Entretien

«Il n’a jamais été question de supprimer l’Agence bio» : la ministre de l’agriculture Annie Genevard répond à Vert

Archi culture. Vert a échangé avec Annie Genevard à l'occasion du salon de l'agriculture qui se tient en ce moment à Paris. Pesticides, agriculture biologique, Office français de la biodiversité… nous l'avons interrogée sur les sujets qui cristallisent la colère agricole.
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Votre mot d’ordre est la «reconquête de notre souveraineté alimentaire». Mais cette politique du «produire plus» ne se fait-elle pas au détriment de l’écologie ?

Ma conviction, c’est que produire davantage pour être autonome n’est pas incompatible avec l’environnement. Les agriculteurs travaillent avec le vivant. Quand je parle avec des exploitants agricoles, bio ou pas, tous sont en réflexion sur des pratiques culturales qui tiennent compte de la qualité des sols et de l’autonomie pour éviter les intrants.

La ministre de l’Agriculture Annie Genevard (Les Républicains) lors d’une conférence de presse sur le salon de l’agriculture à Paris, le 4 février 2025. © Esteban Grépinet/Vert

Je pense que cette question de la compatibilité de la production agricole avec le respect de l’environnement est l’une des grandes orientations de l’agriculture aujourd’hui, et qu’elle le sera plus encore demain.

Vous avez donné un avis de sagesse au Sénat sur la réautorisation sous conditions de l’acétamipride, connu pour être un pesticide «tueur d’abeilles». N’est-ce pas une menace pour la santé humaine et la biodiversité ?

Nous devons nous aligner sur les standards européens, car il y a une forme de concurrence déloyale avec les pays de l’Union européenne qui ont de quoi soigner leur production végétale. Les produits phytosanitaires sont les médicaments des plantes, ils permettent de continuer de récolter. Sauf à considérer que 26 pays européens sur 27 empoisonnent leur population.

Pour autant, il y a bel et bien des substances qui sont dangereuses et qu’il faut éliminer. Nous devons être très vigilants au sujet des accords conclus avec des pays hors Union européenne, pour ne pas importer des productions traitées avec des produits interdits. L’Europe est très attentive en la matière, elle recourt à l’Efsa [l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui est l’équivalent européen de l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), NDLR], qui rend des avis sur la dangerosité des substances phytosanitaires. S’aligner sur les standards européens, ce n’est pas opérer un recul, c’est se mettre au même niveau que la concurrence européenne.

Si nous interdisons tout en France, nous ne produirons plus et nous importerons des productions traitées avec ce que nous aurons interdit. Il y a quelques filières, comme celle de la noisette, qui sont en état d’urgence et qui risquent de s’éteindre parce qu’elles ne savent plus traiter leurs arbres. Je suis d’accord pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, nous ne reviendrons pas là-dessus. Mais il faut le temps de la transition, notamment pour gérer les situations d’urgence qui menacent la diversité de l’agriculture française.

La France a pris une décision forte, il y a sept ans, en interdisant la totalité des néonicotinoïdes. Pourquoi revenir en arrière ?

Les néonicotinoïdes n’ont pas été interdits par l’Anses, mais par le Parlement, et je pense que le rôle des parlementaires n’est pas de se substituer aux scientifiques. Les pays européens ont interdit quatre familles de néonicotinoïdes. Mais ils en ont autorisé une, parce qu’elle présentait une dangerosité moindre, tant qu’elle est utilisée «sous conditions».

En France, l’acétamipride a déjà été réautorisé pour traiter la betterave, à titre dérogatoire et pour une durée limitée. J’écoute ce que disent les scientifiques qui se sont exprimés au sujet de cette substance. La position que j’ai défendue n’est pas celle d’Annie Genevard, mais celle du gouvernement.

Un «avis de sagesse», cela veut dire que nous laissons aux parlementaires le choix de délibérer sur cette question. Si l’acétamipride est rétabli pour des filières en situation d’urgence, et à des conditions fixées par le Conseil constitutionnel, cela ne signifie pas un rétablissement sans condition et définitif. Aujourd’hui, nous savons nous préparer au retrait de ses substances, mais nous ne savons pas traiter les filières en situtation d’urgence.

Vous avez donné un autre avis de sagesse concernant la suppression de la subvention allouée à l’Agence bio, avant d’annoncer qu’elle ne serait finalement pas supprimée. L’agriculture biologique n’est-elle pas une priorité pour vous ?

Je voudrais dissiper un sacré malentendu : lorsque j’ai donné cet avis de sagesse, c’était à un moment où le gouvernement indiquait qu’il voulait opérer un regroupement des agences. Il n’a jamais été question, dans mon esprit, de supprimer l’Agence bio ! C’est l’une des grandes politiques de mon ministère, et à titre personnel, je suis très attachée au bio. Ma première visite de terrain, en tant que ministre, a été sur une exploitation en bio.

Certains ont cédé à la tentation de faire des raccourcis ou des amalgames, au point où j’ai dû faire une déclaration au nom du gouvernement pour dissiper ce doute. L’avis de sagesse signifie simplement que nous ouvrons une réflexion sur l’éventuel regroupement d’agences ou d’organismes, dont beaucoup s’occupent du bio. Comme c’est une filière en difficulté, il est légitime de se poser la question d’un gain d’efficacité potentiel en regroupant certains organismes. Ce n’était pas un retour en arrière ou un renoncement, et je n’ai pas donné d’avis favorable à la suppression de l’Agence bio.

D’autres agences de l’État comme l’OFB ou l’Anses ont été visées par des manifestations d’agriculteurs. Vous ne vous êtes pas démarquée par votre soutien public à ces agents de l’État, pourquoi ?

Vous pouvez retrouver un tweet que j’ai posté sur X pour apporter mon soutien aux agents de l’OFB qui avaient été attaqués [ils avaient alors été visés par des propos du secrétaire général de la Coordination rurale appelant à brûler leurs voitures, NDLR]. J’ai toujours dit qu’il ne fallait pas s’en prendre aux personnes ni aux biens.

Maintenant, je ne dis pas qu’il n’y a pas un sujet avec l’OFB. Il est nécessaire de reconstruire des relations pacifiées. C’est le sens de la circulaire que la ministre de la transition écologique et moi-même avons cosignée pour demander à l’OFB de mettre en œuvre le contrôle administratif unique, la discrétion du port d’arme, et la désescalade des tensions par l’usage de caméras piéton.

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