Décryptage

Énergies fossiles, contribution financière des pays riches : quel bilan pour les négociations de la COP30 à mi-parcours ?

Des hauts et débats. Après une semaine de négociations, l’ambiance est prudemment optimiste au 30ème sommet mondial sur le climat à Belém (Brésil). Malgré des clivages tenaces entre pays, la présidence brésilienne manœuvre très habilement et de timides avancées se profilent sur la sortie des énergies fossiles ou la taxation des billets d’avion.
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Le moral reste bon parmi les négociateur·ices qui arpentent depuis une semaine les couloirs éphémères du 30ème sommet mondial (COP30) sur le climat, à Belém (Brésil). L’avancée des négociations sous la houlette de la présidence brésilienne y est sans doute pour beaucoup. Alors que d’aucuns craignaient un blocage généralisé dès le vote de l’ordre du jour, la diplomatie brésilienne, réputée talentueuse, a manœuvré habilement.

La diplomatie au sommet

«De façon stratégique, elle a sorti les sujets les plus clivants de l’agenda officiel pour que celui-ci soit adopté sans heurts», explique Marta Torres-Gunfaus, directrice du programme Climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Pendant que les négociations ont progressé sur une centaine de sujets «techniques» – et plus consensuels –, la présidence brésilienne a engagé des «consultations politiques» sur les thèmes les plus brûlants : rehaussement de l’ambition climatique et contributions financières des pays riches notamment…

«La stratégie brésilienne est de réunir les pays en plénière, en présence d’observateurs [de la société civile, NDLR] afin que les positions soient entendues de tous», détaille Marta Torres-Gunfaus. De quoi empêcher les doubles discours et les manœuvres souterraines. Selon elle, l’Arabie saoudite, peu coopérative sur le climat, s’est ainsi retrouvée isolée.

Belém, le 15 novembre. Troisième dialogue ministériel de haut niveau sur le financement de la lutte contre les changements climatiques. © Kiara Worth/UN Climate change

La prochaine étape, très périlleuse, consistera à présenter une proposition de texte susceptible de faire consensus auprès des 194 pays présents. Reste à savoir quand, alors que les ministres arrivent ce lundi pour poursuivre les discussions. «Lors du G20 en 2012, la présidence brésilienne avait officialisé à la dernière minute un texte à prendre ou à laisser. Le poids de l’échec étant trop important, les pays réticents ont été obligés de le voter», se souvient Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri.

Rehausser l’ambition : le sort des fossiles en embuscade

Les sujets sont particulièrement épineux et les blocages encore bien vivaces à mi-parcours. C’est le cas des discussions sur le nécessaire rehaussement de l’ambition climatique, alors que les feuilles de route des pays – récemment actualisées – mettent toujours le monde sur la voie d’un réchauffement catastrophique de +2,3°C à +2,5°C par rapport à l’ère préindustrielle (1850).

Le sujet est inévitablement lié au sort des énergies fossiles, responsables de plus de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Problème : ni les pays consommateurs ni les pays producteurs ne peuvent aujourd’hui s’en passer. Alors qu’ils se sont promis d’engager la «transition hors des énergies fossiles» lors de la COP à Dubaï en 2023, les pays rentrent maintenant «dans une étape beaucoup plus complexe qui est celle de la mise en œuvre», explique Benoît Faraco, ambassadeur climat de la France à la COP30. «C’est normal que ce soit difficile, on touche au cœur du réacteur», rappelle-t-il.

Malgré ces vents contraires, une soixantaine de nations, dont la France, ont déjà répondu favorablement à l’appel du président brésilien Lula sur l’élaboration d’une «feuille de route» pour «surmonter la dépendance aux combustibles fossiles». Un «momentum» que les associations environnementales saluent et espèrent voir se concrétiser. «Il ne faut pas s’attendre à des engagements sur la date de sortie» des énergies fossiles, prévient Benoît Faraco, «il s’agira plutôt de rendez-vous que l’on se fixera pour voir quelles sont les solutions qui existent et les défis que cela pose». La présidence brésilienne a émis l’idée d’un «dialogue» entre les pays producteurs et les pays consommateurs pour organiser la baisse coordonnée de la production et de la consommation.

Argent : la guerre des nerfs

La question des financements climats est un autre sujet brûlant, et pour cause : les pays développés, qui ont une responsabilité historique dans le réchauffement climatique, ont réduit les financements destinés à aider les pays en développement à s’adapter, alors que les besoins ne cessent d’augmenter. Certains pays, comme le Pakistan, voient leur économie dévastée par les catastrophes climatiques et s’enfoncent dans une crise de la dette qui les empêche d’investir pour s’adapter.

«En face, les pays riches insistent beaucoup sur le fait que leurs caisses sont vides. Nous, on pense qu’ils manquent de courage et d’idées pour aller chercher l’argent là où il se trouve : dans les caisses des grandes entreprises fossiles et chez les ultra-riches», estime Selma Huart, chargée de plaidoyer chez Oxfam. L’ONG a calculé qu’une taxe sur les profits excessifs des 585 plus grandes entreprises fossiles pourrait rapporter jusqu’à 400 milliards de dollars (344 milliards d’euros) par an dès la première année.

Sans aller jusque là, une coalition de huit pays, dont la France, propose d’appliquer une taxe sur l’aviation de luxe (jet privé et billets en business class). Depuis le début du sommet, les membres de la Global solidarity levies task force (groupe de travail sur les contributions de solidarité mondiale) cherchent à convaincre autour d’elles et eux. Benoît Faraco explique : «On reconnaît tous qu’il va falloir de nouvelles ressources.»

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