Décryptage

Après deux ans de pandémie, le mouvement mondial pour le climat retrouve des couleurs

Un long week-end de retrouvailles. Marches, rencontres et mobilisations en tous genres : après quasiment deux ans d'embolie causée par la pandémie de Covid-19, le mouvement mondial pour le climat a repris du poil de la bête ces derniers jours à Glasgow.
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La pluie hor­i­zon­tale n’aura pas douché les ardeurs de la foule. Same­di, à Glas­gow, un vaste cortège a bravé les intem­péries pour porter les mul­ti­ples voix qui com­posent le mou­ve­ment cli­mat au milieu de la COP26. De nom­breux autres rassem­ble­ments avaient lieu ailleurs sur la planète à l’oc­ca­sion de cette « journée mon­di­ale pour l’ac­tion cli­ma­tique ».

Quelques mois aupar­a­vant, le mou­ve­ment parais­sait à l’ar­rêt : « la vague de mobil­i­sa­tion pour le cli­mat que nous avons eue en 2019 a pris fin bru­tale­ment lorsque la pandémie a éclaté », expli­quait le chercheur et mil­i­tant Andreas Malm à Vert en juin dernier. Deux ans plus tôt, les grèves sco­laires et les march­es pour le cli­mat atteignaient des niveaux-record.

Le vaste cortège qui a bravé les intem­péries same­di à Glagow. © Daniel Leal-Oli­vas / AFP

Ce week-end, le mou­ve­ment paraît avoir repris des couleurs. Après une marche de Fri­days for future, ven­dre­di, dans les rues de Glas­gow (notre reportage), 100 000 per­son­nes ont bat­tu le pavé dès le lende­main. « Toutes ces per­son­nes du monde entier qui ont élevé la voix pour deman­der la jus­tice cli­ma­tique, c’é­tait exacte­ment ce dont nous avions besoin, après deux ans sans avoir été en con­nex­ion physique avec les gens, applau­dit Tas­neem Essop, direc­trice générale du Réseau action cli­mat inter­na­tion­al (CAN), qui représente quelque 1 500 ONG. C’é­tait vrai­ment inspi­rant » (notre entre­tien).

Ces march­es ne sont que « la par­tie vis­i­ble de la mobil­i­sa­tion », qui a cou­vé pen­dant près de deux ans, ajoute la mil­i­tante sud-africaine. « Nous n’avons pas cessé de nous organ­is­er […] La pandémie nous a don­né le temps de façon­ner notre organ­i­sa­tion de manière durable », ajoute la direc­trice.

Pour Nico­las Haeringer, chargé des parte­nar­i­ats à 350.org, la marche de same­di fut un « suc­cès. Ça fait chaud au cœur de voir autant de monde, avec une vraie représen­ta­tion de la diver­sité du mou­ve­ment cli­mat ». Par­mi le cortège : des organ­i­sa­tions antiracistes, religieuses, spir­ituelles, anti­colo­nial­istes, car­i­ta­tives, en faveur de la jus­tice sociale, économique ou cli­ma­tique, de défense des peu­ples autochtones, des per­son­nes LGBT+, de la démoc­ra­tie, des paysans, ou des ani­maux, ain­si que des syn­di­cats et des organ­i­sa­tions poli­tiques.

Un mou­ve­ment dont le cen­tre de grav­ité se trou­ve dans les pays du Sud, selon Nico­las Haeringer, et qui mise sur l’intersectionnalité entre tous ces com­bats. Un con­cept résumé par Gre­ta Thun­berg à l’is­sue de la grève de Fri­days for future : « La crise cli­ma­tique et écologique n’ex­iste pas dans le vide. Elle est directe­ment liée à d’autres crises et injus­tices qui datent du colo­nial­isme et au-delà. Des crises basées sur l’idée que cer­taines per­son­nes valent plus que d’autres, et ont le droit de les exploiter, de vol­er leurs ter­res et leurs ressources ».

L’in­ter­sec­tion­nal­ité, c’est aus­si le mot d’or­dre de la COP26 coali­tion, née pour l’oc­ca­sion, qui rassem­ble des dizaines d’or­gan­i­sa­tions. Chaque soir, dans l’église bap­tiste Ade­laide du cen­tre de Glas­gow, des per­son­nal­ités du monde entier – activistes, sci­en­tifiques, poli­tiques ou encore, syn­di­cal­istes — pren­nent la parole pour racon­ter leur expéri­ence et ten­ter d’in­ven­ter la mobil­i­sa­tion de demain. Le but, expliqué le pre­mier soir par Camille Barba­gal­lo, uni­ver­si­taire fémin­iste et marx­iste, et maîtresse de céré­monie : « don­ner des out­ils » aux activistes afin qu’elles et ils repar­tent mieux armé·e·s dans leurs luttes locales.

Camille Barba­gal­lo, maîtresse de céré­monie chaque soir lors des « assem­blées du mou­ve­ment pour la jus­tice cli­ma­tique » © COP26 Coali­tion

Point d’orgue du vaste pro­gramme de la Coali­tion : le « som­met du peu­ple », qui se tient du 7 au 10 novem­bre à Glas­gow et en ligne. Trois jours extrême­ment chargés où se suc­céderont tables ron­des, rassem­ble­ments, et activ­ités ludiques, comme un jeu de l’oie grandeur nature sur le cli­mat.

Out­re le plaisir des retrou­vailles, la COP26 est le lieu de nom­breuses coopéra­tions entre les dif­férentes organ­i­sa­tions. 350.org a notam­ment aidé le mou­ve­ment de Gre­ta Thun­berg à gér­er sa com­mu­ni­ca­tion, ou à des choses plus triv­iales, comme la réser­va­tion d’e­spaces à l’in­térieur de la COP pour y men­er des actions. Alors qu’elles n’ont eu droit qu’à un petit nom­bre d’observateur·rice·s, les ONG s’y échangent régulière­ment des infor­ma­tions sur l’a­vancée des négo­ci­a­tions, qu’elles décryptent col­lec­tive­ment.

Elles s’or­gan­isent égale­ment pour les années futures : dimanche, l’u­ni­ver­sité Strath­clyde de Glas­gow a été investie par des cen­taines de représentant·e·s d’as­so­ci­a­tions lors de mul­ti­ples réu­nions plus ou moins formelles. « La pandémie ne nous a pas arrêtés, elle nous a ren­dus plus forts, estime Tas­neem Essop, qui y organ­i­sait des débats pour le compte du CAN ce dimanche. Elle a ren­du vis­i­bles toutes les injus­tices dans le monde. Nous avons gardé notre élan et ensem­ble, same­di, nous avons mon­tré l’é­ten­due de notre pou­voir ».