La quotidienne

Une paire de mandats dans la tête du climat

Chères toutes et chers tous,

A l'issue d'une non-campagne, dont l'écologie aura été la grande absente, les Français·es n'auront, une fois encore, pas voté pour le climat. Mais il est trop tard pour être pessimiste et à Vert, nous nous refusons à baisser les bras, comme vous le verrez dans notre éditorial ci-dessous.

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Le climat et le vivant sont les grands perdants de cette élection, mais il ne faut pas s'abandonner à la tristesse et à la frustration.


Un quinquennat déjà perdu pour le climat ?

Le Giec nous a donné trois ans pour tout changer afin de nous épargner les pires effets du bouleversement du climat et nous venons probablement de signer pour cinq années de plus avec un président deux fois condamné pour son inaction en la matière. Mais il n'est pas question de baisser les bras.

Rien n’y aura fait.

Ni les alertes répétées des scientifiques du Giec, qui nous ont rappelé la « courte fenêtre d’opportunité » qu’il nous reste pour transformer, de fond en comble, nos modes de vie.

Ni les records de sécheresse agricole – battus à trois reprises depuis 2018 en France – ni les chaleurs inédites relevées dans l’Hexagone comme ailleurs sur la planète, ni les mégafeux, les inondations, les tempêtes tropicales, qui se multiplient et mettent une partie de l’humanité à genoux.

Ni les nombreux excès du mandat présidentiel qui s’achève – dépassements répétés des valeurs limites de pollution de l’air, artificialisation toujours plus grande des espaces naturels ou agricoles, industrialisation des forêts, maintien ou retour de certains des pesticides les plus dangereux, cadeaux faits au monde de la chasse, arbitrages systématiquement rendus en faveur du monde des affaires, au-dessus de toute autre considération.

Dans son dernier rapport paru cette même semaine, le Giec nous a donné trois ans pour tout changer afin de nous épargner les pires effets du bouleversement du climat. Nous venons vraisemblablement de signer pour cinq années de plus avec un président dont le gouvernement est deux fois condamné pour son inaction dans la lutte contre le changement climatique (son bilan).

Qui a ostensiblement oublié l’écologie dans son nouveau projet présidentiel ; qui persiste à ignorer les nombreuses exhortations de la société civile, d’une jeunesse en manque de raisons d’espérer, de scientifiques qui sortent de leur réserve et se mettent à désobéir, de toutes les personnes de bonne volonté résolues à apporter des réponses à la hauteur de l’urgence climatique.

Emmanuel Macron, hier soir © Ludovic Marin / AFP

Puisqu’il est hors de question de barguigner avec l’extrême droite, ces lignes n’ont évidemment pas pour but de laisser accroire que les deux issues possibles à ce second tour se vaudraient. Au reste, nous l’avons écrit : Marine Le Pen est une adversaire acharnée de l’écologie.

Elles déplorent que l’écologie, le climat, le vivant et la justice sociale aient été, une fois encore, les oubliées de la campagne ; que les Français·es aient choisi – probablement faute d’un accès à une information de qualité sur ces sujets – de s’engager sur une pente glissante qui nous mène vers une aggravation des crises écologiques. Ce quinquennat qui va s’ouvrir apparaît d’ores et déjà perdu pour le climat.

À moins que.

Chères lectrices et chers lecteurs, journalistes, travailleur·ses, scientifiques, professeur·es, activistes, artistes, citoyen·nes de tous horizons… les cinq années qui s’annoncent n’appartiennent pas à un seul homme. C’est également l’un des messages forts du Giec : chaque dixième de degré compte ; il n’est jamais trop tard pour agir, et toutes les forces vives seront requises.

Pendant les cinq prochaines années, nous serons à vos côtés pour décrypter les informations complexes au sujet du climat et du vivant, vous aider à démasquer les fausses promesses et les mauvaises solutions, mais aussi et surtout, vous donner à voir les moyens d’actions à la portée de toutes et tous, et les alternatives qui champignonnent à travers notre pays, comme au-delà.

Des crises peuvent jaillir des sursauts inespérés. Les graines du changement ont été plantées, à nous toutes et tous de les arroser jusqu’à ce que la société soit mûre pour se transformer.

· Avec 4,6 % des voix récoltées au premier tour de l’élection présidentielle, le candidat EELV Yannick Jadot a manqué de peu le seuil des 5 %, synonyme de remboursement d’une grande partie des frais de campagne. Hier soir, après l’annonce des résultats, il a immédiatement appelé ses électeur·rices aux dons pour éponger les dettes du parti, qui doit trouver deux millions d’euros d’ici le 15 mai prochain. Selon le secrétaire national du parti, Julien Bayou, il faudrait que chaque personne ayant voté Yannick Jadot donne trois euros afin de rembourser la campagne.

Jean Castex est allé voter en jet privé à Prades (Pyrénées-Orientales), la commune qu’il a longtemps dirigée © Capture d’écran BFMTV

Fais Falcon ! Il aurait pu prendre le train ou faire une procuration. Dimanche, le premier ministre, Jean Castex, a décidé de s’offrir un aller-retour en jet privé (un Falcon 900 de chez Dassault) entre Paris et Prades (Pyrénées-Orientales) pour pouvoir s’afficher en train de voter devant les caméras de télévision. Selon nos calculs réalisés à partir de cet outil, ce caprice aura contribué à rejeter 4 460 kilogrammes de CO2 dans l’atmosphère. Soit, en une journée, l’équivalent de ce qu’émet un Français moyen en six mois. Pire, c’est deux fois plus que ce qu’un humain devrait émettre en une année dans un monde neutre en carbone (environ deux tonnes). En février, Mediapart avait déjà enquêté sur sa « passion immodérée pour les jets de la République » lors de trajets parfois réalisables en moins de deux heures de train.

À la veille du premier tour, des dizaines de marches pour mettre le climat et la justice sociale dans les urnes

À l’appel de centaines d'organisations, plus de 80 marches « pour le futur » se sont tenues en France samedi pour faire converger les luttes environnementales, féministes, antiracistes et contre la précarité. La tentation d'un « vote utile » pour l'écologie et la justice sociale était sur de nombreuses lèvres.

« En 2027, il sera trop tard pour voter utile », pouvait-on lire sur une des pancartes du cortège parisien de la « marche pour le futur » samedi après-midi. De la place de la Bastille à celle de la République, environ 35 000 personnes ont battu le pavé selon les organisateurs – 5 600, selon la police. Au même moment, quelque 60 000 manifestant·es défilaient au sein des 83 rassemblements organisés à travers tout le pays.

Le mot d’ordre de cette marche soutenue par plus de 300 organisations écologistes, féministes, antiracistes, contre la précarité ou les violences policières : la convergence des luttes. Dans le cortège, le vert des militant·es des Amis de la Terre ou de Greenpeace se mélangeait au rose du collectif Nous Toutes ou au fluo des gilets jaunes. « Il y a un sentiment d’urgence à la fin de ce quinquennat où nos luttes ont été méprisées, humiliées », estime Charlène Fleury, membre d’Action non-violente COP 21.

Dans le cortège parisien, samedi après-midi © Pierre Larrieu / Hans Lucas

« Nos vies et notre avenir sont en jeu, on n’a pas cinq ans, ouvrons les yeux ». Lunettes sur le nez et imper bleu marine sur le dos, Merlin opine du chef en écoutant les manifestant·es scander leurs slogans. Pour ce retraité de 68 ans, « tous ces rassemblements pour différentes luttes vont finir par payer. Plus il y aura de voix dissidentes, plus ça rééquilibrera le rapport de force ». Si aucune consigne de vote n’a été officiellement donnée, le vote « utile » était sur de nombreuses bouches au sein du cortège. « On est en train de dire aux gens : ne faites pas de la merde dans l’urne s’il vous plaît ! », lance Loane, intermittente du spectacle de 22 ans.

Beaucoup de manifestant·es regrettent l’absence de la question climatique dans la campagne, et ce, malgré la parution du dernier volet du rapport du Giec lundi dernier (notre décryptage). D’après les ONG à l’origine de l’« Affaire du siècle », qui publient un baromètre hebdomadaire sur la place des questions climatiques dans la campagne, le climat n’a occupé, en moyenne, que 3,6 % du temps médiatique au cours des deux derniers mois.

Assa Traoré, à la tête du comité « La vérité pour Adama » qui se bat contre les exactions de la police, était parmi les figures de la marche. « En 2017, un tel rassemblement des luttes aurait été improbable, estime Youcef Brakni, porte-parole du comité. C’est un peu ironique, mais ça aura été un miracle de ce quinquennat. Il a été tellement violent qu’il nous a obligé à nous réunir ».

Pour Pauline Baron, coordinatrice du collectif féministe Nous Toutes, ce mouvement « inédit » de convergence n’est qu’un début. « Peu importe le résultat de l’élection, aujourd’hui c’est le point de départ d’une dynamique plus large autour de toutes nos luttes ».


« Où est l’action ? », l’appel de Greenpeace

Dans une courte vidéo publiée la semaine dernière après la sortie du dernier rapport du Giec, l’ONG Greenpeace interpelle citoyen·nes et gouvernant·es sur la réalité du changement climatique. Après un court rappel de la grave dégradation de la planète par les activités humaines, une question revient, lancinante : « Où est l’action ? ». Greenpeace pointe la contradiction entre les mesures fortes portées par les pays du monde entier face à la pandémie de Covid-19 et l’absence de décisions courageuses en matière de climat. L’ONG souligne également le rôle capital des citoyen·es dans cette lutte ; les gouvernements n’agiront que s’ils y sont contraints par le peuple.

© Greenpeace France

+ Anne-Sophie Novel et Justine Prados ont contribué à ce numéro