Hier encore, le gouvernement d’Élisabeth Borne vantait la hausse inédite des moyens alloués à la transition écologique dans le budget de l’État pour 2024. Les 10 milliards d’euros de rallonge étaient censés être une «première marche», assurait l’ex-ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Un an plus tard, l’accélération promise n’est plus. Dans le projet de budget pour 2025, présenté hier, l’écologie passe à la caisse, comme tout le monde. Pour rappel, le gouvernement veut récupérer 60 milliards d’euros de marge en 2025, dont deux tiers grâce aux baisses des dépenses et un tiers via de nouvelles recettes.
Flops : des aides écologiques «recalibrées»
Certes, les crédits de la mission «Écologie» affichent une légère hausse de 2,8 milliards d’euros par rapport à 2024 (à 21,9 milliards d’euros). En réalité, le soutien aux énergies renouvelables coûtera 4,6 milliards d’euros de plus qu’en 2024, sans qu’il s’agisse pour autant de soutenir plus d’installations. L’explication est la suivante : l’État verse un «complément de rémunération» aux producteurs d’électricité renouvelable lorsque les prix de marché sont inférieurs à un prix garanti. Or, ces derniers mois, les prix de l’énergie chutent, renchérissant le complément à verser.
Derrière ce surcoût de 4,6 milliards d’euros se cache en réalité un plongeon des moyens alloués à la transition écologique de plus de 3 milliards. Un coup de rabot qui correspond notamment au «recalibrage des aides écologiques» déjà éventé depuis quelques semaines.
Le fonds vert pour la transition écologique des collectivités subit une importante baisse de 60%, passant de 2,5 milliards d’euros de budget en 2024 à 1 milliard d’euros en 2025.
Le budget de l’Agence de la transition énergétique (Ademe), qui finance des projets d’énergies renouvelables, baisse également de près d’un demi-million d’euros, passant 1,37 milliard d’euros à 900 millions d’euros.
Les aides à l’achat de véhicules électriques voient leur enveloppe tomber à 1 milliard d’euros, en baisse de 500 millions d’euros. Le gouvernement promet par ailleurs de «rationaliser le nombre de dispositifs» et de les recentrer en priorité sur les ménages les plus modestes. Selon lui «le coût des véhicules électriques baisse, et leur part dans les ventes augmente […] diminuant ainsi le besoin de subvention». À fin septembre 2024, ces véhicules représentaient 17% du parc automobile, en progression d’un point sur l’année.
MaPrimeRenov, le dispositif d’aide à la rénovation du logement, déjà amputé d’un milliard d’euros en février, subit un nouveau de coup de rabot de 700 millions d’euros en 2025 (tombant à 2,3 milliards d’euros). Le ministère de la Transition écologique assure que l’enveloppe de 2024 (de 3 milliards d’euros) n’a de toute façon pas été consommée. De fait, la rénovation des logements est en berne depuis plusieurs mois sous l’effet conjugué de la crise du logement, de la baisse du pouvoir d’achat et des changements récurrents d’accès aux aides qui dissuadent les propriétaires.
Tops : plus d’impôts sur les activités polluantes
À la recherche de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2025, le gouvernement a regardé du côté des activités polluantes. Plusieurs mesures fiscales les visant devraient lui permettre de récupérer au moins 2,3 milliards de revenus en 2025.
La taxation des billets d’avion devrait plus que doubler pour dégager un milliard d’euros de recettes en 2025 (contre 450 millions d’euros l’an dernier). Elle sera appliquée également sur les jets privés, qui n’y étaient pas soumis jusqu’à présent. Selon les estimations de Libération, cette taxe représente, à ce jour, 7,5 euros pour un Paris-New York en classe économie et 63 euros en classe affaires.
Le malus automobile (taxe sur l’achat des véhicules les plus émetteurs) sera à nouveau durci en 2025, puis en 2026. À partir de janvier, les voitures y seront soumises dès 113 grammes de CO2 au kilomètre (contre 118 actuellement), puis à partir de 106 grammes en 2026. Parallèlement, le malus maximum (appliqué aux véhicules émettant plus de 193 grammes de CO2 au kilomètre) passe de 60 000 à 70 000 euros. Enfin, le malus au poids sera durci en 2026, pour viser les véhicules de plus de 1500 kg (contre 1600 pour le moment). Le gouvernement espère ainsi dégager 300 millions d’euros de recettes supplémentaires.
L’avantage fiscal sur les voitures de fonction thermiques sera réduit, de façon à générer 300 millions de recettes en plus. Jusqu’ici, seuls 30% du coût de la location ou 9% du coût d’achat du véhicule étaient soumis à cotisation et à impôt sur le revenu. Le gouvernement envisage de rehausser à 50% le taux d’imposition de cet avantage en nature.
Le taux de TVA sur les chaudières à gaz devrait être revu à la hausse pour dégager 200 millions d’euros de revenus supplémentaires. Actuellement fixé à 5,5 ou 10% en fonction du type d’appareil, il sera relevé à 20%. Le gouvernement promet d’autre part d’introduire de nouvelles taxes sur les énergies fossiles par voie d’amendement afin de récupérer 500 millions d’euros supplémentaires.
Le relèvement de la taxe sur la consommation finale d’électricité (TICFE) est présenté comme une mesure de fiscalité environnementale censée rapporter 3 milliards d’euros supplémentaires en 2025, mais le geste est vertement critiqué par certains experts, qui craignent au contraire de dissuader les consommateur·ices de passer à l’électricité pour leurs usages (voiture, chauffage…) alors que c’est une énergie décarbonée à près de 100 %.
Pour rappel, le gouvernement avait réduit la TICFE à la portion congrue pendant la crise de l’énergie (un euro par mégawattheure contre 32 auparavant) avant de la repasser à 21 euros par mégawattheure en février dernier, provoquant une hausse des prix de l’électricité de 10%. En 2025, elle pourrait atteindre près de 50 euros, mais cette fois le gouvernement promet que la forte chute des prix de l’énergie sur les marchés de gros permettra de faire baisser la facture d’électricité globale pour les consommateurs.
Les députés examineront le projet de loi de finances à partir du 21 octobre prochain. Le gouvernement les a invités à amender sa copie, sachant que la très probable adoption du budget par 49.3 lui permettra de retenir uniquement les mesures qui l’arrange.
À lire aussi
-
Sur l’écologie, Michel Barnier sort les grands mots, mais pas les grands remèdes
Discours toujours. Le Premier ministre a présenté mardi sa feuille de route politique pour les mois à venir. Après quelques formules incantatoires sur la gravité de la crise écologique, il a enchaîné les contradictions et ouvert la voie à des reculs environnementaux. -
Le gouvernement Barnier sera-t-il à la hauteur sur l’écologie ? Les quatre dossiers crash test qui le diront
Barnier percé. Ministères mutilés voire supprimés, politiques au CV douteux… Pour l’instant, le gouvernement Barnier n’inspire rien qui vaille en matière d’écologie. Mais puisque ce sont les actes qui permettront d’en avoir le cœur net, voici les quatre prochains gros dossiers à surveiller.