Analyse

Présidentielle : l’extrême droite en campagne contre le climat

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Le Pen per­due. Vert a exam­iné les propo­si­tions sur l’é­colo­gie portées par la droite de la droite. Si Marine Le Pen développe un syn­crétisme dou­teux entre nation­al­isme et envi­ron­nement, Éric Zem­mour est plus explicite­ment opposé à la sci­ence.

Alors que le prochain quin­quen­nat s’an­nonce cru­cial dans la lutte con­tre l’emballement cli­ma­tique, l’é­colo­gie est restée par­faite­ment ignorée de toute la cam­pagne. Une absence qui n’est pas étrangère au fait que l’ex­trême droite a dic­té ses thé­ma­tiques. Or, force est de con­stater que celle-ci se préoc­cupe bien peu d’é­colo­gie.

L’émission « Elysée 2022 » du 31 mars, à laque­lle par­tic­i­pait Marine Le Pen, a con­sacré 1 % du temps de parole au cli­mat. © Affaire du siè­cle

Pas la peine de rem­bobin­er les mag­né­tos, ses deux cham­pi­ons n’ont presque jamais pris la parole sur le sujet, si ce n’est pour dia­bolis­er les éner­gies renou­ve­lables. Marine Le Pen et Éric Zem­mour s’ac­cor­dent tous deux sur la néces­sité d’un mora­toire sur le développe­ment des éoli­ennes et le déman­tèle­ment des quelque 9 000 machines en fonc­tion­nement. Marine Le Pen va un cran plus loin en s’at­taquant égale­ment au solaire pho­to­voltaïque.

Seule l’én­ergie nucléaire trou­ve grâce à leurs yeux ; le Rassem­ble­ment nation­al prévoit ain­si de rou­vrir la cen­trale de Fes­sen­heim (Haut-Rhin) mise à l’arrêt en 2020, et de lancer la con­struc­tion de six nou­veaux réac­teurs à eau pres­surisée EPR. Éric Zem­mour en veut 14 – sinon plus – et compte pro­longer le parc actuel jusqu’à ses soix­ante ans, au moins.

Prob­lème : en s’op­posant ain­si aux éner­gies renou­ve­lables, les deux candidat·es nient le con­sen­sus sci­en­tifique. Le dernier volet du nou­veau rap­port du Giec, qui com­pile 18 000 pub­li­ca­tions sci­en­tifiques sur les solu­tions à l’ur­gence cli­ma­tique, démon­tre le car­ac­tère incon­tourn­able de ces tech­nolo­gies (notre syn­thèse). Or, si elle est « absol­u­ment d’ac­cord avec la stratégie de baisse des émis­sions », Marine Le Pen n’a « pas les mêmes moyens que le Giec » pour y arriv­er, a‑t-elle expliqué au micro de France Inter. Il fal­lait oser !

En dehors de ses charges médi­a­tiques, le pro­gramme de Marine Le Pen essaie mal­gré tout de répon­dre aux préoc­cu­pa­tions éco­los en ten­tant une syn­thèse entre nation­al­isme et envi­ron­nemen­tal­isme. On peut lire par exem­ple que « ce sont les pop­u­la­tions unies par la longue durée de présence sur un ter­ri­toire qui peu­vent revendi­quer leur com­plic­ité avec la nature », ce que « le nomadisme for­cé et les migra­tions de masse détru­isent sans retour ». En réponse à cela, c’est, sans sur­prise, le local­isme qui tient lieu de pro­gramme : « la préférence pour les pro­duits français, pour l’emploi des Français, pour l’investissement dans les entre­pris­es français­es est le pre­mier levi­er d’une tran­si­tion gag­nante », peut-on lire.

Pour le reste, il est davan­tage ques­tion de paysage que d’é­colo­gie. D’ailleurs, « l’é­colo­gie con­siste d’abord à repren­dre la France à ceux qui la défig­urent », con­firme le pro­gramme. Mais rien de con­cret n’est pro­posé pour frein­er l’ef­fon­drement de la bio­di­ver­sité. Pis, Marine Le Pen n’hésite pas à con­vo­quer les mirages tech­nologiques de l’é­co­mod­ernisme quand il s’ag­it de préserv­er quelques points de crois­sance : hydrogène, avion vert et nucléaire suf­firont à nous sauver.

Éric Zem­mour recon­duit les mêmes con­tra­dic­tions dans le chapitre « Envi­ron­nement » de son pro­gramme, qui tient en quelques lignes. Il con­jugue ain­si la promesse de « pro­téger la beauté de la France » avec celle de dop­er « les fil­ières de développe­ment durables inno­vantes » comme l’avi­a­tion bas‑carbone. Mais con­traire­ment à Marine Le Pen, Éric Zem­mour a déjà plusieurs fois mis en doute la réal­ité du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, cri­ti­quant même l’in­stru­men­tal­i­sa­tion de « la France qui craint le grand réchauf­fe­ment » ; lui qui préfère lut­ter en pri­or­ité con­tre le pré­ten­du « grand rem­place­ment » et le « grand déclasse­ment ».

« Tout cela démon­tre une chose : une par­tie sig­ni­fica­tive de l’ex­trême droite ne fait même plus sem­blant de s’ac­com­mod­er avec l’é­colo­gie », estime le poli­to­logue Simon Per­si­co. « Elle admet désor­mais qu’elle se situe explicite­ment dans le camp anti-envi­ron­nemen­tal. Du reste, la droite éta­suni­enne avait mon­tré le chemin depuis bien longtemps », con­state-t-il. De fait, les deux can­di­dats français se met­tent volon­tiers dans les pas de l’ex-président améri­cain Don­ald Trump. Avec un suc­cès cer­tain, puisque Marine Le Pen cara­cole désor­mais dans les sondages. Une chose est sûre si elle gagne, le cli­mat y per­dra.

[Sol­lic­ités, ni le Rassem­ble­ment nation­al, ni Recon­quête, n’ont souhaité répon­dre aux ques­tions de Vert.]