Décryptage

Autoroutes, loi énergie-climat, méga-bassines : que contient le programme du Nouveau Front populaire pour l’écologie ?

Après l’annonce de l’union de la gauche en vue des élections législatives du 30 juin et 7 juillet prochains, ses représentant·es ont détaillé leur «programme de rupture». Une partie conséquente est consacrée aux enjeux environnementaux. Passage en revue des propositions.
  • Par

Quinze premiers jours «de rupture»

S’ils accè­dent au pou­voir, les par­tis (dont Les Écol­o­gistes, la France insoumise, le Par­ti social­iste, le Par­ti com­mu­niste français, Place publique et Génération·s) réu­nis au sein du Nou­veau Front pop­u­laire (NFP), prévoient une série de mesures fortes dans les quinze pre­miers jours pour «répon­dre aux urgences qui abî­ment la vie et la con­fi­ance du peu­ple français». Ils pro­posent notam­ment des mora­toires sur les méga-bassines, ain­si que sur les grands pro­jets d’in­fra­struc­tures autoroutières — dont l’A69 entre Toulouse et Cas­tres, jusqu’à présent défendue par le Par­ti social­iste et dénon­cée par le reste de la gauche (nos arti­cles).

Agriculture

La gauche compte présen­ter une réforme de la Poli­tique agri­cole com­mune (PAC) de l’Union européenne, remaniée de manière express en avril (notre arti­cle) pour assou­plir de nom­breuses mesures envi­ron­nemen­tales. Le NFP promet de soutenir la fil­ière du bio, en dif­fi­culté depuis 2020, de rétablir le plan Éco­phy­to (qui vise à réduire l’usage des pes­ti­cides et a été mis en pause par le gou­verne­ment lors de la crise agri­cole en févri­er) et d’interdire le glyphosate. Le pro­gramme promeut une ges­tion 100% publique de l’eau et pro­pose d’aller vers une tar­i­fi­ca­tion pro­gres­sive et dif­féren­tielle des ressources hydriques en fonc­tion des usages. Enfin, il s’engage à «rompre avec la mal­trai­tance ani­male» en sor­tant des fer­mes-usines et en ban­nis­sant l’élevage en cages d’ici la fin de la man­da­ture.

Climat

Le vote d’une loi énergie cli­mat (pour définir la stratégie énergé­tique française face à l’urgence cli­ma­tique) est prévu dans les cent pre­miers jours afin de «jeter les bases de la plan­i­fi­ca­tion écologique», en par­al­lèle d’un plan cli­mat pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone (c’est-à-dire l’équilibre entre le car­bone émis et le car­bone absorbé) à hori­zon 2050. Le NFP entérine égale­ment le principe de la «règle verte», plébisc­itée par Jean-Luc Mélen­chon depuis des années, qui établit juridique­ment que l’on ne puisse pas pren­dre à la nature davan­tage que ce qu’elle peut don­ner.

Énergie

La gauche s’engage à accom­pa­g­n­er le développe­ment des éner­gies renou­ve­lables à l’échelle française et européenne, et à faire de l’Hexagone le leader européen des éner­gies marines (avec l’éolien en mer). Rien toute­fois sur le nucléaire, objet de désac­cord de longue date entre les dif­férentes for­ma­tions du Front pop­u­laire – si ce n’est de revenir sur la fusion entre l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN), adop­tée par l’Assemblée nationale en avril.

Olivi­er Fau­re, pre­mier secré­taire du Par­ti social­iste, présente le pro­gramme du Nou­veau front pop­u­laire entouré de représentant·es des autres par­tis sig­nataires de l’Accord, ven­dre­di 14 juin à Paris. © Julien de Rosa / AFP

Finance

Le Nou­veau Front pop­u­laire entend vot­er un pro­jet de loi de finances rec­ti­fica­tive dès cet été afin d’«abolir les priv­ilèges des mil­liar­daires». Cela passera notam­ment par le rétab­lisse­ment de l’impôt de sol­i­dar­ité sur la for­tune (ISF), auquel serait ajouté un volet cli­ma­tique – une mesure qui fai­sait par­tie de la plu­part des pro­grammes de la gauche lors de la prési­den­tielle de 2022 (notre arti­cle). Le pro­gramme s’engage aus­si à met­tre fin aux nich­es fis­cales «inef­fi­caces, injustes et pol­lu­antes» – celles-ci ne sont pas pré­cisées, mais on peut imag­in­er que l’ex­onéra­tion de taxe sur le kérosène (notre arti­cle), cri­tiquée depuis longtemps par une par­tie de la gauche, pour­rait en faire par­tie. Enfin, le NFP compte régle­menter les ban­ques pour qu’aucun finance­ment ne puisse être accordé aux éner­gies fos­siles (pét­role, char­bon et gaz) – notam­ment pour le développe­ment de nou­veaux pro­jets.

Transports

Mise en place d’un plan rail et fret, lance­ment de ser­vices express régionaux, mora­toire sur la fer­me­ture des petites lignes : le Nou­veau Front pop­u­laire veut met­tre le paquet sur le train. Il souhaite aus­si garan­tir l’accès aux trans­ports publics à tra­vers des mesures de gra­tu­ité ciblée (pour les jeunes, les per­son­nes pré­caires, etc.) et une baisse de la TVA à 5,5% (con­tre 10% aujourd’hui) pour les mobil­ités col­lec­tives, qui per­me­t­trait par exem­ple d’éviter aux usager·es des hauss­es de prix liées à l’augmentation des coûts de l’énergie.

Biodiversité

La gauche entend amélior­er la sauve­g­arde des écosys­tèmes en dou­blant les aires marines pro­tégées, en dévelop­pant une fil­ière sylvi­cole (du bois) «respectueuse» de la bio­di­ver­sité et des sols et en défen­dant les zones naturelles, humides et agri­coles. Elle promet de restau­r­er l’état écologique et chim­ique des cours d’eau et de «faire con­tribuer les indus­triels à la dépol­lu­tion des nappes et des sols». Elle s’engage égale­ment à rétablir «les mil­liers de postes sup­primés» dans dif­férents ser­vices publics, dont l’Office nation­al des forêts, l’Office français de la bio­di­ver­sité, Météo-France et le Cere­ma (le Cen­tre d’é­tudes et d’ex­per­tise sur les risques, l’en­vi­ron­nement, la mobil­ité et l’amé­nage­ment, qui accom­pa­gne les poli­tiques publiques dans les col­lec­tiv­ités).

Outre-mer

Qual­i­fiés d’«avants-postes de la plan­i­fi­ca­tion écologique», les ter­ri­toires d’Outre-mer font l’objet d’un cer­tain nom­bre de propo­si­tions spé­ci­fiques, dont la créa­tion d’un fonds d’indemnisation et de préven­tion con­tre les pol­lu­tions (vic­times du chlordé­cone et du glyphosate aux Antilles, des essais nucléaires en Polynésie, etc.). Le NFP promet un plan de réno­va­tion des canal­i­sa­tions et un pla­fon­nement du prix de l’eau là où le ser­vice est défail­lant, alors que plusieurs ter­ri­toires (May­otte, Guade­loupe, Mar­tinique…) font fréquem­ment face à des coupures d’eau (notre reportage à May­otte).

Diplomatie

Un volet du pro­gramme est dédié à la diplo­matie, qui a cristallisé les ten­sions entre les dif­férents par­tis de l’union au cours des derniers mois. Out­re la défense d’un cessez-le-feu à Gaza et le sou­tien à l’Ukraine, plusieurs élé­ments con­cer­nent directe­ment l’écologie. Le pro­gramme promeut «une diplo­matie qui préserve notre envi­ron­nement» à tra­vers la recon­nais­sance du crime d’écocide, la pro­tec­tion des fonds marins et le sou­tien à la créa­tion d’un tri­bunal inter­na­tion­al de jus­tice cli­ma­tique et envi­ron­nemen­tale. Enfin, il prévoit la créa­tion du statut de déplacé cli­ma­tique.

Des ambitions à concrétiser sur le plan financier

Nico­las Dufrêne, directeur de l’Institut Rousseau, think tank dédié à la tran­si­tion écologique, recon­naît auprès de Vert un pro­gramme «sérieux» et des ambi­tions «cohérentes avec les posi­tions portées jusqu’à présent par les dif­férents par­tis à l’Assemblée nationale». Sa crédi­bil­ité dépen­dra ensuite des moyens mis sur la table : «D’un côté il y a les objec­tifs adop­tés, mais de l’autre il y a aus­si la ques­tion du bud­get accordé pour les réalis­er. Cela néces­sit­era un chiffrage plus pré­cis des besoins financiers pour la tran­si­tion, ce que l’on n’a pas encore dans le pro­gramme à cause du tim­ing ser­ré», juge le haut fonc­tion­naire.