Le Pen perdue. Vert a examiné les propositions sur l’écologie portées par la droite de la droite. Si Marine Le Pen développe un syncrétisme douteux entre nationalisme et environnement, Éric Zemmour est plus explicitement opposé à la science.
Alors que le prochain quinquennat s’annonce crucial dans la lutte contre l’emballement climatique, l’écologie est restée parfaitement ignorée de toute la campagne. Une absence qui n’est pas étrangère au fait que l’extrême droite a dicté ses thématiques. Or, force est de constater que celle-ci se préoccupe bien peu d’écologie.
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Pas la peine de rembobiner les magnétos, ses deux champions n’ont presque jamais pris la parole sur le sujet, si ce n’est pour diaboliser les énergies renouvelables. Marine Le Pen et Éric Zemmour s’accordent tous deux sur la nécessité d’un moratoire sur le développement des éoliennes et le démantèlement des quelque 9 000 machines en fonctionnement. Marine Le Pen va un cran plus loin en s’attaquant également au solaire photovoltaïque.
Seule l’énergie nucléaire trouve grâce à leurs yeux ; le Rassemblement national prévoit ainsi de rouvrir la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) mise à l’arrêt en 2020, et de lancer la construction de six nouveaux réacteurs à eau pressurisée EPR. Éric Zemmour en veut 14 – sinon plus – et compte prolonger le parc actuel jusqu’à ses soixante ans, au moins.
Problème : en s’opposant ainsi aux énergies renouvelables, les deux candidat·es nient le consensus scientifique. Le dernier volet du nouveau rapport du Giec, qui compile 18 000 publications scientifiques sur les solutions à l’urgence climatique, démontre le caractère incontournable de ces technologies (notre synthèse). Or, si elle est « absolument d’accord avec la stratégie de baisse des émissions », Marine Le Pen n’a « pas les mêmes moyens que le Giec » pour y arriver, a-t-elle expliqué au micro de France Inter. Il fallait oser !
En dehors de ses charges médiatiques, le programme de Marine Le Pen essaie malgré tout de répondre aux préoccupations écolos en tentant une synthèse entre nationalisme et environnementalisme. On peut lire par exemple que « ce sont les populations unies par la longue durée de présence sur un territoire qui peuvent revendiquer leur complicité avec la nature », ce que « le nomadisme forcé et les migrations de masse détruisent sans retour ». En réponse à cela, c’est, sans surprise, le localisme qui tient lieu de programme : « la préférence pour les produits français, pour l’emploi des Français, pour l’investissement dans les entreprises françaises est le premier levier d’une transition gagnante », peut-on lire.
Pour le reste, il est davantage question de paysage que d’écologie. D’ailleurs, « l’écologie consiste d’abord à reprendre la France à ceux qui la défigurent », confirme le programme. Mais rien de concret n’est proposé pour freiner l’effondrement de la biodiversité. Pis, Marine Le Pen n’hésite pas à convoquer les mirages technologiques de l’écomodernisme quand il s’agit de préserver quelques points de croissance : hydrogène, avion vert et nucléaire suffiront à nous sauver.
Éric Zemmour reconduit les mêmes contradictions dans le chapitre « Environnement » de son programme, qui tient en quelques lignes. Il conjugue ainsi la promesse de « protéger la beauté de la France » avec celle de doper « les filières de développement durables innovantes » comme l’aviation bas‑carbone. Mais contrairement à Marine Le Pen, Éric Zemmour a déjà plusieurs fois mis en doute la réalité du réchauffement climatique, critiquant même l’instrumentalisation de « la France qui craint le grand réchauffement » ; lui qui préfère lutter en priorité contre le prétendu « grand remplacement » et le « grand déclassement ».
« Tout cela démontre une chose : une partie significative de l’extrême droite ne fait même plus semblant de s’accommoder avec l’écologie », estime le politologue Simon Persico. « Elle admet désormais qu’elle se situe explicitement dans le camp anti-environnemental. Du reste, la droite étasunienne avait montré le chemin depuis bien longtemps », constate-t-il. De fait, les deux candidats français se mettent volontiers dans les pas de l’ex-président américain Donald Trump. Avec un succès certain, puisque Marine Le Pen caracole désormais dans les sondages. Une chose est sûre si elle gagne, le climat y perdra.
[Sollicités, ni le Rassemblement national, ni Reconquête, n’ont souhaité répondre aux questions de Vert.]
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