Entretien

Tasneem Essop : « La pandémie ne nous a pas arrêtés, elle nous a rendus plus forts »

Tasneem Essop est directrice générale du Réseau action climat (CAN) international. A Vert, elle raconte la résurgence du mouvement climat, après une pandémie qui a mis le doigt sur des inégalités en tous genres.
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A Glasgow, les organisateurs de la marche mondiale pour la justice climatique ont revendiqué 100 000 participant·e·s. Qu’avez vous pensé de ce moment ?

Toutes ces personnes du monde entier qui ont levé leur voix pour demander la justice climatique, c’était exactement ce dont nous avions besoin, après deux ans sans avoir été en connexion physique avec les gens. C’était vraiment inspirant.

Diriez-vous que le mouvement mondial pour la justice climatique avait été mis à l’arrêt par la pandémie ?

Le mouvement ne s’est pas arrêté, il a évolué différemment. Nous nous sommes organisés différemment et nous avons été créatifs. Ce que vous avez vu samedi, c’est le résultat de l’élan initié avant la pandémie, que nous avons réussi à conserver pendant tout ce temps.

La pandémie ne nous a pas arrêtés, elle nous a rendus plus forts. Elle a rendu visibles toutes les injustices dans le monde. La justice climatique est très connectée à la justice sociale et les questions de vaccins et d’inégalités sont toutes liées. Nous avons gardé l’élan, et ensemble, nous avons montré l’étendue de notre pouvoir.

Pendant deux ans, nous n’avons pas cessé de nous organiser. Quand nous sommes dans la rue, c’est la partie visible de la mobilisation. La pandémie nous a donné le temps de façonner notre organisation de manière durable de sorte que, au moment où nous pourrions enfin agir et faire campagne, ce serait à partir d’un mouvement plus fort et mieux organisé.

Nous n’obtiendrons pas le changement dont nous avons besoin avec les seules négociations, mais au travers du pouvoir du peuple. Au niveau national, les mouvements doivent pousser leurs gouvernements, les tenir responsables, vérifier que tous les grands mots employés ici sont traduits en actions.

Le CAN représente quelque 1 500 organisations, dont de nombreux membres ont cumulé les difficultés pour venir à Glasgow. S’agit-il, comme cela a été dit par certains, de la COP la plus exclusive jamais organisée ?

Venir ici a été compliqué, ce qui a exclu de nombreux activistes du Sud. Beaucoup d’entre eux n’ont pas pu venir à Glasgow. Cela n’a pas été seulement le cas de la société civile, mais aussi celui de certaines délégations, et certains négociateurs. En plus, une fois que nous sommes arrivés, les règles d’accès ont changé. Ils ont restreint le nombre de personnes autorisées à assister aux négociations. Nous n’avons eu que deux tickets pour l’ensemble du CAN, parce que nous avons partagé les deux autres avec la campagne Demand climate justice now. Donc il a été très difficile d’entrer dans les salles de négociations, de les suivre, de faire des interventions et de maintenir la pression. Autre problème : quand nous avons pu intervenir, nous n’avons eu qu’une minute pour dire ce que nous avions à dire. Et généralement, c’est à la fin de la réunion, quand l’ensemble des gouvernements ont quitté la salle. C’est vraiment difficile de réellement participer.

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