Attendue avec ferveur par de nombreux jeunes glasgoviens qui avaient séché l’école pour marcher pour le climat, Greta Thunberg se sera faite très discrète tout au long du parcours. Vendredi, l’icône mondiale et les figures occidentales les plus connues de Fridays for future, comme l’Allemande Luisa Neubauer, sont restées dans l’ombre. En tête de cortège, des visages que le mouvement s’est appliqué à mettre en lumière ces derniers mois comme ceux de la Kényane Elizabeth Wathuti, ou de l’Equatorienne Nina Gualingua. Cette fois-ci, personne ne pourra être retiré de la photo : en janvier 2020, la militante ougandaise Vanessa Nakaté avait été coupée par l’agence AP dans le recadrage d’une photo où elle était en compagnie d’activistes européen·ne·s. Un symbole qui résonne encore dans les mémoires des jeunes grévistes. Malgré tout, certaines agences de presse comme l’AFP n’auront eu d’yeux que pour Greta Thunberg.
Coiffes tribales, tatouages faciaux et chants scandés dans toutes les langues ; les quelque 20 000 manifestant·e·s ont défilé sous la bannière de Fridays for future MAPA, pour « Most Affected People and Areas » – les personnes et les zones les plus affectées. Une émanation du mouvement née il y a plus d’un an qui veut faire porter les voix des premières victimes du réchauffement, qui sont souvent les moins responsables de la crise.
Originaire de Tongatapu, île principale des Tonga, Joseph-Zane Sikulu aimait jouer sous la pluie quand il était petit. « On ne peut plus faire ça maintenant, c’est trop dangereux à cause du cycle des précipitations devenu imprévisible », s’assombrit le gaillard, une fleur accrochée à la tempe. L’inexorable montée de la mer fait disparaître le monde qu’il connaît. Il est venu représenter les Pacific climate warriors, un réseau à travers tout l’océan Pacifique qui veut « autonomiser [empower en anglais] les jeunes pour qu’ils se lèvent et racontent leur histoire ».
Avec seulement huit délégués à Glasgow (contre près de 200 pour la France), les appels à l’aide de son pays seront inaudibles lors des négociations de la COP26. Tout comme ceux des communautés autochtones, qui peuvent présenter des délégués lors de ces conférences. Contraintes sanitaires, difficultés administratives… « ça a été très dur d’obtenir une accréditation pour venir à Glasgow, et c’était très cher pour nous. Il nous a fallu beaucoup de travail et de solidarité », déplore Andrea Ixchiu, représentante guatémaltèque de l’alliance Futuros Indigenas.
Mercredi, Greta Thunberg s’est jointe à des activistes de l’Indigenous Environmental Network pour perturber une conférence consacrée à la compensation carbone. Une solution à la mode chez les entreprises fossiles, qui nécessite de grandes surfaces, notamment pour planter des arbres, et provoque l’accaparement de terres autochtones en Amérique Latine et ailleurs. « J’ai vu des meurtres, le vol de terres indigènes, la destruction de forêts ancestrales, pour installer des monocultures et des méga-barrages », tempête Andrea Ixchiu, par-dessus les chants contre « el diablo extractivisto ». Dans les COP, ils font semblant de nous inclure mais nous ne sommes jamais écoutés, ni pris en compte dans les décisions. C’est pour ça que nous sommes là, ainsi que pour mettre fin au racisme et à l’extractivisme qui détruit notre Terre-mère ».