Reportage

A Glasgow, Fridays for future redonne de la voix aux oubliés de la COP26

Vendredi, le mouvement fondé par Greta Thunberg a organisé l'une de ses célèbres grèves scolaires pour le climat dans les rues de Glasgow. Sur le devant de la scène, des représentant·e·s des peuples autochtones et des régions les plus affectées par le changement climatique.
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Atten­due avec fer­veur par de nom­breux jeunes glas­goviens qui avaient séché l’é­cole pour marcher pour le cli­mat, Gre­ta Thun­berg se sera faite très dis­crète tout au long du par­cours. Ven­dre­di, l’icône mon­di­ale et les fig­ures occi­den­tales les plus con­nues de Fri­days for future, comme l’Alle­mande Luisa Neubauer, sont restées dans l’om­bre. En tête de cortège, des vis­ages que le mou­ve­ment s’est appliqué à met­tre en lumière ces derniers mois comme ceux de la Kényane Eliz­a­beth Wathuti, ou de l’E­qua­to­ri­enne Nina Gualin­gua. Cette fois-ci, per­son­ne ne pour­ra être retiré de la pho­to : en jan­vi­er 2020, la mil­i­tante ougandaise Vanes­sa Nakaté avait été coupée par l’a­gence AP dans le recadrage d’une pho­to où elle était en com­pag­nie d’ac­tivistes européen·ne·s. Un sym­bole qui résonne encore dans les mémoires des jeunes grévistes. Mal­gré tout, cer­taines agences de presse comme l’AFP n’au­ront eu d’yeux que pour Gre­ta Thun­berg.

Le cortège de Fri­days for future, ven­dre­di 5 novem­bre. © Daniel Leal-Oli­vas / AFP

Coiffes trib­ales, tatouages faci­aux et chants scan­dés dans toutes les langues ; les quelque 20 000 manifestant·e·s ont défilé sous la ban­nière de Fri­days for future MAPA, pour « Most Affect­ed Peo­ple and Areas » – les per­son­nes et les zones les plus affec­tées. Une éma­na­tion du mou­ve­ment née il y a plus d’un an qui veut faire porter les voix des pre­mières vic­times du réchauf­fe­ment, qui sont sou­vent les moins respon­s­ables de la crise.

Orig­i­naire de Ton­gat­a­pu, île prin­ci­pale des Ton­ga, Joseph-Zane Siku­lu aimait jouer sous la pluie quand il était petit. « On ne peut plus faire ça main­tenant, c’est trop dan­gereux à cause du cycle des pré­cip­i­ta­tions devenu imprévis­i­ble », s’as­sombrit le gail­lard, une fleur accrochée à la tempe. L’inex­orable mon­tée de la mer fait dis­paraître le monde qu’il con­naît. Il est venu représen­ter les Pacif­ic cli­mate war­riors, un réseau à tra­vers tout l’océan Paci­fique qui veut « autonomiser [empow­er en anglais] les jeunes pour qu’ils se lèvent et racon­tent leur his­toire ».

Avec seule­ment huit délégués à Glas­gow (con­tre près de 200 pour la France), les appels à l’aide de son pays seront inaudi­bles lors des négo­ci­a­tions de la COP26. Tout comme ceux des com­mu­nautés autochtones, qui peu­vent présen­ter des délégués lors de ces con­férences. Con­traintes san­i­taires, dif­fi­cultés admin­is­tra­tives… « ça a été très dur d’obtenir une accrédi­ta­tion pour venir à Glas­gow, et c’é­tait très cher pour nous. Il nous a fal­lu beau­coup de tra­vail et de sol­i­dar­ité », déplore Andrea Ixchiu, représen­tante guaté­maltèque de l’al­liance Futur­os Indi­ge­nas.

A la fin du défilé, plusieurs représen­tantes de com­mu­nautés autochtone ont pris la parole sur le George square du cen­tre de Glas­gow. © Daniel Leal-Oli­vas / AFP

Mer­cre­di, Gre­ta Thun­berg s’est jointe à des activistes de l’Indige­nous Envi­ron­men­tal Net­work pour per­turber une con­férence con­sacrée à la com­pen­sa­tion car­bone. Une solu­tion à la mode chez les entre­pris­es fos­siles, qui néces­site de grandes sur­faces, notam­ment pour planter des arbres, et provoque l’ac­ca­pare­ment de ter­res autochtones en Amérique Latine et ailleurs. « J’ai vu des meurtres, le vol de ter­res indigènes, la destruc­tion de forêts ances­trales, pour installer des mono­cul­tures et des méga-bar­rages », tem­pête Andrea Ixchiu, par-dessus les chants con­tre « el dia­blo extrac­tivis­to ». Dans les COP, ils font sem­blant de nous inclure mais nous ne sommes jamais écoutés, ni pris en compte dans les déci­sions. C’est pour ça que nous sommes là, ain­si que pour met­tre fin au racisme et à l’ex­trac­tivisme qui détru­it notre Terre-mère ».