Le courant passe mal. La 27ème conférence des Nations unies (COP27) sur le climat est percutée par la crise énergétique mondiale, au point de risquer l’avarie. Retour sur ses origines et la façon dont elle perturbe aujourd’hui les négociations.
Malgré des engagements prometteurs pris à la COP26 de Glasgow (Vert), les pays réunis à Charm el-Cheikh peinent à maintenir le cap sur l’indispensable sortie des fossiles (gaz, pétrole et charbon). La crise de l’énergie y est pour beaucoup.
Celle-ci a commencé dès 2021, lorsque l’économie mondiale s’est remise en branle après la pandémie de Covid. La demande d’énergie a alors rebondi à des niveaux bien supérieurs aux capacités de production, entraînant une première envolée des prix (Vert). Celle-ci s’est encore accentuée en mars 2022 lorsque la Russie a envahi l’Ukraine. L’Europe a alors dû réorganiser en urgence ses approvisionnements, alors que Moscou était jusqu’alors son fournisseur numéro 1 en gaz (45%) et en pétrole (27%). Pour ne rien arranger, le nucléaire français est en carafe depuis des mois (Vert) et la production hydroélectrique est affectée par la sécheresse partout en Europe.
Pour parer à l’urgence, plusieurs pays d’Europe ont relancé la production de charbon et rallumé des cheminées. L’Union européenne s’est également tournée vers le gaz naturel liquéfié (GNL) américain, dont l’empreinte carbone est bien plus élevée que le transport par pipeline, soulignent les expert·es de Carbone 4. De nombreux États étant désormais en concurrence pour avoir accès au GNL, les cargaisons sont dirigées vers les pays les plus offrants. De quoi provoquer une pénurie chez d’autres, comme au Pakistan.
Enfin, pour éviter une crise sociale majeure, les pays d’Europe n’ont pas hésité à subventionner massivement l’achat d’énergie fossile auprès de leurs consommateurs finaux. Rien qu’en France, l’État a déboursé 24 milliards d’euros pour limiter la hausse des prix en 2022. Il prévoit encore 45 milliards pour 2023.
Dans ce contexte, l’Europe arrive plus affaiblie que jamais aux négociations climatiques de Charm el-Cheikh. « Elle continue de pousser pour plus d’ambition climatique, mais elle est moins crédible qu’avant », analyse Aurore Mathieu, responsable des politiques internationales au Réseau action climat. « C’est difficile de se faire entendre quand on a soit même un rapport ambigu aux énergies fossiles », renchérit-elle. La semaine dernière, le président ougandais, Yoweri Museveni, a publié un virulent billet de blog dans lequel il accuse l’Europe « de la plus pure hypocrisie » dans l’action climatique. « Nous n’accepterons pas une règle pour eux et une règle pour nous », a‑t-il prévenu. Un coup dur pour l’Europe, qui voit son leadership climatique sérieusement écorné.