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«C’est une décision choquante» : l’arrivée de boutiques Shein en France déclenche un tollé

Shein dans la colle. Shein s’installe en France pour la première fois, sur le long terme, avec l’ouverture de six boutiques dès novembre, dont une au BHV Marais, à Paris. Une première mondiale qui suscite une vague de critiques. On fait le point.
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Six boutiques qui font grand bruit. Mercredi, le mastodonte de la mode à prix cassés Shein a révélé avec fracas le lancement de ses tout premiers magasins physiques pérennes en France – une première mondiale. Dès novembre, si le projet aboutit, les fans de la marque – qui devaient jusque-là se procurer les produits en ligne ou dans de rares magasins éphémères – pourront les trouver au sein de l’iconique BHV Marais, en plein cœur de Paris, grâce à une alliance avec la Société des Grands Magasins (SGM), qui le contrôle. Ou dans cinq Galeries Lafayette ailleurs en France : à Dijon (Côte-d’Or), Reims (Marne), Grenoble (Isère), Limoges (Haute-Vienne) ou encore Angers (Maine-et-Loire).

Le BHV Marais, à Paris. © Rémy Calland/Vert

«C’est une exclusivité mondiale, Shein n’a jamais ouvert de magasins physiques, s’est targué la SGM par la voix de son directeur de la communication, Djaafar Khelifa. Dans notre pays, elle a 25 millions de consommateurs et fait partie des dix marques préférées des Français.»

Shein, qui emploie 16 000 personnes dans le monde et a réalisé 23 milliards de dollars (20 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2022, est la marque de vêtements qui pollue le plus aujourd’hui (du point de vue des émissions carbone). Entre 2021 et 2023, la firme a multiplié par deux ses émissions de gaz à effet de serre (GES), détrônant les pionniers du secteur comme H&M ou Zara. Et la plupart des vêtements qu’elle fabrique sont en polyester, reléguant tout au long de leur cycle de vie des microparticules de plastique dans l’environnement – qui s’immiscent dans la chaine alimentaire avant de finir dans nos assiettes (notre article).

Par cette implantation en France, Shein promet «la création de 200 emplois directs et indirects en France au sein de SGM». Mais cela ne suffit pas à faire taire les critiques.

Politiques, associations et commerçant·es ont été nombreux·ses, depuis mercredi, à dénoncer son installation. Shein «ne peut pas être le sauveur d’un secteur qu’il a contribué à affaiblir», a dénoncé l’Alliance du commerce, qui estime que ce partenariat confère à la marque «une forme de reconnaissance, alors même que son fonctionnement est contraire aux efforts de transformation du secteur». Dominique Schelcher, le président-directeur général de Coopérative U, abonde : «Derrière le faux-nez de quelques façades rutilantes, le risque pour le consommateur et le commerce reste bien réel.»

Les Galeries Lafayette ont elles-mêmes dénoncé ce choix d’accueillir Shein dans ses cinq magasins que la SGM exploite sous franchise : «Les Galeries Lafayette tiennent à exprimer leur profond désaccord avec cette décision de la SGM au regard du positionnement et des pratiques de cette marque d’ultra-fast fashion qui est en contradiction avec leur offre et leurs valeurs.» Au BHV Marais à Paris, plusieurs marques ont également prévu de plier bagage en réaction à l’annonce de l’arrivée de Shein, comme le rapporte Le Parisien.

«Nous comprenons les interrogations»

La riposte citoyenne ne s’est pas fait attendre. Une pétition lancée par le collectif Une Autre Mode Est Possible, ciblant l’implantation au BHV Marais, a déjà récolté plus de 60 000 signatures. «C’est une décision choquante, contraire aux engagements de la Ville et à l’avenir que nous voulons pour notre planète et nos enfants», écrit le collectif. À Limoges, une autre pétition est née dans la foulée, relayée par France 3 Nouvelle Aquitaine.

«Paris dénonce l’implantation de Shein», a déclaré la maire de Paris socialiste Anne Hidalgo dans une déclaration à la presse, exprimant sa «profonde inquiétude» face à la décision du BHV d’accueillir l’enseigne. L’adjoint à la mairie de Paris chargé du commerce, Nicolas Bonnet-Oulaldj, a quant à lui demandé à la SGM de «reconsidérer» cette union commerciale, qui «revient à cautionner un modèle fondé sur l’exploitation sociale, l’opacité des chaînes d’approvisionnement et une pollution textile massive». Comme le rapportait Vert il y a quelques semaines, des rémunérations «par couple» qui privent les femmes de salaire ont notamment été mises en place dans les ateliers qui fournissent le géant chinois.

«Nous comprenons les interrogations que suscite cette annonce mais nous maintenons le dialogue avec les élus, les partenaires et l’ensemble des acteurs du secteur pour expliquer la réalité et les enjeux positifs de ce partenariat», a réagi la SGM jeudi.

Les député·es sont aussi vent debout contre l’implantation de Shein en France. Elles et ils ont interpellé la semaine dernière le premier ministre, lui demandant «d’accélérer» le processus d’entrée en vigueur de la loi anti-fast fashion, adoptée par le Parlement au printemps dernier. Mais le texte vient d’essuyer des avis circonstanciés de la Commission européenne, qui exige que la copie soit revue, notamment l’article concernant l’interdiction totale de publicité pour les acteurs de la mode éphémère, a révélé Contexte.

Ces élu·es demandent aussi au gouvernement de se pencher sur l’actionnariat de SGM : «Ils peuvent s’acheter une bonne réputation avec de l’argent privé, mais pas avec de l’argent public», a déclaré le député (Les Républicains) Antoine Vermorel-Marques faisant référence aux négociations entre SGM et la Banque des territoires (Caisse des dépôts) pour acquérir les murs du BHV Marais. D’autant plus que la Caisse des dépôts a, elle aussi, déclaré à l’Agence France-Presse ne «pas cautionner» cette alliance.

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