrissant fortement la portée du texte, et provoquant les larmes d’Alok Sharma.
Ci-gît l’objectif de 1,5°C
Alok Sharma l’a assuré, ce nouvel accord permet de « garder en vie » l’objectif de l’accord de Paris de maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C d’ici la fin du siècle. Or, selon les dernières estimations faites par le Climate action tracker, les engagements individuels (NDCs) et les politiques menées par les Etats mettent toujours la planète sur la voie d’un réchauffement calamiteux de 2,7°C. Les Etats se sont promis de mettre à jour leurs NDCs dès 2022 au lieu de 2025.
L’objectif de 1,5°C devient « un peu plus chimérique chaque jour », a jugé le chercheur spécialiste des migrations et membre du Giec, François Gemenne, sur France 5. Il a dénoncé les « satisfecits », et a étrillé un accord « très mauvais », dont « la seule consolation, c’est que ça aurait pu être encore pire ». Pour atteindre cet objectif, des chercheurs avaient récemment estimé que 90% du gaz et 60% du pétrole devraient rester dans le sol.
Les pays du Sud laissés pour compte
La COP26 aura encore aggravé la fracture entre Nord et Sud. En 2009, les pays riches avaient promis de verser 100 milliards de dollars par an (à partir de 2020) aux pays en développement pour leur permettre de s’adapter au bouleversement du climat, une promesse toujours pas honorée à Glasgow.
C’est le corollaire de l’adaptation : la réparation des « pertes et dommages » — les dégâts irréversibles déjà causés par la multiplication des catastrophes liées au climat – était au cœur des négociations. Elle a été balayée d’un revers de main, notamment par l’Union européenne et les Etats-Unis. Les pays industrialisés, qui ont causé la majeure partie du réchauffement en raison de leurs émissions historiques, craignent de se voir tenus pour responsables et attaqués devant des tribunaux. Les dirigeants se sont donnés deux ans pour « discuter d’arrangements » sur les pertes et dommages. « Proposeriez-vous à quelqu’un qui est en danger de mort de venir l’aider, mais seulement d’ici deux ans ? », a tancé Fanny Petitbon, responsable du plaidoyer pour l’ONG Care France.
Seul point positif, l’Ecosse et la Wallonie ont respectivement promis deux millions de livres et un million d’euros pour la réparation des pertes et dommages. Un montant dérisoire, mais qui brise un « tabou », des mots de Fanny Petitbon.
Les marchés du carbone, porte ouverte au greenwashing
Les négociateur·rice·s ont trouvé une entente au sujet de l’article 6 de l’accord de Paris, qui devait fixer un cadre à deux types de marchés du carbone : l’un pour les Etats, l’autre pour les acteurs privés (notre article à ce sujet). Ces marchés doivent permettre de s’échanger des crédits carbone (sortes de « droits à émettre ») et de réduire, in fine, les émissions. Parmi les points positifs : le double comptage des crédits, qui étaient comptabilisés à la fois dans le pays accueillant un projet de baisse des émissions de CO2 et dans celui qui le finançait, est interdit. Mais ces marchés consacrent le principe de la compensation carbone, permettant notamment aux entreprises les plus polluantes de continuer à émettre, en « compensant » leurs émissions plutôt qu’en les réduisant à la source (notre article sur ce sujet crucial de la COP26).
Des coalitions sans ambition
Lutte contre la déforestation, fin du financement des projets fossiles à l’étranger, réduction des fuites de méthane… Outre les négociations formelles, la COP26 fut l’occasion de l’annonce de nombreuses coalitions à plusieurs Etats, régions et entreprises, sur une foule de sujet. Mais celles-ci ont parfois consisté en un agrégat de sommes déjà promises auparavant et/ou ont omis de définir un calendrier, ou des mesures précises.
Les nombreuses organisations qui représentaient la société civile à la COP26 ont unanimement critiqué l’accord obtenu à Glasgow. Une « trahison » de la part des pays riches, qui ont « une nouvelle fois démontré leur manque total de solidarité et de responsabilité dans la protection de ceux qui souffrent des pires impacts du climat », a tancé Tasneem Essop, directrice générale du Réseau action climat international (CAN), fort de quelque 1 500 ONG.