Portrait

«L’écologie punitive nous combat, nous allons la combattre» : qui est Bertrand Venteau, le nouveau président de la Coordination rurale ?

Râle figure. Bertrand Venteau est devenu le nouveau président du deuxième syndicat agricole de France, ce mercredi. L'éleveur de Haute-Vienne veut renouer avec les actions coup de poing, s'allier avec le monde de la chasse et faire de la «lutte contre l'écologie punitive et décroissante» son «cheval de bataille». Interrogé par Vert, il remet en question le consensus scientifique sur la responsabilité humaine dans le changement climatique.
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«Pour être très honnête, je ne suis pas un grand défenseur de la décroissance», répond Bertrand Venteau quand Vert lui propose un entretien. Quelques jours avant son élection à la présidence de la Coordination rurale (CR), ce mercredi, il a tout de même accepté de discuter une trentaine de minutes au sujet de la politique qu’il entend défendre à la tête du deuxième syndicat agricole de France (notre décryptage).

Au programme : une ligne musclée, inspirée des actions coup de poing menées dans le Sud-Ouest, une lutte tous azimuts contre ce qu’il appelle «l’écologie punitive et décroissante» et… des doutes sur l’origine humaine du réchauffement climatique – qui fait pourtant l’objet d’un consensus scientifique.

Un ennemi juré de la FNSEA…

Petit-fils d’agriculteurs, Bertrand Venteau reprend l’exploitation familiale de vaches limousines à Saint-Yrieix-la-Perche (au sud de la Haute-Vienne) en 2001. À ses débuts, le jeune éleveur rencontre des difficultés pour s’installer face à ce qu’il nomme les «barons locaux de la FDSEA» – la branche départementale de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire en France.

Bertrand Venteau lors du 32ème Congrès national de la Coordination rurale à Auch (Gers), le 19 novembre 2025. © Valentine Chapuis/AFP

Il s’engage alors au sein des Jeunes agriculteurs pour défendre l’accès à des terres… mais en est rapidement exclu, jugé trop critique du système. «Ce syndicat de jeunes agriculteurs ne sert qu’à formater les futurs cadres de la FNSEA sans prendre en considération les revendications de la base», reprochait-il. Après une aventure sans lendemain auprès d’une équipe de dissident·es de la FNSEA, lors des élections agricoles de 2007, Bertrand Venteau participe à la création d’un comité local d’éleveur·ses pour «dénoncer les dérives de l’agro-industrie» et «permettre aux agriculteurs de redevenir maîtres de leur exploitation».

Le jeune homme gagne localement en notoriété lors de la «grève du lait» de 2009 : le monde de l’élevage était alors vent debout contre une réforme de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne, qui prévoyait une baisse conséquente des prix laitiers. Bertrand Venteau rejoint la Coordination rurale, puis crée une section départementale du syndicat en décembre 2012. Le succès est immédiat : dès les élections agricoles de 2013, la CR de la Haute-Vienne passe à quelques dizaines de voix de renverser l’alliance historique FDSEA-Jeunes agriculteurs.

C’est chose faite six ans plus tard et Bertrand Venteau est élu président de la chambre d’agriculture locale. «Aujourd’hui, la CR est complètement hégémonique dans le département», déplore Thomas Gibert, maraîcher dans la commune voisine de celle de Bertrand Venteau et porte-parole national de la Confédération paysanne (un syndicat lui aussi opposé à la FNSEA, mais plus proche de la gauche et des milieux écologistes). Aux dernières élections agricoles de 2025, la Coordination rurale a conservé haut la main la chambre d’agriculture de Haute-Vienne – et s’est imposée dans plusieurs départements voisins (notre article).

… et de «l’écologie punitive et décroissante»

Depuis six ans qu’il dirige la chambre d’agriculture locale, Bertrand Venteau s’est fait remarquer pour sa vive critique des «écologistes», qu’il a même qualifié·es de «terroristes». «J’assume complètement de combattre l’écologie décroissante», confirme-t-il auprès de Vert. Souhaitant faire de la «lutte contre l’écologie punitive et décroissante» son «cheval de bataille» au niveau national, il annonce la mise en place d’un budget afin de soutenir les agriculteur·ices dans des actions en justice face à des associations environnementales : «Comme l’écologie punitive nous combat, nous allons la combattre».

L’éleveur est également contre le retour du loup gris en France et accuse «les associations qui ont réintroduit ou permettent [la] réintroduction du loup sur le plateau de Millevaches». Le prédateur s’est installé il y a quelques années dans cet espace naturel situé à l’est de la Haute-Vienne, dans la continuité de sa recolonisation naturelle du territoire français.

«On parle de dérèglement climatique, on parle de changement climatique… mais n’est-ce pas un cycle normal, qui n’est pas uniquement lié à l’activité humaine ? Ça, je ne sais pas.»

Dans un territoire proche du Poitou et des projets de mégabassines, l’éleveur a décidé de porter chez lui le combat contre les opposant·es à ces retenues d’eau décriées. «La Confédération paysanne, les Soulèvements de la Terre et autres associations appuyées par de nombreux black-blocks ont clairement appelé à détruire – et ont détruit – des biens d’autres paysans», dénonçait-il dans les colonnes du Populaire du Centre après la manifestation de Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

Directement visé par ces propos, Thomas Gibert regrette une stratégie de «fracture sociale entre les différents habitants» et un «climat de tension avec les nouveaux arrivants dans les campagnes». Désormais président national de la Coordination rurale, Bertrand Venteau souhaite renforcer ses liens avec ses «alliés dans la ruralité» : fédérations de chasse, forestiers, propriétaires de terrains et d’étangs… En Haute-Vienne, le syndicaliste a déjà créé une association pour «défendre les intérêts de la ruralité».

Auprès de Vert, il dit douter de l’origine du réchauffement climatique – malgré le consensus scientifique qui montre la responsabilité «sans équivoque» des activités humaines : «Le dérèglement climatique provoque des choses chez nous, après… On parle de dérèglement climatique, on parle de changement climatique… mais n’est-ce pas un cycle normal, qui n’est pas uniquement lié à l’activité humaine ? Ça, je ne sais pas.»

«Aujourd’hui, une ligne dure paraît la meilleure»

Principale différence avec sa prédécesseure à la tête de la CR – Véronique Le Floc’h –, Bertrand Venteau est partisan des méthodes musclées. «Il n’y a pas à être timoré sur les actions. Aujourd’hui une ligne dure parait la meilleure, c’est comme ça qu’on existe sur les départements», explique-t-il.

C’est cette stratégie, selon lui, qui explique les onze chambres d’agriculture conquises aux dernières élections agricoles en 2025. «Cette progression, c’est indéniable, est venue des actions qui ont été menées dans le Sud-Ouest. Ce mode d’action ne me dérange pas du tout. Je pense que c’est le meilleur moyen d’aller négocier après : si vous ne faites pas peur, vous n’êtes pas entendu», estime-t-il.

Une méthode qu’il applique déjà au niveau local. En mai 2025, il a été jugé pour outrages, menaces et intimidation sur des élu·es et des fonctionnaires de l’État à Limoges. Il a été relaxé, mais le parquet a fait appel. «On va être jugé parce que la Coordination rurale dérange. Ce n’est que ça, l’histoire. Il n’y a pas autre chose», a-t-il déclaré devant le tribunal judiciaire de Limoges, selon France 3.

Il reconnait un certain «courage politique» au Rassemblement national

Une ligne plus dure… et plus proche de l’extrême droite ? Bertrand Venteau a reçu le soutien de la section CR du Lot-et-Garonne et de sa figure emblématique, Serge Bousquet-Cassagne. Ce dernier a annoncé vouloir se présenter aux prochaines législatives sous les couleurs du Rassemblement national (RN). «On a dit qu’on était apolitique. Ceux qui s’affichent [avec un parti politique] passeront dehors, c’est comme ça», répond Bertrand Venteau.

Thomas Gibert, ancien élu d’opposition à la chambre d’agriculture de Haute-Vienne – présidée par Bertrand Venteau –, estime que «c’est un bon choix pour la CR : il porte à la fois la ligne radicale du Sud-Ouest tout en n’étant pas affilié au RN. Stratégiquement, c’est bien pensé.»

Bertrand Venteau a même été le suppléant d’un candidat macroniste dissident aux législatives de 2022. Mais, aujourd’hui, il reconnait au parti d’extrême droite un certain «courage politique», notamment dans sa volonté de supprimer les agences environnementales publiques. Il affirme : «Je trouve qu’il n’y a qu’eux dans l’échiquier politique qui font les choses pour que les agriculteurs soient moins embêtés. Eux, et le sénateur [Laurent] Duplomb», porteur de la proposition de loi du même nom pour «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur».

«Pourquoi on reprocherait à la CR d’être proche du RN et on ne reprocherait pas à la Conf’ d’être proche de LFI [La France insoumise] ou des Écologistes ?», interroge-t-il. Selon lui, la supposée proximité entre la CR et le RN n’a pas de quoi gêner.

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