Les propositions de budget des formations politiques sont souvent des moments de clarification. C’est là que sont désignés, noir sur blanc, les secteurs qu’il faudra épargner et ceux où, à l’inverse, il faudra aller chercher l’argent. Sans surprise, dans le «contre-budget» du Rassemblement national (RN) présenté ce jeudi à la Maison de la Chimie (Paris), l’écologie figure en bonne place parmi les cibles du parti d’extrême droite, aux côtés de l’immigration, de l’Union européenne ou de la culture.

Face à la presse, la cheffe de file des député·es RN Marine Le Pen et le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy, l’architecte du contre-budget, ont détaillé leurs pistes pour répondre à la crise budgétaire. Les deux élu·es imputent celle-ci à la politique d’Emmanuel Macron depuis 2017. «La partition du Mozart de la finance est dissonante», a taclé Marine Le Pen, souhaitant «arrêter les dépenses inutiles, inefficaces, voire toxiques». Elle espère ainsi dégager près de 36 milliards d’euros. Des économies faites, surtout, sur l’écologie.
🌳 Attaques contre les agences publiques environnementales
Le parti à la flamme prévoit 7,7 milliards d’euros d’économies sur les organismes publics. C’est beaucoup plus que ce qui était prévu dans son contre-budget 2025 (3,4 milliards).
Ici sont notamment visées les agences environnementales comme l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Agence de la transition écologique (Ademe). Le parti veut supprimer les deux. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’Agence de l’eau et les parcs nationaux sont aussi menacés.
Mercredi, le Rassemblement national avait déposé un amendement pour tenter de supprimer l’Agence bio en commission des affaires économiques. Celui-ci a été rejeté, mais il montre la volonté du RN de s’attaquer à l’agence de promotion de l’agriculture biologique. Le parti d’extrême droite pourrait trouver le soutien de la droite sénatoriale sur ce dossier : cette dernière avait déjà menacé cette agence environnementale, le 17 janvier dernier. Avant que la ministre (Les Républicains) de l’agriculture, Annie Genevard, démente vouloir la supprimer.
🍃 Les associations «environnementales» ciblées
Le RN prévoit de baisser les subventions allouées aux associations «ne relevant pas de l’intérêt général», à hauteur de 3,2 milliards d’euros. Questionnée sur celles qui pourraient être ciblées, Marine Le Pen a précisé : «Nous n’entendons pas retirer les subventions à ceux qui ne pensent pas comme nous, mais nous considérons en revanche qu’il y a des abus et des excès.» Elle a évoqué les associations qui «aident des gens à violer la loi». Comprendre : celles qui aident aux personnes exilé·es ou en situation irrégulière.
Quelles autres associations ne seraient pas considérées comme «ne relevant pas de l’intérêt général», selon Marine Le Pen ? La patronne du RN a refusé de donner plus de détails : «Vous aurez la liste complète quand nous serons élus», a-t-elle évacué face aux journalistes.
Un cadre du RN, présent dans la salle, s’est montré plus prolixe : «Il y a pas mal d’associations environnementales» qui seraient touchées par cette coupe de subventions.
☀️ Des économies sur les énergies renouvelables, Ma prime rénov’ et le Fonds vert
Parmi les autres dépenses de l’État jugées «inefficaces», le RN souhaite supprimer les tarifs préférentiels de rachat de l’électricité produite par les énergies renouvelables (7,2 milliards d’économies). Actuellement, les citoyen·nes qui ont des panneaux solaires peuvent revendre à EDF l’énergie qu’elles et ils ne dépensent pas.
La formation d’extrême droite veut aussi supprimer le dispositif Ma prime rénov, qui permet d’obtenir une subvention pour mieux isoler son logement. Il s’agirait de le remplacer par un prêt à taux zéro (3,4 milliards euros économisés).
Le Fonds vert pour la transition écologique serait lui aussi supprimé (460 millions de gains estimés) à l’exception des «dépenses pour les inondations et les feux de forêts», précise le document. Même sort pour le Plan vélo, qui vise à développer les infrastructures cyclables en France depuis 2018. Il est jugé «inutile».
🚗 Le RN favorise les voitures, les petits colis et le secteur aérien
Dans l’autre partie de ce contre-budget, celle où le RN assume de perdre de l’argent, le parti propose de supprimer le malus automobile, cette taxe sur l’achat des véhicules les plus polluants.
Il mettrait aussi fin à la taxe sur les petits colis. Celle-ci s’élève à deux euros pour les articles contenus dans les petits colis importés de pays hors Europe. Elle cible notamment les géants de la fast fashion, qui exportent leurs articles à bas prix partout dans le monde. Pour Jean-Philippe Tanguy, «cette taxe ne préserve pas nos commerçants mais fait les poches des Français». Il juge que les gros importateurs peuvent contourner cette taxe par d’autres pays pour faire venir leurs produits en France.
Enfin, les Lepénistes veulent annuler la hausse, appliquée en 2025, des taxes sur le secteur aérien.
🤑 Un budget intenable ?
Jusqu’à l’an dernier, le parti d’extrême droite s’était toujours refusé à la présentation d’un contre-budget. L’exercice est réputé périlleux sans «les services de Bercy [le ministère de l’économie, NDLR] et de ses agents», comme l’a assumé Marine Le Pen en ouverture de la présentation ce jeudi. Mais, toujours dans le souci de s’afficher comme une alternative crédible au pouvoir, le parti s’y est plié. Comme l’an dernier, et comme Vert l’avait déjà évoqué, certaines pistes d’économies restent cependant peu crédibles : sur l’immigration, sur la fin de l’obligation de rachat d’énergies renouvelables par EDF à un tarif préférentiel ou sur la baisse de la contribution financière à l’Union européenne…
À lire aussi
- 							En guerre contre les «technos-écolos-bobos», comment le Rassemblement national désinforme sur les ZFEL’essence en émoi. Ce lundi, les député·es reprennent leurs travaux sur la loi «simplification», notamment autour des zones à faibles émissions (ZFE). Le RN, qui a fait des ZFE l’un des fondements de son discours contre «l’écologie punitive», a lancé sur son site une pétition qui relaie plusieurs fausses informations.
- 							Canicule : mettre la climatisation partout, la fausse bonne idée du Rassemblement national… dont tout le monde parleAir Marine. En pleine vague de chaleur, l’extrême droite a proposé un «grand plan climatisation». Un exemple typique de mal-adaptation au changement climatique, qui a pourtant reçu toute l’attention des médias et du champ politique.
 
					