Revers à moitié vide. La présidente de Vert s’est penchée sur deux informations qui ont marqué l’actualité de l’écologie cette semaine : le contournement du débat sur la loi Duplomb et la reprise du chantier de l’A69. Deux nouvelles qui ne donnent pas franchement envie de sabrer le champagne. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 28 mai 2025.
Mathieu Vidard : Juliette, aujourd’hui, vous nous parlez d’une série de reculs pour l’environnement. Que se passe-t-il ?
Oui Mathieu, nous ne sommes que mercredi, et la semaine est déjà sacrément plombante.
Tout a commencé lundi, à l’Assemblée nationale, avec une manœuvre inédite pour contourner le débat démocratique.
Ce jour-là, la proposition de loi dite Duplomb, du nom du sénateur qui la porte et qui vise à «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur», est arrivée dans l’hémicycle pour être débattue.
C’est un texte controversé qui fait la part belle à l’agriculture intensive, prévoit de réintroduire des néonicotinoïdes «tueurs d’abeilles», d’augmenter la taille autorisée des élevages, et de faciliter l’installation de projets de stockage d’eau. Bref, pas franchement aligné avec l’urgence d’une transition agroécologique en France.
Eh bien, après seulement une heure et 26 minutes de débat, le texte a subi une motion de rejet, votée de concert par le camp présidentiel, la droite et l’extrême droite. Une motion de rejet qui vise à mieux le faire adopter !
Cette procédure méconnue du grand public a été sortie du chapeau au cours du week-end pour éviter de discuter les 3 500 amendements déposés, en majorité par Les Écologistes et la France insoumise, accusés d’empêcher le vote de la loi.
Résultat : le texte arrivera, sans débat, en commission mixte paritaire – vous savez, ce petit groupe composé de sept députés et sept sénateurs censés s’entendre sur le texte. Et cela pourrait le faire pencher du côté de la version du Sénat – qui a déjà détricoté un maximum de mesures environnementales.
Et les agriculteurs se sont mobilisés pour défendre cette proposition de loi ?
Quelque 150 agriculteurs et huit tracteurs étaient rassemblés lundi devant l’Assemblée nationale pour soutenir le texte. Ils répondaient à l’appel de la FNSEA, principal syndical agricole, et de son allié Les Jeunes agriculteurs, qui défendent ardemment cette proposition de loi.
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Contrairement à l’image qui est donnée dans beaucoup de médias, tous les agriculteurs ne veulent pas de tels reculs environnementaux, notamment parce que l’usage de pesticides affecte au premier chef leur santé et celle de leur famille.
Au passage, 37% des amendements déposés par les parlementaires en dehors de la gauche répondaient à des demandes directes de la FNSEA, d’après une enquête de Politis et Data for Good – un lobbying d’une intensité rare. Avec la bénédiction de la ministre de l’agriculture Annie Genevard, qui voit les pesticides comme des «médicaments des plantes».
Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule…
Ce matin, on a appris que les travaux de l’autoroute A69 censée relier Toulouse et Castres allaient reprendre.
La cour administrative d’appel de Toulouse a tranché : le chantier peut redémarrer – du moins en attendant que l’affaire soit jugée sur le fond, d’ici quelques mois.
Petit retour en arrière : il y a trois mois, le tribunal administratif de Toulouse avait mis un sérieux coup d’arrêt au projet, en annulant son autorisation environnementale. Résultat : les tractopelles avaient dû s’arrêter net. L’État avait aussitôt fait appel de cette décision, en demandant la reprise temporaire des travaux, le temps que la cour d’appel se prononce.
Pour Alain Hébrard, membre du collectif La voie est libre, cette reprise des travaux : «C’est un déni du droit et une énorme atteinte au droit environnemental.»
Les opposants à l’A69 ne comptent pas en rester là : ils ont annoncé qu’ils allaient saisir le Conseil d’État pour contester ce sursis à exécution. Mais cette procédure ne sera probablement pas examinée avant un an. En parallèle, le jugement en appel sur le fond du dossier – celui qui dira si le projet peut vraiment se faire ou non – ne devrait pas tomber avant plusieurs mois.
Et je laisse le mot de la fin à Dorian Guinard, maître de conférences en droit public à l’Université Grenoble-Alpes, spécialiste du droit de l’environnement. Il dit ceci, qui pourrait s’appliquer aux deux nouvelles : «Le perdant, comme d’habitude, c’est la biodiversité.»